Le petit Anthony, né en Israël, vit depuis sept ans sans papiers d’identité libanais

Randa Louka et Khalil Ziné avaient fui en Israël en mai 2000. Ils sont partis avec leurs enfants. C'est en Israël que leur fils Anthony est né. Il a aujourd'hui sept ans. Mais le petit Anthony est jusqu'à présent un sans-papiers ; il est né en territoire ennemi.  
Pour trouver des papiers d'identité à son fils, Khalil Ziné a dû déposer plainte il y a un an et demi. Le juge l'a envoyé à la Sûreté générale, mais cet organisme ne veut pas entendre sa version des faits. C'est que, comme tous les habitants du Liban-Sud ayant fui en Israël, Khalil a à son encontre un mandat d'amener. « Tant qu'il y a un mandat d'amener à mon encontre, je ne peux pas être entendu par la Sûreté générale », soupire Khalil qui ignore quand ce mandat d'amener sera annulé.
Khalil, qui était parti en mai 2000 avec le retrait israélien, indique qu'après un an et sept mois passés en Israël, la famille avait décidé de rentrer au Liban. « C'était juste avant Noël, le 19 décembre 2001 exactement. Mon fils qui venait de naitre n'avait que 9 jours quand la famille a franchi la frontière de Ras Naqoura. Mon retour n'était pas réfléchi. C'était avant Noël, mon fils venait de naître et nous avions le cœur lourd. Nous voulions rentrer au pays », dit-il.
En Israël, la famille avait habité à la frontière du Golan, à proximité du lac de Tibériade. Même s'il avait trouvé du travail dans la plomberie,  Khalil n'était pas heureux. « À l'école, les enfants apprenaient l'hébreu, je voulais qu'on leur parle en libanais et qu'ils connaissent bien la langue de leur pays », dit-il.
À son retour au Liban, Khalil n'a pas passé Noël au village. Il a été conduit de Ras Naqoura à une caserne de l'armée à Tyr puis au poste des services de renseignements de Saïda. Il a ensuite été transféré au ministère de la Défense. De jugement en jugement, il a fini par passer huit mois à la prison de Roumié. Avant de partir en Israël et de  rentrer au pays, et avant d'être emprisonné, il avait quitté uniquement à deux reprises la bande frontalière pour se rendre à Beyrouth et au Mont-Liban en 1987 et 1990.
Khalil parle de son fils Anthony, prénommé initialement Géryès du nom du saint patron du village de Debl. Le prénom a été modifié pour devenir Anthony quand la famille est rentrée au pays. Le jour du départ d'Israël, avant de franchir la frontière de Naqoura et d'arriver au Liban, Khalil avait déchiré l'acte de naissance de son fils né à Haïfa. Il ne voulait pas qu'une mention « né en Israël » figure sur les papiers d'identité de Géryès. Il a surtout pensé à cette question en imaginant l'avenir de son fils et s'est dit qu'il vaut mieux que Géryès soit enregistré comme étant né au Liban pour ne pas influer négativement sur son avenir au Liban. « Je ne voulais pas qu'on lui dise plus tard, s'il veut entrer à l'université ou s'il veut chercher du travail, "Tu es né en Palestine parce que tu es le fils d'un agent d'Israël" », indique Khalil.
Aujourd'hui, Randa et Khalil ont six enfants. Ils vivent de la plantation de tabac.
« Mon casier judiciaire est toujours noir et il y a toujours un mandat d'amener à mon encontre. Je ne peux même pas chercher du travail, encore moins enregistrer mon fils », indique Khalil qui avait servi durant plusieurs années dans les rangs de l'armée du Liban-Sud.
Khalil regrette d'être rentré au Liban : « En Israël, on avait du travail, on bénéficiait de la sécurité sociale. On avait les moyens d'aller chez le médecin. Je payais l'équivalent de 7 dollars par mois pour l'assurance afin de couvrir toute ma famille. J'encaissais à chaque fin de mois. » « Et pourtant, je me dis tout le temps que mon village est là, c'est ici que je suis né et que j'ai grandi », ajoute-t-il, souhaitant sans trop de conviction que la situation du Liban-Sud, notamment celle des chrétiens de la bande frontalière, s'améliore.