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Économie - Liban - Audiovisuel

Le piratage des chaînes câblées, une pratique populaire mais coûteuse

Face à la tolérance de l'État à l'égard des petits distributeurs illégaux, les propriétaires de chaînes payantes ont fini par conclure des accords tacites avec ceux qui violent leurs droits, indique une source professionnelle.
Très nombreux sont les foyers au Liban à avoir souscrit à des abonnements de télévision par câbles auprès de petits distributeurs « informels » opérant dans des zones géographiques restreintes. L'avantage de cette pratique largement répandue au Liban est qu'elle permet aux adeptes du petit écran d'accéder à plusieurs dizaines de chaînes câblées et/ou satellitaires moyennant des sommes modiques. Sauf que ce type de service est illégal et relève d'un acte de piratage qui prive l'État, ainsi que les propriétaires de chaînes et les câblo-opérateurs officiels, de précieuses ressources.
L'International Intellectual Property Alliance (IIPA) épingle régulièrement le piratage des chaînes câblées au Liban. Dans son dernier rapport, cet organisme indique qu'en 2008, quelque 600 à 800 distributeurs illégaux ont desservi près de 80 % de la population libanaise à travers 720 000 abonnements, en échange d'un tarif mensuel moyen de 10 dollars par mois.

Vingt millions de recettes fiscales en moins
Lina Haber, directrice du marketing chez le câblo-opérateur Cablevision, estime, elle, le nombre de distributeurs illégaux à 400, soulignant que « leur nombre s'est réduit suite à un mouvement de concentration ».
Ils seraient 1 500 selon les chiffres avancés par Samir Bekdachi, directeur régional d'Orbit pour le Liban et la Syrie. « Ils volent notre signal codé par le biais de cartes spéciales qu'ils insèrent dans des décodeurs, précise-t-il. Ceci nous coûte des sommes faramineuses en manque à gagner. D'autant qu'ils comptent parmi leurs clients de nombreux hôtels et hôpitaux. N'eût été le piratage, nous devrions avoir près d'un million d'abonnés au Liban. Et il ne faut pas oublier que le piratage empêche l'État de recevoir des sommes considérables. ».
Effectivement, selon Lina Haber, le piratage des chaînes câblées prive le Trésor de plus de 20 millions de dollars par mois « car les distributeurs illégaux ne paient ni des cotisations à la Caisse nationale de Sécurité sociale, ni des impôts sur le revenu ou les bénéfices, ni des frais de douanes sur les équipements importés et encore moins la taxe sur la valeur ajoutée ». Elle souligne également que le piratage dissuade les grands opérateurs d'investir dans les infrastructures du pays.

Un vide juridique ?
À la lumière de ces constats, pourquoi l'État ne réprime-t-il pas sévèrement le piratage en la matière ?
« Un vide juridique règne au Liban en ce qui concerne la diffusion des chaînes télévisées », répond une source au cabinet du ministre de l'Information, Tarek Mitri. « Nous ne pouvons rien faire en la matière », regrette-t-elle.
Une source haut placée au sein des FSI indique de son côté que « le piratage des chaînes câblées viole la loi mais nous ne pouvons pas agir contre ses auteurs à défaut d'une plainte déposée auprès du parquet. Or aucune plainte n'a été déposée. »
« Doublement faux », répond Walid Nasser, avocat spécialiste de ce dossier. « Il n'y a pas de vide juridique en la matière, affirme-t-il. La loi de 1999 sur la protection des droits d'auteur interdit explicitement la transmission ou la réception de programmes télévisés par câble sans l'autorisation de l'auteur. De plus, certains de ceux qui se livrent à cette pratique violent la loi sur la protection des distributions exclusives et la loi sur la concurrence déloyale. Nous avons déposé des dizaines de plaintes auprès de la justice. Mais après 2 ou 3 ans de procédures, les coupables ne sont condamnés qu'à payer deux ou trois millions de livres, ce qui est dérisoire. »

Des ententes tacites
Samir Bekdachi explique, de son côté, avoir recruté des personnes uniquement pour accompagner les huissiers de justice qui visitent les locaux des distributeurs illégaux pour constater la violation de la loi et leur adresser des avertissements avant de les fermer s'ils n'obtempèrent pas. « Mais nous n'avons pas réussi à éradiquer ce phénomène, ajoute-t-il. Nous avons même élaboré des stratégies marketing agressives pour tenter de les concurrencer en proposant au public des offres à tarif très réduit. Mais rien n'y fait car les distributeurs illégaux ont l'avantage de pouvoir fournir un très grand nombre de chaînes au client avec lequel ils entretiennent des relations de proximité. »
Le directeur général du groupe ART au Liban, Ahmad Achi, déplore ainsi « l'absence de volonté politique de régler ce problème ». « Un ancien ministre de l'Information m'a dit que réprimer le piratage serait une mesure très impopulaire qu'aucun gouvernement ne peut assumer car cette activité nourrit de nombreuses familles et de nombreux téléspectateurs y sont très attachés », souligne-t-il.
Face à cette situation, une source professionnelle indique que des groupes possédant des chaînes câblées « en sont réduits à conclure des ententes tacites avec les distributeurs illégaux ». « C'est la faute de l'État qui est largement inactif dans ce domaine. Les ententes tacites permettent au moins aux chaînes câblées d'engranger quelques recettes », conclut-elle.
Très nombreux sont les foyers au Liban à avoir souscrit à des abonnements de télévision par câbles auprès de petits distributeurs « informels » opérant dans des zones géographiques restreintes. L'avantage de cette pratique largement répandue au Liban est qu'elle permet aux adeptes du petit...

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