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Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens - Environnement

Un premier pas pour la préservation du littoral du Liban-Nord

Le projet SMAP III vise à établir un processus de gestion intégrée des zones côtières (GIZC) accepté par toutes les parties impliquées sur le terrain.
En théorie, la côte du Liban-Nord est censée être l'une des parties les plus belles et les mieux préservées du littoral libanais. Sur le terrain, le visiteur ne peut toutefois que découvrir les effets désastreux de l'activité humaine sur cette côte. Le littoral subit en effet les ravages de l'accroissement sauvage des zones urbaines et industrielles, des constructions illégales sur les plages et dans la mer, ainsi que les dommages causés par les déchets ménagers et industriels sur la faune et la flore maritime. À l'instar du reste du littoral libanais, la partie nord du pays est en outre victime de l'indifférence étatique et populaire.
C'est dans ce contexte que le Programme d'action des priorités environnementales à court et moyen terme « SMAP III » a été initié au Liban. Il fait partie d'un vaste programme régional qui comprend des projets au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Égypte et en Turquie. Au Liban, le projet « Gestion intégrée du littoral de l'est de la Méditerranée » (IMAC), dont le budget total est de 1 108 867 euros et pour lequel la contribution de l'UE avoisine les 925 000 euros, a été lancé début 2006 par l'Institut de l'environnement à l'Université de Balamand avec la coopération d'autres partenaires comme Adelphi Research (Allemagne), Fondazione IMC - Centro Marino Internazionale - Onlus (Italie) et Interdisciplinary Institute for Environmental Research (DIPE-INIER), (Grèce).
L'objectif de ce projet est d'établir un processus de gestion intégrée des zones côtières (GIZC) dans le nord du Liban, et d'introduire des mécanismes à long terme pour l'adoption d'une approche intégrée pour le développement de ces zones côtières. Une approche qui doit être entreprise et soutenue par toutes les parties prenantes.
« Tous ceux qui ont participé au projet ont conscience des menaces imminentes qui pèsent sur l'environnement », déclare d'emblée Dr Manal Nader, le directeur de l'Institut de l'environnement à l'Université de Balamand, coordinateur du projet.
Le projet devait s'étendre sur une durée de 36 mois. Il est actuellement dans sa phase finale, celle de la rédaction de la stratégie globale de développement. « Les recommandations sont le fruit d'un long travail de groupe incluant les divers acteurs des secteurs privé et public impliqués sur le terrain : les municipalités, le port de Tripoli, les pêcheurs, les secteurs touristiques et industriels, les ONG qui défendent l'environnement... » explique M. Nader.
L'intérêt du projet réside dans le fait qu'il est multidisciplinaire, puisqu'il touche à tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens et à leurs intérêts. « Nous avons été confrontés à peu de résistance chez les personnes que nous avons rencontrées durant ces trois années. Chacun a en effet intérêt à préserver le littoral pour son propre travail. Même si un marin veut pêcher sans limites, il reconnaît aujourd'hui qu'il faut un cadre légal adéquat s'il veut que ses enfants, plus tard, puissent avoir la possibilité de continuer son métier. De même pour le secteur industriel, qui aime avoir une image positive sur le marché et ne pas être accusé régulièrement de nuire à l'environnement », affirme Manal Nader.
Les activités du projet visent essentiellement à instaurer une communication entre ces différents secteurs ou acteurs. Ainsi, les municipalités de Batroun, Bebnin et el-Mhamra ont travaillé avec le syndicat des pêcheurs du Liban-Nord. Des responsables de la cimenterie nationale ont discuté avec des membres du « Forum libanais pour l'environnement ». Ont également participé à ces discussions des représentants d'organismes publics comme les gardes-côtes, des responsables du port de Tripoli et des
représentants du CDR (Conseil du développement et de la reconstruction). Tous ces acteurs se sont notamment retrouvés lors de différents séminaires au cours desquels chacun a exposé ses problèmes et ses propositions pour les résoudre. Cette interaction a permis de mieux comprendre l'autre et de travailler ensemble pour l'intérêt général. Un point essentiel pour M. Nader qui indique que ce travail de groupe permet de créer des responsabilités communes : « Tout le monde va faire des concessions. Mais tel est le prix à payer pour préserver notre littoral. »
« Nous avons régulièrement participé aux séminaires », explique pour sa part Bilal Abdel Hay, de l'autorité portuaire de Tripoli, qui insiste lui aussi sur le côté positif d'une participation à grande échelle des différents secteurs. « Le port a été construit conformément à des critères rigoureux pour préserver l'environnement », assure-t-il.
Marwan Zaatar, membre de la municipalité d'el-Mhamra, est également très satisfait de sa participation au programme qui a permis à la municipalité de « s'ouvrir au monde extérieur » et d'exposer les problèmes encourus par cette petite localité située au Akkar, près des camps de réfugiés palestiniens de Nahr el-Bared. « Notre but, en tant que municipalité, est de trouver un équilibre entre la protection des biens publics et le bien-être des citoyens », affirme M. Zaatar. « Pour ce faire, nous avons plusieurs projets prêts à être réalisés concernant notamment l'aménagement des 2,5 km de plage ou le recyclage des eaux usées et des égouts. Toutefois, plusieurs obstacles législatifs et légaux handicapent notre action », ajoute-t-il.
« Il y a des contradictions absurdes et abominables dans les lois libanaises concernant la gestion du littoral », renchérit un responsable de la sécurité maritime ayant participé aux séminaires et s'exprimant sous couvert d'anonymat. Selon lui, il y a deux problèmes majeurs. « Le premier vient du fait que la législation est obsolète et mal adaptée, alors que le second relève d'un manque de moyens et de suivi sur le terrain pour faire appliquer la loi. »
Le responsable sécuritaire reste donc dubitatif quant à l'efficacité d'un tel projet s'il se cantonne au niveau théorique des recommandations et n'est pas transposé efficacement sur le terrain.
Manal Nader est toutefois optimiste. Les objectifs du programme ont été largement réalisés, selon lui. Ainsi, au cours des trois années passées, une série d'objectifs globaux à atteindre a été établie dans le cadre de la stratégie globale qui doit être publiée prochainement. La sensibilisation des autorités publiques et politiques a été nettement améliorée. Des études et des analyses du cadre juridique ont été réalisées. « Nous avons initié l'intérêt nécessaire des différents acteurs sur le terrain pour la zone côtière. Nous avons encouragé la naissance d'un forum pour un lobbying efficace afin de préserver cette richesse inestimable pour les générations futures », affirme le chercheur. Aujourd'hui, la prise de conscience des problèmes par les gouvernements et la société civile n'est néanmoins toujours pas suffisante, ajoute M. Nader. La volonté de faire quelque chose d'utile doit être accompagnée par un plan pratique. » « Nous mettons notre science au service des décideurs. Notre projet n'est qu'un premier pas et, avec nos moyens, nous allons continuer ce long chemin, parce que l'application de cette stratégie globale est de la responsabilité de tous », conclut Manal Nader.

En théorie, la côte du Liban-Nord est censée être l'une des parties les plus belles et les mieux préservées du littoral libanais. Sur le terrain, le visiteur ne peut toutefois que découvrir les effets désastreux de l'activité humaine sur cette côte. Le littoral subit en effet les ravages de l'accroissement sauvage des...