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Liban - Interview

Pénurie d’infirmiers : comment appeler les jeunes au chevet des seniors

Diane Morin, doyenne de la faculté des sciences infirmières à l'Université Laval, au Québec (Canada), était à Beyrouth en fin de semaine dernière pour mettre en place un projet de collaboration avec l'Université antonine. Ce projet permettra à des étudiants libanais et canadiens de recevoir un double diplôme et éventuellement d'effectuer des recherches dans le domaine des sciences infirmières. Les universités tentent ainsi de répondre à la pénurie internationale des infirmiers, et à la crise que connaissent les soins aux personnes du troisième âge. Diane Morin a répondu à nos questions pour mettre en valeur les enjeux de ce programme de collaboration.

Ce programme va-t-il permettre une plus grande mobilité physique des étudiants libanais et canadiens ?
« Au niveau des cours théoriques, la faculté ici a beaucoup de capacités, et avec les nouvelles technologies, nous sommes capables de faire presque l'ensemble de la formation. Là où c'est un peu plus délicat, c'est dans le développement des capacités de recherche. On comprend que pour développer les capacités de recherche, il faut une immersion dans des équipes qui ont des programmations subventionnées, et on est en train d'envisager ce qui pourrait être la meilleure façon d'exposer les étudiants. Mais dans le master, ce ne sont pas tous les étudiants qui pourraient suivre une filière recherche. Ce sont des étudiants qui pourraient être prometteurs et se distinguer en "honors" - c'est la façon de faire un peu plus américaine. Il s'agirait donc des étudiants qui se distinguent pendant leur parcours par leurs grandes capacités et leur intérêt pour poursuivre leurs études doctorales. Ils pourraient alors avoir cette filière de stage et de recherche, lors desquels ils pourraient être impliqués dans des équipes de recherche au Canada. Tout cela est en phase préliminaire parce que nous n'avons pas finalisé le devis pédagogique, mais nous sommes vraiment près d'y arriver. »

La formation va-t-elle se dérouler principalement au Liban ou au Canada ?
« Ce qui est très intéressant, c'est la configuration conjointe de ce programme, et le fait que l'Université Laval puisse offrir un diplôme à des étudiants qui ont étudié ici au Liban. En fait, le programme va se dérouler ici. Nous aurons des professeurs libanais, des professeurs canadiens, nous aurons des étudiants du doctorat qui vont faire des stages avec des équipes locales d'enseignement. Je pense que cela est novateur et très intéressant. Ça sera vraiment une innovation pour nous en tant que faculté, et je pense que ce sera le cas également pour l'Université antonine.
Il y a autre chose que je voudrais noter. L'Université antonine entretient de nombreuses relations internationales, par contre, la faculté des sciences infirmières de l'Université Laval est la première faculté du continent américain avec laquelle l'Université antonine travaille. Nous travaillons ensemble depuis 2001. C'est donc vraiment un projet longuement mûri et une bonne connaissance mutuelle de nos étudiants. Nous avons de ce fait de bonnes chances de réussir. »

Quels sont les moyens financiers dont vous disposez ?
« On parle d'un nombre restreint d'étudiants. L'Université antonine et nous allons travailler - c'est un peu pour ça que ça va prendre un peu de temps - sur des scénarios de financement, notamment avec l'Union des universités francophones, avec l'Organisation internationale de la francophonie, de notre côté avec notre ministère de l'Éducation, etc. Je m'y connais moins bien pour les possibilités de financement au Liban, mais l'Université antonine n'en est pas à ses premières armes pour trouver du financement pour avoir des programmes novateurs. »

Comment ce programme s'inscrit-il dans la pénurie que vit actuellement le monde infirmier ?
« Voilà, justement : je ne suis pas trop inquiète pour nos moyens financiers parce que c'est un projet novateur dans un domaine critique au niveau international. Les soins infirmiers sont actuellement sous l'ornière de tous les pays. On est en pénurie d'infirmières, en pénurie de leadership infirmier. Alors les initiatives qui vont permettre de former des gens, de les former mieux et d'en former plus, je pense, vont trouver bonne oreille. La pénurie va s'accentuer d'ici à 2020. Après, c'est aussi une question de démographie parce que le bassin de population qui a beaucoup besoin de soins, les baby-boomers de années 1960, vont diminuer après 2025. Pour l'instant, on a une pénurie de main-d'œuvre. Les projets novateurs qui incitent l'intérêt des gens pour venir dans la profession sont tous bien vus. »

Vous vous adressez à des étudiants, à des personnes qui sont encore au début de leur carrière, et vous leur proposez de s'occuper de personnes qui se trouvent à l'autre extrémité : comment cet écart générationnel est-il perçu par les jeunes d'aujourd'hui ? Ont-ils envie de se lancer ?
« Je pense que la culture générale des personnes qui choisissent de devenir des infirmiers ou des infirmières fait qu'ils sont touchés par le vieillissement. Ils ont des valeurs familiales qui sont souvent fortes et ils ont aussi des connaissances scientifiques qu'ils peuvent mettre au profit des personnes âgées. Je pense que cet écart générationnel entre le soignant et le soigné est compensé par le "caring", cette approche des soins infirmiers qui est à l'écoute de l'autre et des besoins de l'autre.
Et je pense même que certaines cultures, et possiblement la culture libanaise, où la valeur des années est grande dans la famille, permettent de diminuer le "gap" générationnel. Au Québec, ce n'est pas tout à fait le cas, les familles sont beaucoup moins nombreuses, et sont moins soudées. Il y a peut-être un écart un peu plus grand entre les générations.
Mais, je vous le dis bien franchement, je crois que les personnes qui choisissent la profession infirmière sont des personnes qui sont touchées par les besoins humains, et de ce fait sont capables d'interagir vraiment de façon très appropriée avec les personnes âgées et leur famille.
Et ce qui est différent, peut-être, avec la nouvelle génération d'infirmières, c'est qu'elles ont une vision beaucoup plus systémique des soins infirmiers. À l'époque où j'ai reçu mon diplôme, c'était beaucoup moins systémique, on apprenait à donner de bons soins infirmiers, mais on n'apprenait pas à faire toute cette évaluation psychosociale et familiale des capacités, des organisations communautaires qui gravitent dans le milieu... Ce que nos jeunes maintenant apprennent à faire. Elles ont donc une vision beaucoup plus systémique de la problématique. Et quelque part, je pense que les jeunes d'aujourd'hui sont beaucoup plus intelligents que nous l'étions, parce qu'ils ont une vision beaucoup plus large que celle que nous avions à leur âge. Ils ont voyagé à travers le monde, ils ont accès à l'information internationale, tous les jours, ils ont tous des ordinateurs. C'est vraiment une tête différente de ma génération, et je considère qu'ils sont à la fois plus intelligents et qu'ils prennent plus de risques. Je ne suis vraiment pas inquiète. »
Ce programme va-t-il permettre une plus grande mobilité physique des étudiants libanais et canadiens ? « Au niveau des cours théoriques, la faculté ici a beaucoup de capacités, et avec les nouvelles technologies, nous sommes capables de faire presque l'ensemble de la formation. Là où c'est un peu plus délicat, c'est dans le...
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