Rechercher
Rechercher

Liban - En dents de scie

Équip(é)e sauvage

Trentième semaine de 2009.
Si, cet été, risquent d'exploser tous les records de fréquentation du Liban, de ses hôtels, de ses restaurants, de ses plages, de ses montagnes, de ses bars, de ses festivals, de ses rues et de ses boutiques, ce n'est ni grâce au savoir-faire ou à l'hospitalité légendaires des Libanais ni parce que les touristes ont été forcés, flingues à la tempe, de choisir ces 10 452 km² comme destination touristique.
Si cet été est en train de se transformer en un émouvant champ des possibles, de laisser en espérer d'autres encore plus loin, plus haut, plus fort ; si cet été, l'économie de ce pays se retrouve boostée comme rarement depuis quelques temps et si cet été, le slogan-fondateur d'un Liban post-2005 : I Love Life, n'a jamais paru aussi fédérateur (même l'inénarrable Hassan Nasrallah l'a joliment repris à son compte), c'est uniquement parce qu'il y a pratiquement pile quatre ans, et sous la baguette flamboyante d'un Tarek Mitri qui ne devrait plus loger qu'au palais Bustros, était née, à New York, une résolution-mère, une résolution alpha : la 1701.
Un numérologue averti saluerait le chiffre que porte cette loi internationale par les bienfaits de laquelle s'est terminée, pour l'instant, une guerre barbare : les gouvernements successifs de l'État hébreu ont élevé la bestialité au rang d'art de vivre, stupide et criminelle : le rapt de deux soldats israéliens par le Hezbollah restera comme l'un des plus grands crimes politiques et l'une des plus grosses idioties de tous les temps. Un chiffre-clé : le 9 - parce que 1+7+0+1=9, et que ce 9, en numérologie, représente l'altruisme. Pas moins.
Plus sérieusement, cette résolution est la pierre angulaire d'une certaine stabilité libanaise - peut-être devrait-on envisager férocement une 1701 bis pour empêcher, comme l'originale pour le 12 juillet 2006, de nouveaux 7 mai 2008. Le revers de la médaille est tout aussi énorme : elle est un poumon artificiel, et dans poumon artificiel, c'est l'épithète qu'il faut retenir, surtout que dans cet artifice, il y a une notion terrifiante d'éphémère et de provisoire qui ne dure pas.
Il n'empêche : ces 13 000 femmes et hommes magnifiques sont là, bel et bien là : ils sont la légalité, ils l'incarnent, ils la protègent ; ils protègent les Sudistes, peut-être aussi, parfois, contre eux-mêmes ; ils les aident ; ils leur apprennent des choses ; ils dépensent leur argent ; ils montrent aux habitants de cette région doublement maudite : parce que mitoyenne d'Israël et parce que le Hezb y cache la moitié de son sinistre arsenal, ils leur montrent d'autres façons de voir et de concevoir la vie, d'autres horizons, d'autres cultures. Ces hommes et ces femmes font, dans la mesure du possible, un travail extraordinaire.
Ce travail-là déplaît viscéralement à deux parties : Israël et le Hezbollah. Déterminés à en découdre un jour ou l'autre, dans un combat singulier qui emporterait tout (le Liban) sur son passage, ces deux meilleurs ennemis ont enfin trouvé leur plus petit dénominateur commun, leur terrain d'entente et de jeu(x) : la Finul. Et, au-delà, la 1701. Et, encore plus loin, cette légalité internationale, encore elle, que tous deux honnissent et ont constamment foulée aux pieds. Chacun, Israël comme le Hezb, considérant ces Casques bleus comme protégeant l'autre, les voilà donc pris, ces soldat(e)s bénis des dieux, entre ce marteau et cette enclume condamnés, tous deux, à toujours aller de pair. Et les incidents de Kfarchouba et de Kherbet Selm, sans compter ces sangliers et autres bovins qui traversent allègrement la ligne bleue, ne sont que la partie visible d'un bien mortifère iceberg.
Il est des moments où un chat, nécessairement, doit être appelé chat : jamais la collusion, une drôle de collusion certes : elle ne vise, pour chacun des deux, qu'à pouvoir de nouveau essayer d'anéantir l'autre, jamais cette collusion israélo-hezbollahie n'a été aussi peu honteuse d'elle-même, aussi impudique. Aussi fière. Il est aussi une question qui se pose, naturellement : est-ce que l'État hébreu et le Hezbollah ont encore besoin de la Finul - le premier pour parachever sa stratégie d'attaque et le second son réarmement ?
Si oui, un temps indéterminé de répit subsiste. Si non, 13 000 Casques bleus ou pas, ce sera de nouveau la guerre. À moins que deux facteurs ne réussissent à peser de tout leur poids, à moins qu'une autre collusion, saine et productive celle-là, ne réussisse à dynamiter la complicité morbide et suicidaire qui réunit État hébreu et Hezbollah : celle entre une administration Obama qui peine encore à se montrer aussi convaincante, voire coercitive, qu'elle le voudrait, et un groupe d'ayatollahs iraniens qui comprendraient enfin qu'ils ne peuvent pas à la fois lutter contre le dehors et contre le dedans, et qu'ils auraient tout à gagner d'un réchauffement avec les États-Unis.
Tout est là. Surtout que rien n'est dit : le marionnettiste iranien n'est pas infaillible, sa créature pourrait lui échapper en deux temps trois mouvements. Idem pour le parrain américain, dont le filleul préféré pourrait, à n'importe quel moment, narguer absolument l'autorité. En un mot : le temps d'un rapprochement entre Washington et Téhéran presse sérieusement.
En attendant, et en attendant surtout que les Libanais en général et le Hezbollah et alliés en particulier assument leurs responsabilités en appliquant le reste de la 1701, c'est-à-dire le désarmement des milices, libanaises soient-elles ou pas, le mandat de la Finul arrive à terme dans un mois. Et son renouvellement est impératif. Et vital. En attendant, aussi, que l'armée puisse réellement jouer son rôle en facilitant celui de la Finul. Cette armée, cette vaillante armée, reléguée au rang humiliant de spectatrice catatonique et impuissante lors du putsch hezbollahi contre Beyrouth et les Beyrouthins en 2008, peut retrouver dans ce très symbolique Sud dont elle a été tellement privée un regain flamboyant de crédibilité.
Faut-il en passer par une confrontation avec tous les hors-la-loi qui refuseraient de se plier aux diktats d'une légalité locale aussi bien qu'internationale : il est impossible, et criminel, d'attendre des siècles et des lustres cette décision politique unanime, c'est-à-dire le bon vouloir du Hezbollah, pour prévenir le pire. C'est comme cela, et seulement ainsi, que la troupe pourrait imposer autorité, aura et prestige. C'est comme cela, et seulement ainsi, que Jean Kahwagi se ferait un prénom et un nom, qu'il s'émanciperait de la puissante ombre tutélaire de son prédécesseur et qu'il confirmerait la confiance que les Libanais en général, Nasrallah Sfeir et Michel Sleiman en particulier, ont placée en lui.
Rompre un cercle vicié et vicieux jusqu'à la moelle, dynamiter une collusion monstrueuse et contre-nature : voilà une somptueuse feuille de route pour l'armée libanaise. Voilà, surtout, une divine occasion pour l'État libanais de s'imposer. Et sortir d'un assistanat, hyperbienvenu certes, mais, à la longue, infiniment fatigant. Et, au fond, très humiliant. Si.
Trentième semaine de 2009.Si, cet été, risquent d'exploser tous les records de fréquentation du Liban, de ses hôtels, de ses restaurants, de ses plages, de ses montagnes, de ses bars, de ses festivals, de ses rues et de ses boutiques, ce n'est ni grâce au savoir-faire ou à l'hospitalité légendaires des Libanais ni parce que les...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut