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La prostitution au Liban : la loi du flou

La prostitution au Liban : la loi du flou

Les femmes victimes de la prostitution au Liban ne sont ni protégées par la loi ni condamnées avec précision. Le flou de la loi laisse place à un malaise social grandissant pour ces personnes dont les conditions sont déjà très difficiles.
Comme dans d'autres domaines, la loi libanaise est obsolète en matière de prostitution. Le texte disponible aujourd'hui date de 1931 et correspond évidemment à une réalité dépassée. Il a pour objectif de réglementer les maisons closes, qui se déclinaient à l'époque en deux catégories : les « maisons de tolérance » et les « maisons de rendez-vous ». Dans ces cadres définis avec précision, la prostitution est autorisée et contrôlée par les autorités. L'article 17 de la loi précise comme suit les conditions d'octroi d'un permis de prostitution :
« Aucune fille en pourra être admise dans une maison de tolérance si elle n'est pas âgée de dix-huit ans et munie de pièces d'identité régulières. Elle doit faire sa déclaration à la police, qui devra au préalable faire procéder l'intéressée à une visite médicale immédiate. »
La prostitution clandestine, quant à elle, est « rigoureusement interdite ». Avec la guerre, les quartiers qui étaient autrefois consacrés à la prostitution légale (notamment Zeytouni) ont perdu leur spécificité, et les maisons closes ont fermé leurs portes - définitivement. Avec l'absence de la police et de toute régulation, c'est la prostitution clandestine qui est devenue la norme, mettant encore plus les prostituées au ban de la société.

Manque de données
Il n'existe pas de statistiques nationales qui permettent de décrire précisément la situation de la prostitution au Liban et d'adapter la loi en conséquence. Les âges des prostituées s'étalent de 15 à 50 ans, avec une moyenne à 25 ans, selon l'association Dar el-Amal. Celle-ci recense cinq catégories de prostitution aujourd'hui. La prostitution dite « professionnelle », d'abord, est soumise à une régulation officielle : les autorités délivrent des permis « artistiques » à des femmes majeures qui se produisent dans des bars, des cabarets ou des boîtes de nuit. Sans être reconnues officiellement comme prostituées, ces femmes doivent se soumettre à un examen médical régulier. La prostitution occasionnelle, ensuite, est un moyen auquel recourent des femmes pour compléter le revenu de leur foyer. Elle se transforme souvent en exploitation sexuelle. L'association cite également la prostitution liée à la toxicomanie, celle des « artistes » étrangères de passage (danseuses, chanteuses), et enfin celle qui a pour cadre les centres de massage érotiques.
En l'absence de réglementation précise, le rôle des autorités face à la prostitution est problématique. Selon différentes sources, ce sont les prostituées qui sont arrêtées lorsqu'il y a flagrant délit - les clients et les proxénètes, eux, sont rarement inquiétés. Plusieurs témoignages rapportent des procès arbitraires, au terme desquels les prostituées peuvent écoper de trois à six mois de prison, ou être libérées immédiatement, sans justification précise. Plusieurs défenseurs des droits de l'homme dénoncent des pressions psychologiques, racistes ou xénophobes sur les femmes jugées.

Sur le terrain, une situation difficile à gérer
Quant à la position des policiers, sur le terrain, elle constitue évidemment un sujet tabou. Cependant, en enquêtant dans un appartement de Beyrouth où un proxénète exploite plusieurs femmes, pour la plupart originaires de la Békaa, nous avons rencontré deux agents de l'ordre qui ont accepté de témoigner sous le couvert de l'anonymat. Âgés d'une trentaine d'années, ils étaient là en tant que clients.
« Tout le monde dit que les policiers sont des clients réguliers des prostituées, mais c'est faux », explique l'un d'entre eux, et il ajoute en riant : « On est une minorité à venir dans des endroits comme ça. Il y a un grand respect pour ces principes dans la police et l'armée. Les autres ne sont pas assez bêtes pour venir dans de tels endroits et risquer de se faire prendre. Il y a moyen de s'amuser plus simplement. »
Son collègue explique que certains policiers abusent de leur statut auprès des femmes en difficulté. « C'est bien connu : on arrête des filles qui racolent sous les ponts ou au bord des routes, et on peut s'amuser avec elles. Pour la plupart d'entre nous, on se contente de les embêter un peu, ce n'est pas méchant. Mais on entend parfois parler de collègues qui attaquent les filles comme des sauvages. Vous savez, ils sont jeunes et parfois pas beaucoup éduqués. Mais les supérieurs ne laissent pas passer ce genre de comportement. Ces histoires ne sortent jamais de notre institution, mais ils regrettent vite leurs actes si les supérieurs en prennentconnaissance. »
Les militants de plusieurs associations féministes ou de défense des droits de l'homme œuvrent aujourd'hui pour aller au contact des victimes de la prostitution en précédant les autorités. L'association Dar el-Amal a parfois réussi à convaincre des proxénètes de les laisser rencontrer des femmes dans des appartements improvisés en maisons closes. Des campagnes « d'information et d'éducation » sont menées auprès des autorités et du public pour réduire le malaise social que subissent ces femmes en plus des difficultés de leur travail.
Comme dans d'autres domaines, la loi libanaise est obsolète en matière de prostitution. Le texte disponible aujourd'hui date de 1931 et correspond évidemment à une réalité dépassée. Il a pour objectif de réglementer les maisons closes, qui se déclinaient à l'époque en deux catégories : les...