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Actualités - CHRONOLOGIE

Social Crise économique et volontariat ne font pas bon ménage à la CRL Suzanne BAAKLINI

Le volontariat est-il en baisse au Liban et pour quelles raisons ? Une enquête auprès de la Croix-Rouge libanaise, qui a l’un des départements de volontaires les plus impressionnants du pays, montre que le volontariat se porte toujours bien, mais que la crise économique pèse lourd sur la durée de l’engagement bénévole. De nombreuses associations souffrent aujourd’hui d’un manque de volontaires. Les gens n’ont-ils plus le temps ? Est-ce que c’est l’envie qui leur manque ? L’enthousiasme des jeunes est intact, assure la présidente du département des secouristes à la CRL, Rosy Boulos. « Nous n’avons pas de problème au niveau du recrutement, malgré une légère diminution, dit-elle. Dans nos 43 centres, nous avons actuellement une moyenne de 100 à 150 recrutements par an par centre, dont il reste de 35 à 40 après l’entraînement, mais c’est amplement suffisant. » Mme Boulos rappelle que les critères de recrutement sont très stricts à la CRL : les candidats doivent s’abstenir de toute appartenance ou affiliation à un parti politique tant qu’ils sont au service de la Croix-Rouge. Ils doivent évidemment avoir un casier judiciaire vierge, puis subir une formation de huit mois à un an pour devenir des secouristes à part entière. Au cours de ces sessions, les futurs secouristes prennent des cours, suivent des stages, participent à des camps, subissent des examens… « Nous ne formons pas seulement les secouristes, mais aussi les ambulanciers, poursuit Mme Boulos. Ceux-ci doivent avoir leur permis de conduire depuis un an au moins, et ils sont formés durant une année. » Une fois secouristes, les jeunes doivent assurer des permanences qui peuvent être contraignantes. « Au bas mot, ils doivent être présents une nuit par semaine, de 18h à 6h, ainsi qu’un week-end et assurer une permanence à des postes de secours quand il y a de grands événements comme des concerts, des matchs, poursuit-elle. Cela fait 20 à 30 heures par semaine. La discipline est très stricte, nous traitons les secouristes comme s’ils étaient des employés. Ils ont aussi un recyclage chaque année. » Des formations d’une grande exigence qui font des secouristes de la CRL ce qu’ils sont aujourd’hui. Or, c’est justement à partir du moment où ils sont si bien entraînés que le problème commence. « La crise économique ne pèse pas au niveau du recrutement, mais quand ces secouristes deviennent formés et expérimentés, constate Mme Boulos. En effet, c’est la durée de l’engagement des secouristes qui s’est raccourcie, étant actuellement d’une moyenne de deux à trois ans. La crise économique est à blâmer, parce que beaucoup se trouvent dans l’obligation de travailler pour subvenir à leurs besoins ou payer leurs études. Beaucoup d’autres émigrent. Ils nous quittent désolés, mais ils sont obligés de le faire. » Jour et nuit, pas les mêmes conditions Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les équipes de jour souffrent des problèmes de volontariat plus que celles de nuit. « Les équipes de secours de jour sont au nombre de 35, sur tout le Liban, explique Mme Boulos. Elles arrivent à répondre à environ 60 % des appels au 140, alors que les équipes de nuit répondent à 90 % des appels. La raison est simple : la plupart de ces secouristes sont jeunes, ils ont entre 18 et 40 ans, et travaillent le jour. Le travail dans le cadre des équipes de jour doit être considéré comme une carrière. Or jusqu’à présent, nous ne payons que ce qu’on appelle un perdiem, c’est-à-dire des frais de transports et de nourriture, qui se limitent à 240 000 livres par mois. À ce rythme, ils ne peuvent se consacrer à nous. De plus, ils se fatiguent beaucoup parce que dans un grand nombre d’immeubles, il n’y a pas d’ascenseurs, et ils doivent transporter les malades sur les escaliers. Or ils n’ont pas d’assurance maladie. » Mme Boulos estime que pour pouvoir garder les secouristes de jour, il faudrait prévoir un salaire. « Nous ne pouvons pas le faire actuellement, explique-t-elle. Le gouvernement, qui nous mandate pour prendre en charge les soins préhospitaliers, nous réserve un budget de 2,165 milliards de livres, ce qui n’est pas suffisant. Les pays donateurs, qui nous aident pour les équipements et dans d’autres domaines, ne comprennent pas qu’on leur demande de payer des salaires. » L’admiration du monde entier Le seul point faible dans ce département de volontaires de la CRL reste la gestion des ressources humaines, reconnaît Mme Boulos. « Nous avons mis au point une stratégie pour les cinq ans à venir, explique-t-elle. Nous allons travailler spécialement sur la gestion humaine et tendre vers une très haute technicité. Nous avons déjà créé une école pour la formation. » La CRL pense-t-elle changer de politique et rémunérer les secouristes ? « Il n’est pas question de payer les équipes de nuit, dit-elle. Mais si nous ne trouvons pas de financement pour les équipes de jour, celles-ci vont disparaître. Actuellement, plusieurs de ces équipes sont payées par les comités locaux. » Elle précise qu’une équipe de jour a besoin d’un budget d’environ 30 000 dollars par an. « Pour l’instant, sur une moyenne de 156 appels par jour, ces équipes arrivent à répondre à 92 environ, ajoute-t-elle. Il faut se souvenir que nos services sont complètement gratuits. Or les gens nous traitent comme des salariés et nous critiquent beaucoup quand nous ne pouvons répondre à l’appel ou quand nous tardons. » La présidente du département estime aussi qu’il est très important d’assurer un certain confort à ces secouristes dans leurs centres. « Nous avons commencé à travailler sur ce point, affirme-t-elle. De plus, ces secouristes forcent l’admiration du monde. Ils ont beaucoup attiré les regards vers eux depuis la guerre de 2006. Nous recevons un grand nombre de dons et nous avons pu rénover une grande partie des équipements. Nous avons actuellement pour but de renouveler toutes les ambulances de 7 à 10 ans d’âge. Nous sommes aussi en train d’uniformiser les standards. » En gros, dans sa nouvelle stratégie, l’objectif numéro un du département sera d’assurer une rémunération aux équipes de jour, dans le but de répondre à la totalité des appels. L’école de formation, qui existe déjà, devra être développée. Selon Mme Boulos, un des grands objectifs de la CRL est de faire parvenir ses équipes sur le terrain à un niveau paramédical. La présidente du département souligne que l’enthousiasme des volontaires est ce qui l’a « réconciliée avec le pays ». Elle rend hommage au directeur des secouristes, Georges Kettaneh, un homme « exceptionnel », selon elle.
Le volontariat est-il en baisse au Liban et pour quelles raisons ? Une enquête auprès de la Croix-Rouge libanaise, qui a l’un des départements de volontaires les plus impressionnants du pays, montre que le volontariat se porte toujours bien, mais que la crise économique pèse lourd sur la durée de l’engagement bénévole.
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