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Liban - En dents de scie

Bang Bang

Trente et unième semaine de 2009.
Ce n'est pas en résorbant la crise économique qui secoue son pays depuis le krach de l'an dernier ou en donnant un salutaire coup de fouet au pouvoir d'achat du yankee lambda, ni en rétablissant la réputation des États-Unis et des Américains dans le monde, ni en retirant ses soldats d'Irak ou d'Afghanistan après y avoir installé la paix, ni en réinventant une nouvelle American way of life ou un néo-new deal, ni en rouvrant une ambassade US à Téhéran ou à Pyongyang, ni en réussissant une parfaite synergie avec l'Union européenne d'une part et la Russie de l'autre, ni en contribuant à la réduction du réchauffement climatique ou de la pauvreté dans le monde, ni en faisant mieux que son prédécesseur que le charismatique Barack Obama parviendra à squatter ad vitam cette histoire dans laquelle il est pourtant entré avec mille et un tambours et trompettes le jour de son élection à la Maison-Blanche.
Triompherait-il pourtant de tous ces infinis challenges que le 44e président des États-Unis ne serait pas satisfait, loin de là ; il sait pertinemment, lui, ce qu'il veut ; il la connaît, cette (encore) trop chimérique victoire qui lui permettrait, quoi qu'il arrive, de marquer d'une façon indélébile à la fois les manuels scolaires ou universitaires, la mémoire collective à l'échelle planétaire, et les esprits. Tous les esprits. Cette victoire qui relèguerait d'un coup Jimmy Carter et surtout Bill Clinton au rang de débutants amateurs s'appelle la paix israélo-arabe en général, israélo-palestinienne en particulier ; cette paix, Barack Obama fera tout pour y parvenir ; dût-il y consacrer la quintessence de son(ses) mandat(s).
Et il a tout ou presque contre lui, le pugnace locataire de la Maison-Blanche. À commencer par un faucon israélien férocement borné, hanté par deux fantômes tenaces, celui, fatigué mais constamment plein d'espoir du quasi-irremplaçable Yitzhak Rabin, et celui, comateux à souhait, du carnassier mais pragmatique Ariel Sharon : Benjamin Netanyahu. À commencer, aussi, par des Palestiniens plus divisés que jamais et qui ne semblent décidément pas vouloir/pouvoir comprendre que sans une indéfectible unité, aucune victoire politico-diplomatique, c'est-à-dire la seule plausible, n'en déplaise aux caciques du Hezbollah et du Hamas, ne sera possible. Sans oublier, naturellement, tous les acteurs collatéraux : un régime syrien auquel il est particulièrement difficile, du moins pour l'instant, de faire confiance, malgré la bonne volonté à plusieurs reprises affichée par un Bachar el-Assad agrippé aux bras turcs ; un Iran, quels que soient les remous et autres tsunamis internes auxquels il doit faire face, toujours fanatiquement antipaix, littéralement obsédé par la destruction d'Israël ; un raïs égyptien arc-bouté sur ses prérogatives et ce qu'il considère être des privilèges de pharaon ; un royaume wahhabite qui ne sait jamais vraiment très bien quelles sont et quelles devraient être ses priorités, et, last but not least, un Liban d'une frilosité insensée, prisonnier de ses contradictions, de ses diversités, de ses clichés insensément moyenâgeux pour la plupart, des douzaines d'agendas divers et variés de ses différentes factions, un Liban pourtant parmi les premiers concernés mais qui donne à lui-même et au monde la pathétique impression de surnager dans une espèce de capsule interstellaire, condamnée à errer sans jamais savoir où elle va.
Et c'est ce Liban et ces Libanais que l'administration Obama s'emploie à convaincre depuis quelques mois de participer de plain-pied et de plein droit, au côté des Syriens et des Palestiniens (une fois que ces derniers sauront parler d'une seule voix), aux incontournable négociations avec les Israéliens - les escales beyrouthines de Joe Biden, Hillary Clinton, Jeffrey Feltman, George Mitchell et David Shapiro, pour ne citer qu'eux, sont de plus en plus fascinantes ne serait-ce que par leur régularité métronomique. On murmure même depuis plusieurs jours, et de plus en plus haut, que cette détermination américaine de redynamiser les pourparlers israélo-arabes pourrait sensiblement accélérer la formation du gouvernement Hariri, sachant qu'il n'est ni possible ni plausible que le chef de l'État prenne seul la décision de lancer le Liban, fût-ce avec la Syrie, dans pareilles négociations. Reste que tout porte à croire, jusqu'à preuve du contraire, que ce cabinet verra effectivement le jour en début de semaine prochaine.
Le monde entier sait qu'aucun Libanais n'acceptera une paix séparée avec Israël, à l'instar de l'Égypte ou de la Jordanie. Mais le monde entier sait que le Liban a absolument tout intérêt à participer à part entière dans des négociations syriennes ou syro-palestiniennes avec l'État hébreu ; des négociations qui s'inscriront dans un double cadre : celui, global, d'une éventuelle future paix régionale, et celui, bilatéral, tout aussi urgent, axé sur des questions intéressant exclusivement les deux pays, comme, entre autres, les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba, le sort des prisonniers et celui des anciens partisans lahdistes, l'eau, le devenir des réfugiés palestiniens en terre libanaise, ainsi que cet accord d'armistice du 16 novembre 1949 remis à l'ordre du jour, certes du bout des lèvres, il y a quelques jours par le Premier ministre israélien...
Il n'y a et ne devrait y avoir absolument aucune raison que la Syrie, hier follement attachée à cette concomitance des deux volets de triste mémoire, mène des discussions directes ou indirectes avec Israël et pas le Liban. Aucune...
Indépendamment de ce fameux moment propice, de cet instant T qui devrait entériner le démarrage de ces négociations, le prochain gouvernement Hariri devrait inscrire à l'unanimité le lancement de ces pourparlers vitaux au cœur de sa future déclaration ministérielle. À l'unanimité, c'est-à-dire avec l'assentiment du Hezbollah que ses alliés, à commencer par le CPL, seraient fort inspirés de convaincre : il faut cesser de se cacher derrière son (petit) doigt : rien, désormais, n'est plus important que ce démarrage-là.
Conscients, en le créant, qu'ils l'avaient par trop gâté, les dieux ont sans doute voulu contrebalancer leur excès de générosité ; ainsi ont-ils décidé d'asséner à la gueule de ce Liban mielleux et encensé une sacrée malédiction : celle de devoir constamment lutter, au prix de son existence et de sa survie même, contre la gloutonnerie souvent complice de ses deux voisins. De lutter donc contre, en principe, l'invulnérable et l'invincible : sa géographie. Par un (encore timide) échange diplomatique, les Libanais ont commencé à ébaucher une normalisation avec la Syrie ; il est plus que temps, sous les bons augures de l'administration Obama, de faire la même chose, en compagnie de cette même Syrie, avec Israël.
Il est des tabous qui ont la vie dure. Il s'agit, comme pour certaines malédictions, de savoir les dynamiter. Les tuer. Il suffit juste de le vouloir.

Trente et unième semaine de 2009.Ce n'est pas en résorbant la crise économique qui secoue son pays depuis le krach de l'an dernier ou en donnant un salutaire coup de fouet au pouvoir d'achat du yankee lambda, ni en rétablissant la réputation des États-Unis et des Américains dans le monde, ni en retirant ses soldats d'Irak ou d'Afghanistan...
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