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Économie - Liban - Interview

Salamé : La subvention des taux d’intérêt permettra à la livre de retrouver un rôle économique

Pour faire face à un éventuel retour des expatriés, les autorités veulent encourager les nouveaux projets en accordant des crédits bonifiés et en réduisant le taux de réserves obligatoires, a expliqué le gouverneur de la BDL à « L'Orient-Le Jour ».
L'Orient-Le Jour : Quelles seront les mesures incitatives que vous prendrez pour encourager les banques à distribuer davantage de crédits ? À quels secteurs ou branches d'activités profitera surtout ce plan ?
Riad Salamé : Le marché local du crédit fonctionne normalement. Le gouvernement est toutefois en train d'élaborer des mesures qui devraient aider à stimuler l'économie. La BDL lui a proposé de mettre en place un système de prêts bonifiés qui profitera aux projets lancés en 2009. Ce plan ne portera toutefois pas sur les crédits à la consommation ni sur les projets fonciers. Il devrait surtout profiter à l'industrie des services, eu égard au fait que la loi a d'ores et déjà attribué des subventions aux crédits aux secteurs de l'agriculture, de l'industrie, du tourisme et des technologies.
Les crédits à taux bonifiés devraient permettre d'encourager la création d'entreprises et donc d'emplois. Certains prévoient un retour au Liban de jeunes cadres expatriés (qui auraient perdu leur emploi du fait de la crise mondiale). Le plan que nous proposons devrait faciliter leur accueil.
Nos propositions visent à favoriser la distribution de crédits en toute devise et non une monnaie particulière. Elles ne portent donc pas exclusivement sur les prêts libellés en livres. Néanmoins, il convient de rappeler que la dollarisation des dépôts est passée de 77 % à 69 %. Du fait de cette dédollarisation, les banques disposent d'un supplément de ressources en livres. La subvention des taux d'intérêt va donc encourager particulièrement les crédits en livres. Le coût de l'emprunt en monnaie nationale devenant acceptable, cela donnera un rôle économique à la monnaie nationale. De plus, cela élargira la marge d'action de la BDL, vu que la livre redeviendra une monnaie d'emprunt et non seulement de thésaurisation.
Le gouvernement financera le coût de la subvention. De son côté, la Banque centrale mettra en place des exemptions de réserves obligatoires de l'ordre de 65 % de chaque prêt accordé moyennant un taux d'intérêt acceptable, tout comme elle fait dans le cadre du programme Kafalat ou des crédits à l'habitat. J'entends par acceptable un taux d'intérêt à moyen terme inférieur ou égal au taux des bons du Trésor à un an, soit de l'ordre de 7 %. Les banques y verront une occasion de rentabiliser des fonds sur lesquels elles ne touchent pas d'intérêt et de réduire leurs risques. Elles distribueront alors davantage de prêts aux entreprises.

OLJ : Qui dit crédit bancaire dit création de monnaie. Votre plan ne pourrait-il pas créer des tensions inflationnistes ?
R.S. : Notre département des statistiques prévoit une inflation inférieure à 4 % en 2009, en prenant compte des effets éventuels de la subvention des taux d'intérêt. Nous sommes donc en phase de décélération des prix. De plus, si la masse du crédit augmente de 10 % en 2009, la croissance sera supérieure à 3 ou 4 %.
Notre gestion des liquidités est prudente. Elle tiendra toujours compte de l'influence de ces liquidités sur les prix et vise à éviter la création d'inflation. Nous émettons régulièrement des certificats de dépôt pour éponger des liquidités. Toujours est-il que nous ne nous concentrons pas tant sur les injections de crédit dans le privé que sur les liquidités dues au déficit public. Notre expérience passée montre que nous avons parfaitement réussi dans ce domaine.

OLJ : Le creusement continu du déficit public financé par la dette est-il en train de produire un effet d'éviction en permettant au gouvernement d'accaparer des ressources qui auraient pu être allouées au privé sous forme de crédits ?
R.S. : Les banques locales gardent un tiers de leurs dépôts, prêtent un autre tiers à l'État et distribuent le tiers restant au privé. En 2008, elles ont prêté aux entreprises 25 milliards de dollars, soit 85 % du PIB, ce qui est relativement assez élevé. Les marchés sont donc bien financés. Il reste que la réduction du déficit public permettra au Liban de profiter davantage de ses ressources financières et du fait que le secteur bancaire n'ait pas été touché par la crise mondiale pour développer son économie.

OLJ : D'aucuns estiment que l'ancrage de la livre au dollar neutralise quasiment la politique monétaire de la BDL. Que leur répondez-vous ?
R.S. : Le FMI a reconnu l'importance de l'ancrage actuel pour la stabilité sociale du pays et la pérennité de son activité économique. La confiance est une base essentielle pour stimuler la croissance, l'investissement et la consommation. En dépit des injections de liquidités massives sur les marchés mondiaux, les plans de relance n'ont pas réussi à enrayer la crise à cause de la détérioration de la confiance. La BDL se doit d'entretenir la confiance dans notre économie nationale qui est indispensable pour préserver le flux de capitaux intrants. Les résultats de cette politique que nous poursuivrons ont épargné au Liban les retombées de la crise financière mondiale.

OLJ : Le Liban réussira-t-il à honorer toutes les échéances de sa dette souveraine en 2009 ?
R.S. : Le ministère des Finances a demandé à deux banques locales et à une banque étrangère de préparer un « swap » de toutes les échéances en devises de l'année en cours vers des maturités de 3 ans. Le succès de cette opération sera favorable à la détente monétaire et accroîtra la confiance dans notre économie, d'autant plus qu'elle ne devrait apporter aucune progression des taux d'intérêt.
Le Liban n'aura donc à effectuer aucun versement en devises au titre de sa dette souveraine en 2009. Quant à la dette en livres, nous procédons à des émissions hebdomadaires pour lesquelles la demande est forte et soutenue, notamment du fait de la dédollarisation.

OLJ : Le Liban pourra-t-il honorer en 2009 les réformes qu'il s'est engagé à mener, lors de la conférence Paris III, notamment en matière fiscale ?
R.S. : Nous sommes à quelques mois des législatives. Or les réformes sont parfois synonymes de mesures impopulaires. Le FMI et la Banque mondiale comprennent cela. Il n'empêche que les réformes proposées sont importantes pour réduire le déficit et dynamiser l'économie. Le déficit doit être réduit graduellement pour être au niveau acceptable de 5 % du PIB. Il faut donc que les réformes soient amorcées. Rien que leur début permettra de créer une structure d'intérêt plus favorable au Liban.
L'Orient-Le Jour : Quelles seront les mesures incitatives que vous prendrez pour encourager les banques à distribuer davantage de crédits ? À quels secteurs ou branches d'activités profitera surtout ce plan ?Riad Salamé : Le marché local du crédit fonctionne normalement. Le gouvernement est toutefois en train d'élaborer...
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