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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Les couacs d’un rabibochage syro-saoudien mal ficelé entravent le processus libanais

Tempête dans un verre d'eau ? Disons plutôt orage d'été, violent mais bref. Joumblatt prend ses distances, et c'est important. Mais il ne renverse pas la table. Il certifie en effet qu'il n'a nulle intention de lâcher Saad Hariri, et que les trois ministres qui vont lui être dévolus sont à mettre au compte de la majorité.
Il se démarque du 14 Mars, retire ses représentants du secrétariat général du mouvement, au motif que les devises de ce camp sont maintenant réalisées. En fait, et il ne s'en cache pas, il a peur pour la Montagne et pour sa communauté. À cause d'une situation régionale explosive, des menaces israéliennes, des craintes que suscite la prochaine publication de l'acte d'accusation du TSL et de la psychose durable engendrée par le 7 mai. De plus, et il le laisse assez clairement entendre, il est obligé de prendre acte, en base des indications des Américains eux-mêmes, que le régime syrien est indégommable, qu'on nous passe l'expression. Que ce régime reste donc très dommageable pour ceux qui tenteraient de se frotter à lui.
Cela étant, le 14 Mars se retrouve sans nul doute fortement ébranlé. Mais pas la majorité en tant que telle, puisqu'elle affiche toujours 71 strapontins parlementaires à son actif. On dira : mais la majorité, n'est-ce pas le 14 Mars ? Non, car elle compte dans ses rangs bien des députés, dont des figures de proue comme Michel Murr et Nagib Mikati, qui ne font pas partie de ce camp. Et Joumblatt a, dès lors, beau jeu de rappeler que l'opposition ne se résume pas non plus au 8 Mars, puisque le CPL, le Tachnag et Talal Arslane, entre autres, n'en font pas partie.
Quoi qu'il en soit, le chantier de la formation du gouvernement a repris après dix jours d'arrêt. Mais le repositionnement de Joumblatt implique, évidemment, une remise à plat des calculs, sinon arithmétiques, du moins politiques. Il n'est donc pas étonnant que l'opposition tente de profiter de l'affaiblissement du vis-à-vis, pour lancer un nouveau tour d'enchères, en posant des conditions que l'on croyait dépassées. Elle espère, sur le plan pratique, qu'en s'acheminant vers le centre, Joumblatt l'aiderait à obtenir tout ou partie de ce qu'elle convoite. À savoir, puisque l'on parle politique chiffrée, le contrôle du pouvoir par défaut, avec la capacité, à travers les votes en Conseil des ministres, de contrer les décisions, et les orientations, des indépendantistes. Cette offensive est principalement menée, pour le moment, par le général Michel Aoun, qui exige l'Intérieur, ou un autre portefeuille de souveraineté, parmi les cinq ministères qu'il revendique. Et surtout, extraordinaire sollicitude familiale, proche du népotisme, il affirme que le gouvernement du Liban ne saurait se passer des services de son gendre, Gebran Bassil, aux Télécoms. Pour lui, le fait que ce proche ait échoué aux élections, alors qu'il avait l'atout d'être au gouvernement, ne signifie pas que les Libanais ne lui font pas trop confiance.
Pour les loyalistes, l'obstination aouniste et le revirement de Joumblatt, qui retardent et compliquent la mise en place d'un Exécutif dont le pays a urgemment besoin, reflètent manifestement une manipulation extérieure assez soudaine. Qui constitue donc, elle-même, un retournement. Antérieurement, en effet, la tendance était à la souplesse, pour faciliter la formation du cabinet. Et le Hezbollah ainsi que Amal y avaient mis du leur, en portant le chef du CPL à renoncer à la proportionnelle (45 %, encore pire que le tiers de blocage) au profit de la 15+10+5. Cette formule est maintenue, pour la forme, mais aujourd'hui Amal et le Hezbollah ne bougent pas le petit doigt pour que le général Aoun mette de l'eau dans son vin. Ainsi, la réunion tenue entre Gebran Bassil, le député Ali Hassan Khalil d'Amal et Hajj Hussein Khalil du Hezb n'a donné aucun déblocage, aucun retrait de l'intéressé. Certains pensent même qu'elle a porté sur les moyens à mettre en œuvre pour forcer Hariri à se retirer ! En tout cas, le président de la République est clair : il appelle au respect du verdict des urnes, de la volonté des Libanais et de la Constitution, dans la composition du gouvernement libanais. Les juristes soulignent, de leur côté, que le choix des ministres relève uniquement du Premier ministre désigné, sous condition d'approbation du chef de l'État. Mais le général Aoun va jusqu'à dire : pas de gouvernement sans Gebran !
Les directives syriennes seraient donc, d'après les loyalistes, qu'il ne faut plus rien faciliter. Et pourquoi ? Parce que, relèvent-ils, l'arrangement entre les Syriens et les Saoudiens n'a pas bien marché. On n'en sait pas trop les raisons précises, mais cela doit sans doute tenir à la question iranienne, comme au dossier palestinien, et, évidemment, à la scène libanaise. Et c'est toujours, selon eux, la même histoire : la Syrie n'a pas obtenu autant qu'elle voulait et elle cherche à se faire verser le solde en entravant la bonne marche du processus ministériel au Liban.
Un point à souligner : la majorité attend que le 8 Mars dise ce qu'il pense au juste des prétentions de Aoun. Car l'opposition tout entière n'a droit qu'à ce portefeuille de souveraineté qu'il exige pour son propre groupe. En effet, la majorité elle-même n'en obtient qu'un, les deux restants allant, par compensation, au chef de l'État.
Il se démarque du 14 Mars, retire ses représentants du secrétariat général du mouvement, au motif que les devises de ce camp sont maintenant réalisées. En fait, et il ne s'en cache pas, il a peur pour la Montagne et pour sa communauté. À cause d'une situation régionale explosive, des menaces israéliennes, des craintes...