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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

À la recherche de l’introuvable gouvernement…

C'est la course contre la montre entre ceux qui prônent un surcroît de dialogue et de concertations et ceux qui veulent en finir avec la formule présentée par le Premier ministre désigné et se lancer dans de nouvelles consultations parlementaires.
Les plus optimistes voient dans la démarche de Saad Hariri un plan bien étudié pour provoquer un déblocage et relancer les négociations internes. Ils estiment ainsi que le Premier ministre a redonné à la crise gouvernementale sa dimension libanaise et il a voulu sortir du cercle vicieux dans lequel évoluaient les concertations. Mais les plus pessimistes - et au Liban, les événements des dernières années ont prouvé qu'ils avaient en général plus souvent raison que les autres - affirment que le pays est totalement dans l'impasse et que Saad Hariri savait parfaitement que sa formule et surtout la manière avec laquelle elle a été présentée étaient inacceptables. Il aurait donc agi pour remplir le temps mort, en sachant que le feu vert régional pour la formation du gouvernement n'est pas encore arrivé. Et comme les crises en suspens n'en finissent pas de se compliquer dans la région, du Yémen jusqu'en Afghanistan en passant par l'Irak et la Palestine, il est donc normal que le Liban suive le mouvement et entre dans une phase de tensions, voire de turbulences...
Les cercles politiques sont toutefois unanimes à considérer la démarche de Saad Hariri comme un coup de maître. Il a pris une initiative comme un chef, dépassant la procédure traditionnelle et constitutionnelle et renforçant sa popularité au sein de son camp. Il a aussi présenté une formule d'une grande subtilité qui respecte les équilibres politiques actuels, tout en jouant sur les susceptibilités internes au sein de l'opposition, tentant ainsi de provoquer des conflits entre ses différentes composantes et même au sein d'une même formation. De plus, en évitant de désigner le ministre des Télécommunications Gebran Bassil, sachant le symbolisme que représente cette nomination, Hariri a, d'une part, respecté le poids politique du Bloc du changement et de la réforme et, d'autre part, mis le général Aoun au pied du mur, en montrant qu'il est prêt à rejeter une formule équilibrée dans le seul but de défendre son gendre... L'opposition a d'ailleurs bien vite saisi le piège et elle a affiché des rangs unis, refusant de discuter des détails et se contentant de rejeter la forme et la procédure, en avançant comme argument l'atteinte aux prérogatives du chef de l'État. C'est ainsi que lors de la réunion d'hier avec le président Sleiman, les représentants de l'opposition ont refusé de remettre une vision écrite, se contentant de rester dans les principes et les généralités, tout en se déclarant ouverts au dialogue. Les représentants de l'opposition ont réitéré leurs revendications au sujet du portefeuille des Télécommunications, du refus de la majorité de désigner des candidats perdants aux élections et son insistance à ne pas laisser chaque bloc libre de choisir ses candidats. Une concession a été présentée : l'opposition renonce à réclamer un portefeuille régalien.
De son côté, le président Sleiman est forcément gêné par la méthode utilisée par le Premier ministre pressenti, qui a voulu jeter la balle dans son camp. D'une part, il a déjà affirmé à maintes reprises qu'il ne compte pas signer le décret de formation d'un gouvernement qui n'a pas l'aval des deux camps et, de l'autre, il ne veut pas non plus être accusé d'entraver la formation du gouvernement. Il a réagi comme il fallait s'y attendre dans une situation aussi délicate, et surtout comme doit réagir un président d'entente, en demandant du temps pour de nouvelles concertations. Mais il ne peut pas non plus réfléchir trop longtemps, tant la tension est grande entre les deux camps. D'autant que Saad Hariri voulait une décision hier et il n'a accepté un délai supplémentaire qu'à la demande pressante du président de la Chambre Nabih Berry.
Même les efforts du chef du PSP Walid Joumblatt, qui avait laissé entendre qu'il pourrait procéder à un échange entre le ministère des Télécommunications qui lui a été attribué et le portefeuille des Travaux publics qu'il réclamait et qui a échu au CPL, ne sont plus de mise. Car, très vite, les Forces libanaises et les Kataëb ont déclaré que toute modification de la formule actuelle entraînerait une révision des parts qui leur ont été octroyées, coupant ainsi court à toute tentative de donner le portefeuille des Télécommunications au CPL.
Les uns après les autres, les scénarios d'acceptation de la formule présentée par Saad Hariri tombent. D'une part, il n'est donc pas possible de la modifier et les nouvelles concertations menées par le président avec l'opposition n'ont pas donné de résultat et, d'autre part, l'opposition a fait savoir au chef de l'État que s'il signait le décret dans la formule actuelle, ses ministres s'empresseraient de démissionner, rééditant ainsi le scénario du premier gouvernement Siniora. Sauf si le ministre chiite choisi par le chef de l'État décidait de démissionner à son tour ce qui rendrait le gouvernement démissionnaire avec onze ministres sur trente refusant d'assumer leurs fonctions.
Dans ces circonstances, il ne reste donc plus qu'un seul scénario possible : Saad Hariri se récuse et ouvre la voie à de nouvelles consultations parlementaires, qui, à leur tour, ouvrent la voie à trois possibilités : soit Saad Hariri est de nouveau désigné et il entame des concertations en étant libéré de la formule 15-10-5, soit Fouad Siniora est désigné et, pour l'opposition, cela signifierait de nouvelles complications, dans une allusion à la menace directe des responsables égyptiens de recourir à Siniora si Hariri ne parvient pas à former le gouvernement. La troisième possibilité serait de nommer une autre personnalité sunnite comme Nagib Mikati, Mohammad Safadi ou Adnane Kassar. Mais cette hypothèse semble la moins probable. Ce qui est sûr, c'est que la formation du gouvernement est entrée dans une nouvelle phase plus complexe, alors que les discours politiques qui accompagnent cette crise prennent une coloration de plus en plus confessionnelle. L'été plein de promesses est bel et bien fini. Place à l'automne des déceptions... En attendant l'évolution des rapports entre la Syrie et l'Arabie saoudite, sur fond de durcissement régional et international.
Les plus optimistes voient dans la démarche de Saad Hariri un plan bien étudié pour provoquer un déblocage et relancer les négociations internes. Ils estiment ainsi que le Premier ministre a redonné à la crise gouvernementale sa dimension libanaise et il a voulu sortir du cercle vicieux dans lequel évoluaient les concertations....