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Liban - Interview

Serdar Kiliç : La stabilité au Liban est cruciale pour la paix régionale

Au cours des dernières années, la Turquie s'est imposée comme un acteur régional incontournable. Son influence au Moyen-Orient ne cesse de croître et son implication active dans la résolution des problèmes régionaux est de plus en plus ostensible. De la recherche d'une sortie de crise au Liban à celle d'un cessez-le-feu durable à Gaza, en passant par le parrainage des pourparlers indirects entre la Syrie et Israël, Ankara s'est activé sur tous les fronts au cours des derniers mois. La Turquie a même réussi à occuper l'avant-scène et même à susciter un engouement populaire dans la région, suite à ses positions fermes face à l'offensive israélienne contre Gaza ou au coup de colère de son Premier ministre, Reçep Tayyip Erdogan, contre le président israélien, Shimon Peres, à Davos.
L'Orient-Le Jour a rencontré l'ambassadeur de Turquie, Serdar Kiliç, qu'il a interrogé sur la situation politique au Liban, à Gaza, le processus de paix et les relations bilatérales entre Beyrouth et Ankara.

L'Orient-Le Jour - Comment évaluez-vous la situation politique au Liban ?

Serdar Kiliç : « Le Liban a franchi des pas importants en 2008 dans la direction de la paix et de la sécurité durables (...).
L'année 2009 sera importante non seulement pour le Liban, mais également pour l'ensemble du Moyen-Orient. Des élections seront en effet organisées dans plusieurs pays. Les événements qui pourraient avoir lieu avant et pendant ces scrutins, en ce qui concerne notamment les campagnes électorales, seront aussi importants que les législatives en tant que telles. Les résultats des différents scrutins auront un impact direct non seulement sur l'orientation politique future de ces pays, mais également sur les approches qu'ils adopteront face à des questions régionales majeures qui sont étroitement liées à la sécurité et à la stabilité du Moyen-Orient.
Nous espérons que l'esprit du dialogue et de la réconciliation puisse prévaloir durant cette période sensible et délicate. Nous espérons également que le bon sens gouvernera les efforts déployés par toutes les parties pour garantir l'entente et la coexistence pacifique. Dans le cas du Liban, nous croyons qu'il faut mettre l'accent sur la consolidation de l'union nationale durant la période à venir. (...)
La Turquie attache la plus grande importance à la préservation de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance du Liban. Nous croyons que la stabilité du Liban est d'une importance capitale pour la paix dans la région. »

OLJ - À votre avis, les derniers événements de Gaza pourraient-ils menacer la stabilité au Liban et dans la région ?

S. K. : « Nos cœurs et nos esprits sont avec la population de Gaza. Nous partageons son malheur après la tragédie humaine que le territoire a subie. L'usage excessif et disproportionné de la force par Israël a engendré une situation grave qui pourrait avoir des répercussions sérieuses sur la région. Pendant la crise, il y avait un risque réel de voir la situation se détériorer dans l'ensemble du Proche-Orient, y compris au Liban. Chaque parti ou groupe politique devait donc agir d'une manière responsable et prêcher le calme (...).
J'espère que les positions adoptées par les dirigeants libanais durant ces jours difficiles pour préserver leur pays face aux possibles retombées de la crise, et spécialement leurs efforts pour maintenir leur politique louable et délicate, seront appréciées par toutes les parties, dans la région et au-delà.
La Turquie s'est activement engagée dans la recherche d'une issue à la crise de Gaza. (...) Aujourd'hui, nous estimons que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la répétition de cette stratégie et fournir l'assistance humaine aux Palestiniens.
Je voudrais souligner de nouveau que la Turquie est déterminée à poursuivre ses efforts dans la recherche de la paix et de la stabilité dans la région. Elle est prête à coopérer avec toutes les parties intéressées par cette démarche, y compris les membres distingués du gouvernement libanais. »

OLJ - La Turquie encourage-t-elle les autorités libanaises à s'engager dans des pourparlers directs ou indirects avec Israël qu'elle pourrait parrainer ?

S. K. : « La décision en la matière doit être prise par les parties concernées. Néanmoins, si vous m'aviez posé cette question avant les derniers événements de Gaza, ma réponse aurait pu être très différente. Mais les raids aériens disproportionnés d'Israël et son offensive terrestre contre Gaza ont provoqué de graves dommages collatéraux et ont dramatiquement changé la situation.
Je crois que la paix globale dans la région nécessite une action au niveau de différents dossiers qui sont étroitement liés. Le processus de paix au Moyen-Orient serait incomplet sans progrès sur tous les fronts (...).
L'attaque israélienne contre Gaza est intervenue au moment où l'on préparait le 5e round de pourparlers indirects entre la Syrie et Israël. Cette attaque n'a pas seulement retardé les avancées enregistrées à ce niveau, elle a également différé la possibilité du lancement de négociations directes entre les deux pays. Si nous avions pu enregistrer des progrès concrets dans les pourparlers syro-israéliens, il y aurait eu une chance de considérer la possibilité de lancer des négociations indirectes entre le Liban et Israël si les deux parties le voulaient.
Comme le ministre des Affaires étrangères Ali Babacan l'a expliqué, il n'est naturellement pas possible d'aller de l'avant dans les négociations indirectes entre la Syrie et Israël dans les circonstances actuelles. La politique israélienne consistant à lancer une guerre contre les Palestiniens tout en négociant avec la Syrie nous a beaucoup déçus. »

OLJ - Comment répondez-vous aux accusations d'ingérence dans les affaires arabes que formulent des parties locales à l'égard de certaines forces régionales, telles que la Turquie ?

S. K. : « La Turquie n'est en concurrence avec personne pour établir la paix et la stabilité. Nous collaborerons avec toute partie prête à contribuer à la recherche de la paix. Durant la dernière crise, nous avons étroitement collaboré avec l'Égypte. Contrairement à d'autres pays, nous n'avons pas d'intérêts au Liban ou en Palestine.
Plusieurs pays ont commis des erreurs. Les problèmes au Moyen-Orient ne sont pas arabes mais régionaux. Nous contribuons à leur résolution car nous appartenons à cette région. Le dossier libanais n'est pas arabe mais régional. Nous soutenons entièrement l'indépendance du Liban bien que nous ne soyons pas arabes. Il ne faut pas créer davantage de divisions dans la région. Nous avons une géographie et une histoire communes. »
 
OLJ - Comment évaluez-vous l'état de la coopération économique entre le Liban et la Turquie en termes d'investissements directs, d'échanges de biens et services, etc. ?

S. K. : « Le volume des échanges commerciaux entre la Turquie et le Liban a triplé en 3 ans, passant de 367 millions de dollars en 2006 à 509 millions en 2007, avant de s'élever à 1 milliard de dollars en 2008. (...) Il convient de souligner à cet égard que le ratio de nos importations et de nos exportations est l'un des plus favorables au Liban parmi l'ensemble de ses partenaires commerciaux étrangers.
Nous avons enregistré des progrès considérables dans l'établissement d'un cadre légal pour gérer nos relations économiques. Nous avons signé plusieurs accords en la matière. (...) Nous espérons que les négociations sur un accord de libre-échange pourront aboutir très bientôt. Cela aurait un effet multiplicateur sur nos échanges commerciaux. »
Au cours des dernières années, la Turquie s'est imposée comme un acteur régional incontournable. Son influence au Moyen-Orient ne cesse de croître et son implication active dans la résolution des problèmes régionaux est de plus en plus ostensible. De la recherche d'une sortie de crise au Liban à celle d'un cessez-le-feu durable...
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