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Actualités - OPINION

Magistrature paralysée : pays en danger Antonio EL-HACHEM

Dans un État de droit, personne ne peut se faire justice à lui-même. Les juges y occupent une place prépondérante et constituent le maillon essentiel – et quelquefois ultime – de la chaîne sociale et humaine. Ce sont les juges, en effet, qui sont appelés à intervenir lorsque les mécanismes familiaux, associatifs ou corporatifs permettant de résoudre les conflits en dehors des prétoires ne parviennent plus à jouer leur rôle. Ce sont eux qui sont sollicités quand un couple bat de l’aile, quand une entreprise connaît des difficultés ou lorsque des responsabilités sont mises en cause. Surtout, c’est à eux que l’on a recours pour garantir la liberté individuelle, l’intégrité et la dignité des personnes et le respect de la propriété. La Constitution libanaise a prévu dès l’origine l’existence d’un « pouvoir judiciaire ». Or, pour qu’il puisse exercer pleinement la fonction qui est la sienne, ce pouvoir doit être servi par des hommes et des femmes compétents, intègres, impartiaux et honnêtes. Il doit être imperméable aux tiraillements politiques et confessionnels. Il doit pouvoir se régénérer continuellement et ne pas se trouver paralysé à l’approche de chaque élection ou de chaque échéance politique. Cela n’est hélas pas le cas depuis quelques années, de sorte que le pouvoir judiciaire se trouve aujourd’hui dans la situation du cygne décrit par Mallarmé dans son poème, prisonnier des glaces, les ailes prises dans des eaux gelées dont il ne peut se libérer qu’en se mutilant lui-même. Certes, le Liban a traversé au cours des dernières années des périodes difficiles. La présidence de la République a connu plusieurs mois de vacances et certains gouvernements ont vu leur action entravée ou partiellement bloquée. Et, si les ressorts de la Constitution libanaise, l’inventivité et l’ingéniosité des Libanais ont permis aux institutions étatiques de continuer à fonctionner tant bien que mal, le pouvoir judiciaire, quant à lui, reste aujourd’hui partiellement paralysé, victime d’un blocage inextricable. Or, il est grand temps de tirer le signal d’alarme. Si aucune initiative n’est prise pour débloquer cette situation dans les prochains jours, si le pouvoir judiciaire reste entravé dans son fonctionnement, le risque est grand de voir les Libanais de l’intérieur et de l’extérieur et les étrangers amis du Liban perdre de plus en plus confiance dans l’avenir du pays. Un pays où le pouvoir judiciaire ne fonctionne pas convenablement ne peut prétendre être un État de droit. Il est donc impératif que tous les Libanais sans distinction prennent conscience du danger que représente pour leur pays leurs institutions démocratiques et leur bien-être, l’état actuel de la magistrature et qu’ils réagissent tous sans hésitation et d’une seule voix afin de faire pression sur les autorités en place pour que soit débloquée la situation actuelle et que soit rétablie l’autorité du pouvoir judiciaire. Les avocats, en tant que principaux auxiliaires de la justice, sont certes en première ligne. Ils sont invités à montrer la voie et à être le fer de lance de ce mouvement citoyen. C’est la raison pour laquelle ils prennent aujourd’hui les devants, non pour paralyser les institutions qui fonctionnent encore, tant bien que mal, mais surtout pour tirer avec force un signal d’alarme et inviter tous les responsables à intervenir le plus rapidement possible afin de remettre la magistrature sur les rails et de sortir le pays de l’ornière dans laquelle il risque de s’enfoncer si la situation actuelle devait, par malheur, perdurer. Antonio EL-HACHEM Avocat au barreau de Beyrouth Ancien membre du conseil de l’ordre Article paru le mardi 16 décembre 2008
Dans un État de droit, personne ne peut se faire justice à lui-même. Les juges y occupent une place prépondérante et constituent le maillon essentiel – et quelquefois ultime – de la chaîne sociale et humaine. Ce sont les juges, en effet, qui sont appelés à intervenir lorsque les mécanismes familiaux, associatifs ou corporatifs permettant de résoudre les conflits en dehors...