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Liban - Conférence

Joseph Maïla à l’USJ : Le Liban, une démocratie du paradoxe

À l'USJ, le philosophe Joseph Maïla a analysé la démocratie libanaise, entre histoire et nouveaux défis. Il a mis en garde contre les menaces de violence et de populisme.
Joseph Maïla, philosophe et politologue, a donné jeudi soir à l'Université Saint-Joseph une conférence sur « Les défis de la démocratie au Liban ». Professeur dans des universités libanaises, européennes et nord-américaines, M. Maïla a participé au cours de sa carrière à de nombreuses initiatives diplomatiques prônant notamment le dialogue interlibanais, comme à La Celle-Saint-Cloud en 2007. À l'approche d'élections législatives décisives dans l'histoire politique du pays, la conférence de jeudi avait pour ambition de redéfinir le sens de la démocratie pour comprendre ce que celle-ci est devenue aujourd'hui au Liban et envisager les défis auxquels elle se trouve confrontée.
Dès le début de la conférence, M. Maïla a souligné la gravité de la question qu'il était invité à traiter, mettant en avant trois motifs d'incertitude pour un penseur qui aborde ce sujet au Liban : la proximité des élections, dont la mise en place constitue en elle-même un enjeu démocratique, le dérèglement politique inédit qui les a précédées sur la scène nationale, et un contexte régional peu favorable au développement de la démocratie.
« Il n'y a pas de modèle démocratique » auquel le Liban pourrait déroger, a affirmé le philosophe. La démocratie se définit par un choix de gouvernement, un équilibre des pouvoirs, et une culture qui consiste à respecter les libertés et à participer à la vie de la cité. Ici se pose la question des "sujets" de la démocratie : quelle est la nature de la représentation parlementaire au Liban ? Le débat des courants n'arrive pas à surgir parmi les députés, qui représentent des communautés plutôt que des idées.

La charrue devant le bœuf
Joseph Maïla présente ainsi le système libanais comme une « démocratie paradoxale », où existent des libertés réelles qui ne s'inscrivent pourtant pas dans un État de droit. Le premier défi auquel se trouve confronté ce système aujourd'hui est donc la recherche d'une structure - les Libanais n'ont certainement pas été assez fermes dans l'application des accords de Taëf. Non seulement des lois ont été manipulées et des mandats prorogés de manière illégitime, mais ces lois ont également été contournées : plutôt que de renforcer des institutions, on a donné un rôle d'autant plus important aux communautés. « On a mis la charrue communautaire devant le bœuf constitutionnel », a résumé M. Maïla.
Le second grand défi auquel se trouve confrontée la démocratie libanaise est celui de la construction de la citoyenneté. Le philosophe a appelé les Libanais à une véritable discussion démocratique, qui n'est pas sans rappeler celle qu'avait tenté d'instaurer le chehabisme. Il est grand temps, a-t-il ajouté, de parler de justice sociale, de problèmes d'infrastructure ou encore d'habitat : c'est une telle discussion qui permettra, petit à petit, un véritable développement de la société libanaise.

Dangers de la violence
Il a également émis une mise en garde contre les dangers qui guettent la culture politique libanaise, le premier étant la dérive du langage : « L'interdit du meurtre, a-t-il rappelé, se tient et se lève par le langage. » Pour illustrer ses propos, il a fait allusion aux déclarations de Michel Aoun, qui avait menacé lors d'une conférence de presse de couper les langues et les mains de ses détracteurs. Il faut également, selon M. Maïla, se méfier de la dérive populiste, qui consiste à « acclamer le chef, suivre la foule et détester l'autre », ainsi que de l'état d'urgence transformé en mobilisation politique permanente, comme sous les régimes fascistes ou communistes.
La réponse à ces problèmes ? Joseph Maïla n'avait évidemment pas la prétention de proposer une solution magique, mais il a rappelé les bienfaits d'une véritable réconciliation nationale, qui suivrait un programme et des étapes prédéfinies. Les grandes manifestations de masse qui ont animé le pays depuis 2005 ont d'après lui une grande importance : elles alimentent la résistance démocratique du peuple libanais, « seule force qui permet de faire survivre l'espérance démocratique ».
Joseph Maïla, philosophe et politologue, a donné jeudi soir à l'Université Saint-Joseph une conférence sur « Les défis de la démocratie au Liban ». Professeur dans des universités libanaises, européennes et nord-américaines, M. Maïla a participé au cours de sa carrière à de...
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