Dans un documentaire d'une qualité cinématographique remarquable, intitulé Remnants of a War, Jawad Metni offre un plaidoyer humanitaire, économique et juridique sur une guerre silencieuse qui est toujours en train de tuer et d'amputer des dizaines de civils innocents au Liban-Sud. Le film, sélectionné pour le Festival international du cinéma de Human Rights Watch 2009, raconte l'histoire d'un groupe de démineurs locaux travaillant avec la compagnie de déminage danoise DanChurchAid (DCA) au Liban-Sud. À travers le récit individuel de chacun de ces démineurs, le réalisateur transmet au spectateur la souffrance vécue par les victimes directes et indirectes de ces dizaines de milliers de mines laissées par Israël. L'ampleur de la destruction causée par la guerre, son impact tragique sur l'économie du pays, les vérités les plus douloureuses partagées par les gens du Sud et que la plupart des autres Libanais ignorent ressortent des paroles simples et révélatrices des villageois.
Le film révèle la force de l'instinct humain de survie et de résistance à la violence chez cette portion du peuple libanais qui vit dans l'ombre de la domination politique. En dépit d'une toile de fond malheureuse, le film transmet l'attachement des villageois, ayant presque tout perdu pendant la guerre, aux plaisirs de la vie. Les scènes d'humour et la joie de vivre s'entremêlent avec les scènes tragiques, comme celle des funérailles d'un jeune enfant tué à Sultanieh par une bombe que, dans son innocence, il avait prise pour un jouet. Cette alternance entre joie de vivre et souffrance permet au spectateur étranger de se familiariser avec la capacité unique des Libanais à faire face à toutes les violences et destructions auxquelles leur destin les a confrontés, et auxquelles ils continuent à résister au quotidien. La trame du film réduit le conflit à sa dimension humaine la plus basique. Dans une courte discussion ayant suivi la diffusion du film, le 18 juin au prestigieux Lincoln Center à New York, Jawad Metni a affirmé qu'il avait délibérément écarté la dimension politique du conflit, ce qui a donné encore plus de force au message humanitaire.
En 76 minutes, Remnants of a War réussit à condamner avec rationalité, simplicité et précision la pratique cruelle et criminelle de l'utilisation des bombes à sous-munitions employées dans divers conflits armés a posteriori (Irak et Kosovo notamment). Le film est digne d'un plaidoyer en faveur des droits de l'homme contre l'État d'Israël qui a pris l'habitude de bafouer tous les standards du droit international humanitaire et des conventions en temps de guerre. Le film est également fort de son message interne. D'abord, il montre que le droit à la vie n'est pas exclusif à une partie de la population libanaise. Nos concitoyens du Liban-Sud eux aussi « aiment la vie ». Ensuite, Remnants of a War est l'exemple type d'un acte de résistance culturelle et pacifique. Loin des discours musclés, des arsenaux militaires et de la violence armée, le film défend une cause jusque-là couverte de manière sporadique dans quelques articles de presse. Il s'ajoute aux efforts déployés par la communauté internationale contre l'affaire des bombes à sous-munitions (une convention sur les armes à sous-munitions a été signée sous l'égide des Nations unies en 2008) alors que le reste des Libanais reste insensible.
Enfin, Remnants of a War est une illustration réussie du talent libanais dans le monde du cinéma. Il constitue un nouvel espoir pour un cinéma jeune et ambitieux, en même temps qu'une autre forme de résistance, à l'heure où le pays du Cèdre cherche à se reconstruire.
commentaires (0)
Commenter