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Diaspora

Les mots de Gebran s’il vivait aujourd’hui

Si Gebran Khalil Gebran vivait à notre époque, qu'aurait-il dit de la situation actuelle au Liban ? Voici comment on imaginerait ses réflexions sur notre monde d'aujourd'hui.
Le grand écrivain, philosophe et peintre libanais Gebran Khalil Gebran fut un émigré comme les autres. Il vécut au début du siècle dernier entre Boston et New York, en compagnie de ses frères et sœurs et de sa mère, qui avait passé de nombreuses années auparavant au Brésil. Qu'aurait-il dit de la situation actuelle au Liban, lui qui n'était ni idéologue ni homme d'État, mais un poète lié à son pays, le Liban, avec toutes ses couleurs ? Voici ce qu'il écrivit :
« À vous, votre Liban. À moi, le mien. Vous avez votre Liban avec son dilemme. J'ai mon Liban avec sa beauté. Vous avez votre Liban avec tous les conflits qui y sévissent. J'ai mon Liban avec les rêves qui y vivent. (...) Votre Liban est un nœud politique que les années tentent de défaire. Mon Liban est fait de collines qui s'élèvent avec prestance et magnificence vers le ciel azuré.
Votre Liban est un problème international tiraillé par les ombres de la nuit. Mon Liban est fait de vallées silencieuses et mystérieuses dont les versants recueillent le son des carillons et le frisson des ruisseaux. Votre Liban est un champ clos où se débattent des hommes venus de l'Ouest et autres du Sud. Mon Liban est une prière ailée qui volette le matin, lorsque les bergers mènent leurs troupeaux au pâturage, et qui s'envole le soir, quand les paysans reviennent de leurs champs et de leurs vignes.
Votre Liban est un gouvernement-pieuvre à nombreux tentacules. Mon Liban est un mont quiet et révéré, assis entre mers et plaines, tel un poète à mi-chernin entre Création et Éternité. (...) Votre Liban est un échiquier entre un chef religieux et un chef militaire. Mon Liban est un temple que je visite dans mon esprit, lorsque mon regard se lasse du visage de cette civilisation qui marche sur des roues.(...)
Voilà ce que sont les enfants de votre Liban ! Combien grands sont-ils à vos yeux, et infimes sous mes yeux. Arrêtez-vous un instant et ouvrez grands les yeux pour que je vous dévoile la réalité des enfants de mon Liban.
Ils sont ces laboureurs qui transforment les terres arides en jardins et vergers. Ils sont ces bergers qui mènent leurs troupeaux d'une vallée à l'autre afin qu'ils s'engraissent et se multiplient en chair et en laine pour garnir votre couvert et couvrir votre corps. Ils sont ces vignerons qui pressent le raisin pour en faire le vin et en tirer le raisiné.
Ils sont ces pères qui veillent sur les mûriers et ces mères qui filent la soie. Ils sont ces hommes qui récoltent le blé, et dont les épouses en ramassent les brassées. Ils sont ces potiers et ces tisserands, ces maçons et ces fondeurs de cloches. Ils sont ces poètes qui versent leur âme dans de nouvelles coupes, ces poètes innés qui chantent des complaintes et des romances levantines. Ce sont eux qui quittent le Liban démunis, ils n'ont que de la fougue dans le cœur et de la force dans les bras. Et quand ils y reviennent, leurs mains sont inondées des richesses de la terre et leur front ceint de lauriers. Ils sont vainqueurs où qu'ils s'installent, et charmeurs où qu'ils se trouvent.
Ce sont ceux qui naissent dans des chaumières et qui meurent dans les palais du savoir. Voilà les enfants de mon Liban. Ils sont ces flambeaux qui défient le vent et ce sel qui désarme le temps. Ce sont ceux qui avancent d'un pas ferme vers la vérité, la beauté et la plénitude. Que pourra-t-il bien rester de votre Liban et de ses enfants à la fin de ce siècle ? Dites-moi, que léguerez-vous à cet avenir sinon des belliqueux, des fabulants et des ratés ?... » (al-Bada'i' wal-Tara'if).

R. Kh.
Le grand écrivain, philosophe et peintre libanais Gebran Khalil Gebran fut un émigré comme les autres. Il vécut au début du siècle dernier entre Boston et New York, en compagnie de ses frères et sœurs et de sa mère, qui avait passé de nombreuses années auparavant au Brésil. Qu'aurait-il dit de la...