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Liban - Analyse

Silence, on politise…

Le président syrien, Bachar el-Assad, se dit inquiet d'une « politisation » du Tribunal spécial pour le Liban, qui siège à La Haye depuis le 1er mars. De nombreux alliés de M. Assad au Liban, notamment au sein du Hezbollah, ont maintes fois exprimé une crainte similaire et réclamé des « garanties » qui leur permettraient, disent-ils, de pouvoir placer leur confiance en cette juridiction.
Depuis qu'il a été question d'un tribunal à caractère international pour statuer sur les attentats perpétrés au Liban, une campagne en bonne et due forme a été orchestrée et diffusée à périodes régulières, tantôt à partir de Damas et tantôt au Liban même, avec pour objectif de créer auprès de l'opinion publique libanaise, syrienne et arabe le sentiment que les risques de « politisation » de ce tribunal sont bien réels.
Que craignent donc le régime syrien et ses amis, du moment qu'ils nient toute implication dans les attentats ? La réponse qu'ils livrent tient en quelques mots : à leurs yeux, leur innocence ne constitue pas une garantie en soi, dans la mesure où le tribunal pourrait subir l'influence politique de la communauté internationale - donc principalement des États-Unis. De ce fait, il serait peut-être amené à prononcer des verdicts « politiques » à la seule fin d'assener un coup mortel à l'axe de la « fermeté » formé de l'Iran, de la Syrie, du Hezbollah et du Hamas, servant ainsi les ambitions israélo-américaines.
Sur un plan purement politique, ce raisonnement se heurte d'emblée à un obstacle de taille, car pour qui observe la scène proche-orientale depuis des années, un seul constat objectif s'impose : la politique israélienne n'a jamais vraiment visé jusqu'ici à abattre cet « axe de la fermeté » (dont la « fermeté », soit dit en passant, ne fait sentir son poids que sur les peuples arabes, et en particulier sur le Liban). C'est même tout le contraire : l'État hébreu a toujours cherché à jeter le discrédit sur les modérés d'en face, afin de ne pas avoir à payer le prix de la paix.
Après tout, pourquoi voudrait-on qu'Israël s'en prenne sérieusement à des gens qui, à coups de surenchères suicidaires, font ce qu'il faut pour lui assurer soutien et sympathie dans le monde ?
En outre, d'un point de vue judiciaire, croire que des magistrats choisis aux quatre coins du monde pour former un tribunal international seraient capables de s'associer pour monter des accusations de toutes pièces, fabriquer des preuves et rendre des jugements sous l'influence de diktats politiques relève de la pure fantasmagorie.
Certes, la justice est loin d'être parfaite, même dans les démocraties les plus authentiques. Mais de là à penser que la justice internationale pourrait ressembler, de près ou de loin, à certaines juridictions de nos pays d'Orient...
En réalité, il existe un risque de politisation, mais il est au niveau de l'exécution des décisions du tribunal. L'ironie est que, dans ce cas, toute « politisation » ne pourrait être qu'au bénéfice du suspect, du prévenu et du coupable.
Le TSL étant placé sous le régime du chapitre VI de la Charte de l'ONU, il n'existe aucune automaticité entre ses décisions et un éventuel recours à la force par les Nations unies pour les faire exécuter. Le cas échéant, le Conseil de sécurité devra se réunir et voter une résolution autorisant l'usage de la force contre l'État récalcitrant. Et c'est là que la politique intervient. Dès lors, ce qu'on peut effectivement craindre, c'est que des membres influents du Conseil de sécurité ne soient tentés de traîner les pieds, voire d'entraver l'application des décisions de justice pour des raisons politiques, plus précisément de realpolitik.
Par conséquent, celui qui n'est pour l'instant que suspect ne dit pas la vérité lorsqu'il prétend craindre une politisation du tribunal. Au contraire, c'est lui qui la souhaite et c'est au peuple libanais qu'il revient d'en être inquiet.
Les propos du président syrien ne doivent tromper personne. Lorsqu'il affirme que « si le tribunal est politisé, c'est le Liban qui en payera le prix », il veut dire par là que si les décisions du TSL ne sont pas à son goût, et si les grandes puissances se montrent intraitables, les Libanais devront s'attendre à une nouvelle période d'insécurité et d'instabilité, soigneusement mise en scène par qui l'on sait. Comme toujours.
À moins, certes, que la realpolitik n'en décide autrement. Mais même dans ce cas, il est bon de savoir ceci : du moment qu'il y a un tribunal, la vérité se fera un jour. Il y aura des actes d'accusation, des inculpations, des témoignages concordants, des indices sérieux, des preuves et, enfin, des verdicts.
Voir les coupables enchaînés conduits à leur prison serait bien sûr la cerise sur le gâteau. Mais un gâteau est toujours bon à prendre, même sans la cerise...
Le président syrien, Bachar el-Assad, se dit inquiet d'une « politisation » du Tribunal spécial pour le Liban, qui siège à La Haye depuis le 1er mars. De nombreux alliés de M. Assad au Liban, notamment au sein du Hezbollah, ont maintes fois exprimé une crainte similaire et réclamé des « garanties »...
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