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Nos Lecteurs ont la Parole

Derrière les nuages, il y a toujours le ciel

Par Karim S. TABET
M. Wi'am Wahhab, la rue arabe, comme vous le dites si bien, « soutient la Résistance beaucoup plus que la rue libanaise ». Paroles, paroles, paroles (« Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots. » Dalida, tu nous manques).
Facile de larguer les frustrations de la rue arabe (que vous prétendez représenter) sur ce petit pays. Facile mais immoral, M. Wahhab. Quand on vit dans une maison de verre, on n'a pas intérêt a lancer des cailloux. La rue arabe devrait regarder ailleurs, chez elle peut-être ? Mais le peut-elle ?
De plus, qu'a donc fait la rue arabe, M. Wahhab, pour la Palestine ? Depuis la tragédie de 1948, suivie de la cinglante raclée de 1967 puis de la déconfiture de 1973, la rue arabe se morfond, pleurniche, rue dans les brancards mais n'agit pas. Pas un centimètre de libéré. À commencer par nos frères à l'est de Zahlé auxquels vous tenez tant et qui, noblesse oblige, se targuent d'être de sincères patriotes arabes (à nos dépens, bien sûr) et grâce à la sympathie (pour ne pas dire plus) que vous avec beaucoup d'autres au Liban éprouvez à leur égard.
Vous avancez cette remarque pour des raisons de realpolitik ? Je vous dirai : nenni ! Je vous répondrai que nous payons aujourd'hui le manque de vision, de faillite morale et d'opportunisme des gouvernants de la région ; une politique qui mène droit, comme on le constate, à plus d'obscurantisme et d'ignorance, à plus de décrépitude morale et de fanatisme. Et, comme il se doit, pas un millimètre de libéré.
Ou bien agissez-vous par réflexe communautaire? Ce n'est pas ainsi que l'on édifie des nations, M. Wahhab. En se recroquevillant dans une minuscule coquille confessionnelle (que l'on croit imperméable aux intempéries), on ne fait que s'enfoncer encore plus. En voulant flirter avec les Goliath (ils ne sont jamais éternels), on se retrouve gros Jean comme devant et on finit par se faire bouffer vivant.
Mais aussi, l'envers de la médaille existe. Souvenez-vous donc du talon d'Achille. Tôt ou tard, le château s'écroule et on se retrouve encore plus vulnérable. Mais cela est une autre histoire et iI y aura toujours un petit malin pour trouver encore des raisons, des excuses, des considérations stratégiques et géopolitiques, et j'en passe... Entre-temps, la Palestine reste une chimère.
Pourquoi être toujours plus royaliste que le roi, M. Wahhab ? Pourquoi nous forcer à avaler des couleuvres (on est las du même cirque) alors que nous avons abondamment saigné, que nous avons souffert, que nous avons payé pour les autres ? Mais oui, M. Wahhab, vos belles paroles pour redorer un blason bien terni, pour justifier le retour du grand frère par la grande porte, pour tenter de briser une alliance qui illustre après tout le désir d'une majorité de Libanais ne nous impressionnent guère. La résistance libanaise ne se limite pas à un seul camp ou communauté. Elle a eu des milliers de victimes innocentes qui sont tombées pour que ce pays ait le droit d'exister. La résistance libanaise ne se compte pas uniquement par le nombre de roquettes et de balles. Elle porte en elle aussi les souffrances d'un peuple qui essaie de survivre, de ramer à contre-courant malgré toutes les intempéries, les volte-face politiques, le manque d'eau, d'électricité, de sécurité routière, les vols à main armée. La résistance libanaise, c'est aussi cette volonté que nous avons de contribuer de façon positive au rayonnement culturel d'une région aride (de culture) et avide (de savoir). La résistance, c'est aussi le travail magnifique de toutes ces ONG et associations qui édifient, contribuent, tendent la main (et l'oreille). La résistance libanaise, c'est aussi notre refus du compromis, du retour en arrière, des deals scabreux et des retournements de veste. La résistance libanaise, c'est refuser d'être pris en otage, d'être mené en bateau et par le bout du nez tels des agneaux prêts pour le sacrifice.
Enfin, souvenez-vous aussi de vos propres mots concernant ce tribunal international que vous étiez prêt à piétiner. Le tribunal est aussi notre résistance en quête d'une vérité que certains s'efforcent de vouloir enterrer.
Alors, à qui la faute, M. Wahhab ? Au Liban ? Quand on est myope, on se soigne. Quand on est borgne au royaume des aveugles, on s'imagine roi. Mais, petit détail : vous oubliez que nous ne sommes plus aveugles et que ces salades qu'on nous sert du matin au soir depuis des décennies sont ridicules, pour ne pas dire nauséeuses.
Croyez-moi, M. Wahhab, nous n'avons aucune leçon à recevoir de la rue arabe quant à notre résistance. C'est plutôt le contraire qui est vrai.
M. Wi'am Wahhab, la rue arabe, comme vous le dites si bien, « soutient la Résistance beaucoup plus que la rue libanaise ». Paroles, paroles, paroles (« Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots. » Dalida, tu nous manques).Facile de larguer les frustrations de la rue arabe (que vous prétendez représenter)...

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