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Économie - Liban - Immobilier

Loyers : confusion légale sur un marché à deux vitesses

Une « erreur » qui s'est glissée dans la loi 63 entrave l'augmentation des loyers des anciens baux résidentiels. 
Au cours de sa réunion hier, la commission parlementaire de l'Administration et de la Justice a évoqué, entre autres, les moyens de corriger « l'erreur » qui s'est glissée dans l'article stipulant la hausse des loyers de la loi 63, parue dans le Journal officiel le 8 janvier 2009. Une bévue législative qui a créé une grande confusion sur le marché de l'immobilier locatif.
En vue d'appréhender ce problème, il convient de rappeler que le marché locatif au Liban repose sur deux types de baux : les contrats dits « anciens » portant sur une partie des biens immobiliers construits avant 1992, et ceux dits « nouveaux » concernant notamment les immeubles bâtis après cette année. Selon Joseph Zogheib, membre du Rassemblement des propriétaires d'immeubles locatifs, les baux anciens touchent quelque 15 % du parc immobilier du pays (40 % selon d'autres sources) et près de 40 % de l'ensemble des locations (60 % d'après d'autres sources). Contrairement aux baux nouveaux qui sont pratiquement laissés à la libre volonté des parties contractantes, les conventions antérieures à 1992 sont régulées et les loyers qu'elles stipulent sont augmentés par décision officielle.

Un quiproquo législatif
Or la loi sur les locations prévoit l'augmentation des loyers des baux anciens d'un taux égal à la moitié de la hausse de « la première tranche de salaire », a rappelé l'avocat Antoine Sabeh dans un entretien avec L'Orient-Le Jour. Comme le salaire minimum a été réévalué de 66,66 %, il était donc normal que les loyers des anciens baux progressent de 33,33 %, disposition visée par la loi 63. Sauf que cette loi renvoie à l'article 13 de la loi sur les locations, et qui porte sur les baux commerciaux et ne mentionne pas l'article 6 qui concerne les locations à des fins résidentielles, a expliqué Antoine Sabeh.
Bien que les législateurs aient souligné que la hausse des loyers concerne tous les immeubles anciens, nombre de locataires de biens immobiliers résidentiels refusent donc de payer l'augmentation à leurs propriétaires, arguant de la confusion locale. De leur côté, les locataires liés par des baux commerciaux se doivent de payer les loyers réajustés. La commission parlementaire de l'Administration et de la Justice a donc décidé d'œuvrer pour corriger la loi 63, a indiqué le député Robert Ghanem à L'Orient-Le Jour. Cette démarche requiert toutefois un nouveau vote de l'Assemblée.

Une réforme en profondeur
Parallèlement, la commission continue d'étudier un projet de réforme de la loi sur les locations, consistant notamment à libérer progressivement les « anciens » baux selon l'ancienneté du locataire, a déclaré le ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, à L'Orient-Le Jour.
Pour Joseph Zogheib tout comme pour Joe Kanaan, PDG de Sodeco Gestion, cette mesure s'impose pour mettre fin à la segmentation du marché locatif et régler les nombreux problèmes sociaux et économiques qu'elle génère.
En effet, les propriétaires des anciens immeubles continuent de toucher des loyers « largement sous-évalués », représentant le douzième et souvent même le vingtième de ce qu'ils devraient normalement recevoir, estime Joe Kanaan. Dans certains cas, cela génère de véritables tragédies sociales. Ainsi, Lamia, propriétaire d'un immeuble en bon état situé en plein Beyrouth, ne tire que 120 mille livres par mois des deux appartements de 4 pièces qu'elle loue. Retraitée, elle se trouve donc acculée à dépendre de ses enfants pour vivre dans la dignité.
L'on pourrait imaginer qu'un recours à la justice serait un moyen de libérer son immeuble pour le louer sur base de nouveaux baux. Or, selon l'avocat Sabeh, en moyenne seuls 2 recours sur 10 aboutissent dans ce domaine. D'ailleurs, une plainte en justice pour casser un « ancien » bail doit être motivée soit par le besoin de détruire l'immeuble, soit par le non-paiement du loyer après mise en demeure, ou encore en raison d'une nécessité familiale. Et même si le propriétaire obtenait gain de cause, il devrait payer à son locataire une somme comprise entre 25 % et 50 % de la valeur du bien loué à la date du jugement, à titre d'indemnités d'expulsion.

Réduction de l'offre
Au-delà de l'aspect social, la segmentation du marché locatif entraîne un coût économique assez lourd pour le Liban, affirme Joe Kanaan. Le PDG de Sodeco Gestion note en effet que les locataires des « anciens » immeubles contribuent rarement à la rénovation et à la maintenance de leurs appartements, vu qu'ils ne s'en sentent pas propriétaires. Les véritables propriétaires, eux, refusent de financer tout chantier de rénovation, les loyers qu'ils touchent étant souvent dérisoires. Il en résulte un délabrement continu des immeubles concernés, qui perdent constamment de leur valeur. D'où l'impossibilité de vendre ou de louer à un juste prix les appartements libres qu'ils pourraient contenir, ce qui engendre une réduction sévère de l'offre sur le marché immobilier.
De plus, Joseph Zogheib note que les immeubles anciens comptent souvent peu d'étages et d'appartements. Pour lui, leur destruction et leur remplacement par de nouvelles bâtisses, ou le lancement de chantiers de grande envergure qui permettent d'y ajouter des étages sont autant de moyens d'augmenter l'offre immobilière et de résoudre en partie la crise du logement au Liban. Mais comme ces immeubles sont bloqués par les anciens baux, l'offre de biens immobiliers « est artificiellement maintenue à un faible niveau », et les prix sont « surévalués », souligne Joseph Zogheib.
La suppression du système des baux anciens et la libéralisation totale du marché locatif semblent donc être un moyen de rendre justice aux propriétaires, dynamiser le secteur de l'immobilier et de la construction, et donc accélérer l'activité économique. Nombre de locataires de ce type d'immeubles sont toutefois issus de milieux modestes. La réforme risque donc de provoquer une véritable crise sociale si elle ne prévoit pas de mesures d'accompagnement des familles défavorisées qui se retrouveront à la rue, sans pouvoir louer ni acheter de nouveaux appartements. Le député Robert Ghanem insiste donc sur le fait que la réforme devrait respecter « les critères de justice et d'équité ».
Au cours de sa réunion hier, la commission parlementaire de l'Administration et de la Justice a évoqué, entre autres, les moyens de corriger « l'erreur » qui s'est glissée dans l'article stipulant la hausse des loyers de la loi 63, parue dans le Journal officiel le 8 janvier 2009. Une bévue législative qui a créé une...
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