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Nos Lecteurs ont la Parole

Bonnes volontés au Moyen-Orient

Par Thierry LEVY-TADJINE
La bonne volonté semble caractériser la plupart des acteurs du Moyen-Orient (et c'est heureux) en ces derniers jours d'août 2009.
Pour commencer, en plaidant la cause de Clotilde Reiss, la Française arrêtée en Iran lors des protestations contre l'élection contestée d'Ahmadinejad parce qu'elle filmait les manifestations et en relayait l'information à ses amis, le président Bachar el-Assad a clairement fait montre de sa bonne volonté et de son esprit d'ouverture pour coopérer avec la communauté internationale, avec la France en tout cas.
En sursoyant aux requêtes de la France que le président syrien avait relayées et en accordant une libération conditionnelle sous caution à notre collègue chercheuse (Clotilde Reiss), dans l'attente du terme de son procès, la République islamique d'Iran a fait preuve de bonne volonté. Le monde entier aussi (et même les opposants iraniens, nous semble-t-il), en reconnaissant aujourd'hui Ahmadinejad comme président élu (malgré les doutes sur les conditions du scrutin). La création d'un parti au nom poétique « Le parti du chemin vert de l'espoir » par Mir Hossein Moussawi marque, de fait, sa rentrée dans le rang sans perdre la face. Il se place dans la perspective de la présidentielle iranienne de 2013 et, entre-temps, constituera une véritable force d'opposition démocratique en Iran.
Même ceux, au Liban, en Palestine et en Israël, qui sont souvent des acteurs de mauvaise volonté, semblent relativement ouverts en ce moment.
Toutes les factions libanaises s'entendent (même si cela tarde) pour former le futur gouvernement et l'heure est « au dialogue » (et aux vacances aussi - ce qui explique sans doute leur peu empressement à se mettre définitivement d'accord... Mais tous promettent qu'ils y parviendront et on veut les croire).
Après un petit jeu de menaces psychologiques, « de bonne guerre », aurait-on envie de dire si les enjeux humains n'étaient pas aussi dramatiques en cas de dérapage, le Hezbollah et le gouvernement israélien calment le jeu. Après avoir clairement fait comprendre que le Hezbollah avait à présent la capacité de toucher Tel-Aviv (« Si vous touchez la banlieue de Beyrouth, on touche Tel-Aviv ») et avoir entendu comme avertissement : « À la moindre attaque du Hezbollah, le Liban verra toute la puissance d'Israël », le leader du parti chiite, sayyed Hassan Nasrallah disait le 14 août : « Nous ne pensons pas qu'il y aura une nouvelle guerre contre le Liban dans un avenir proche. »
Le discours israélien est porteur de la même tonalité. Bonne volonté encore...
Pour autant, nous ne sombrons pas dans l'angélisme. Le Moyen-Orient reste le Moyen-Orient, une zone où des terroristes islamistes emprisonnés (ceux du Fateh el-Islam) peuvent s'échapper avec la complicité de gardiens de prison. C'est ce qui vient d'arriver à Roumieh.
De même, et bien qu'elle ait été rapidement avortée par les forces de sécurité du Hamas, que faudrait-il penser de la rébellion islamiste de la mouvance el-Qaëda, le week-end dernier à Gaza ? À qui profitait le « crime » déniant au Hamas, son autorité ? À Israël ou aux frères ennemis du Fateh (dont les représentants à Gaza pouvaient avoir été vexés qu'on ne les ait pas laissés se rendre à leur congrès en Cisjordanie) qui pouvaient ainsi montrer l'incapacité du Hamas à maintenir l'ordre sur son État (car, coupé du monde, coupé du reste de la Palestine, Gaza est bien un État qui rend illusoires les « bonnes volontés » de la communauté internationale de parvenir enfin à construire « deux États viables »...).  
Le Moyen-Orient reste donc bel et bien un espace compliqué et un lieu de tensions. Pourtant, il y a effectivement, en ce moment, des signes de bonne volonté, sinon d'espérance.
Sans faire un amalgame que nous rejetons (car il fait justement le jeu de ceux qui veulent nuire à la paix et notamment des sionistes) entre le « juif de religion », « l'Israélien de nationalité », et « le sioniste » (celui qui défend la colonisation de la Palestine), il y a aussi de la bonne volonté dans les efforts entrepris à Beyrouth pour restaurer la synagogue et rappeler à tous qu'autrefois, avant la création déséquilibrante de l'État d'Israël, 22 000 juifs vivaient harmonieusement au pays du Cèdre.
Enfin, ayant eu la chance de m'entretenir avec le sayyed Mohammad Hussein Fadlallah, si je ne partage pas tout de son argumentation et de sa rhétorique, j'en retiens aussi qu'il entrevoyait (avec prudence) des marques de bonne volonté. Pour lui, « l'Iran doit engager un dialogue avec les États-Unis » et il complète : « Puisque les Iraniens parviennent au dialogue avec les Européens, ils devraient y parvenir avec les Américains. Il faut juste que le dialogue soit équilibré, c'est-à-dire, sans concession. ». Il reconnaît que la situation intérieure était cependant sensible et critique en Iran et considère que s'il perdure, le conflit entre les deux factions (conservateurs et réformateurs) pourrait avoir des « conséquences néfastes sur la région » (par un affaiblissement de l'Iran qu'il invite au « dialogue avec tous les pays arabes de la région pour qu'ils fassent un front commun face à Israël »). Pour lui, l'Iran est « la base islamique pour faire face à la domination occidentale sur la région » et il remercie l'« Iran pour son soutien à toutes les résistances de la région et au peuple palestinien et à sa cause ». Revenant sur la situation iranienne, il souligne que les élections et leurs suites montrent « le dynamisme du peuple iranien et montrent qu'ils soutiennent toujours la révolution islamique ». De fait, les réformateurs se situent bien dans le cadre de cette révolution dont ils veulent seulement assouplir quelques applications. Au fond, mais c'est là mon interprétation personnelle sur ses propos, en invitant pour finir, l'Iran à « plus de sagesse vis-à-vis des États-Unis et au dialogue équilibré », il espère justement que la poussée réformatrice devenue « parti du chemin vert de l'espoir » fera fléchir l'intransigeance outrancière et rhétorique d'Ahmadinejad.
Espérons que tous ces signes de bonne volonté se concrétisent...

Thierry LEVY-TADJINE
Professeur-Associé
à l'Université Saint-Esprit
de Kaslik (USEK, Liban)
Directeur du Cirame (Centre de recherches en gestion de l'USEK)
Membre du laboratoire ICI - Université de Bretagne occidentale
Auteur de « Témoin au Liban avec le Hezbollah », L'Harmattan, 2008
La bonne volonté semble caractériser la plupart des acteurs du Moyen-Orient (et c'est heureux) en ces derniers jours d'août 2009.Pour commencer, en plaidant la cause de Clotilde Reiss, la Française arrêtée en Iran lors des protestations contre l'élection contestée d'Ahmadinejad parce qu'elle filmait les manifestations et en relayait...

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