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Liban - Feuille de route

Une histoire de non-violence

L'effet est, à n'en point douter, magistral.
La plus grande réussite des forces contre-révolutionnaires qui cherchent, depuis quatre ans, à annuler les effets établis par le printemps de Beyrouth au Liban est probablement dans ce schème extraordinaire qui les conduit à allier l'usage de la violence au mode victimaire.
Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'Israël lance une offensive contre le Hezbollah, durant la guerre de juillet 2006, le gouvernement Siniora déploie tous ses efforts pour arrêter l'offensive israélienne et parvient à obtenir l'adoption de la résolution 1701. Mais sitôt la paix rétablie, les forces du 8 Mars se lancent dans une vaste entreprise sur la scène interne pour renverser le cabinet, en l'accusant de « collusion avec l'ennemi », et aucun moyen n'est épargné pour ce faire : accusations de traîtrise, occupation du centre-ville durant près de deux ans, et, pour finir en apothéose, usage des armes contre Beyrouth et la Montagne pour terminer la besogne, achever « la bête ».
Sur le plan chrétien, le chantage opère exactement de la même manière, même si la violence est plus pernicieuse, dans la mesure où elle est savamment distillée dans les esprits. C'est en effet au niveau de la mémoire que le conflit se joue, puisqu'il n'y a, dans la réalité, aucun autre espace que celui, spatio-temporel, du passé et de la guerre civile pour réussir à diaboliser « l'ennemi » et se poser en victime malheureuse. Il suffit ainsi de constater comment certaines chaînes de télévision - à l'image de leur mentor - mettent tout leur savoir-faire pour semer les germes de violence en manipulant, à des fins strictement politiciennes, la mémoire de la guerre, alors même que ce travail - nécessaire et précieux - devrait se faire à l'écart de la politique et à des fins purement curatives. Quoi qu'il en soit, le mécanisme est tout aussi maléfique, et, au final, c'est une régénération permanente et agressive de la violence qui est mise en branle dans le but d'abattre l'autre, mais toujours dissimulée derrière un discours de victime - qui frise, au demeurant, la paranoïa.
Mais tout cela n'est pas particulièrement étonnant. La révolution du Cèdre est, depuis ses débuts, une dynamique de la non-violence. Et même lorsqu'elle a failli se perdre, être entraînée sur le terrain du projet adverse en mai 2008 - celui des canons -, le processus mimétique a été stoppé net. Le Liban n'a pas sombré dans la guerre. D'une certaine manière, cela aurait conduit au triomphe de l'option martiale et à l'annihilation totale de tout ce qui a été entrepris depuis 2005. Au contraire, les pourparlers de Doha ont remis, en quelque sorte, tout le monde « à égalité ».
Plus que cela, l'intifada de l'indépendance est probablement le seul mouvement insurrectionnel dans l'histoire où les initiateurs de la révolution périssent les uns après les autres aux mains des contre-révolutionnaires, de la manière la plus sauvage qui puisse être, sans avoir touché à un seul cheveu de leurs ennemis ou des coupables désignés, et, surtout, en ayant fait appel à la justice internationale pour trancher le litige et établir la vérité !
L'ironie du sort a voulu que les derniers événements du 14 février 2009 opèrent comme une sorte de cristallisation de cet état de fait qui dure depuis février 2005 : ainsi, à la suite d'une manifestation pacifique et festive à la mémoire de personnalités assassinées, et, mieux encore, quelques minutes à peine après l'appel solennel au dialogue et au calme sur la scène interne lancé à partir de la tribune par le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, les manifestants du 14 Mars ont été agressés par des partisans du 8 Mars armés de bâtons et de couteaux. Le comble réside probablement dans la mort d'un partisan de Walid Joumblatt, poignardé sous le regard impassible, à en croire des témoins oculaires, de certains officiers des forces régulières. Évidemment, et pour couronner le tout, certaines composantes du 8 Mars se sont efforcées, comme à leur habitude, de faire jouer immédiatement le mode victimaire, légitimant ces agressions par le fait qu'il s'agissait de « réactions » à des « provocations » !
Quels que soient les procédés utilisés pour la justifier ou légitimer ce qui ne saurait l'être, la violence reste de la violence, et elle ne peut en rien aider le Liban ni à passer le cap des prochaines élections législatives ni, à plus long terme, à panser toutes ses plaies, les anciennes comme les nouvelles.
Plus que jamais, c'est à la diffusion d'une culture de paix, d'une politique de paix, d'une économie de paix et, surtout, d'un discours de paix - les images et les mots entretiennent parfois la violence bien mieux que les armes - que toute une société aspire à pouvoir s'affranchir enfin de tous ces murs qui l'empêchent d'être florissante, sereine ; en paix avec elle-même - avec le rôle qu'elle s'est depuis toujours assigné - et avec les autres.
L'effet est, à n'en point douter, magistral.La plus grande réussite des forces contre-révolutionnaires qui cherchent, depuis quatre ans, à annuler les effets établis par le printemps de Beyrouth au Liban est probablement dans ce schème extraordinaire qui les conduit à allier l'usage de la violence au mode victimaire. Ainsi, à titre...
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