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Actualités - CHRONOLOGIE

À la rencontre de « Séraphine »

Tandis que Martin Provost et Marc Abdelnour présentaient en primeur au Liban leur Séraphine au Festival du cinéma européen, le musée Maillol à Paris expose, jusqu’au 5 janvier, 17 œuvres de cette femme de ménage et peintre illuminée. Le musée, qui possédait au préalable 8 œuvres, a décidé de présenter l’univers fantasmagorique de cette artiste habitée. D’où vient ce soudain engouement pour cette femme talentueuse qui avait sombré dans la folie et dans l’oubli ? En partie, grâce au réalisateur français Martin Provost qui, avec son ami et scénariste Marc Abdelnour, décide un jour d’aller à la rencontre de cette artiste oubliée. À l’occasion du Festival du cinéma européen, nous avons rencontré ce Provost et Abdelnour qui se sont gentiment soumis à nos questions. « Grâce à une amie qui tenait à me faire connaître ce personnage, je me suis mis à faire des recherches, dit Martin Provost. D’abord, je ne trouvais presque rien sur le Net, ensuite quelques biographies écrites m’ont mis sur la piste et peu à peu je découvrais la richesse et le potentiel cinématographique que Séraphine de Senlis pouvait m’offrir. » Enfant d’une fille de ferme, Séraphine est placée très jeune comme bonne dans un couvent de Senlis, puis chez une famille bourgeoise. À ses rares moments de liberté, elle se promène dans la nature, plonge ses mains dans l’eau glacée des rivières, à la tombée de la nuit, ou grimpe aux arbres. Un jour, à 42 ans, Séraphine, dont la foi chrétienne tourne au mysticisme, entend une voix qui lui « commande » de peindre. Autodidacte, elle fait elle-même les couleurs dont elle garde le secret. Elle disait : « Mon geste vient d’en haut. » « C’est une artiste habitée par la Vierge, par la nature, les arbres, les fleurs. Elle n’a pas d’influence, c’est une œuvre unique en soi », explique Olivier Lorquin, directeur du musée et commissaire de l’exposition avec son frère Bertrand Lorquin. Ses premières toiles (des natures mortes de petit format) tombent par hasard dans les mains du collectionneur allemand Wilhelm Uhde, ami de Braque et de Picasso, chez qui elle fait le ménage. Surpris par l’intensité qui s’en dégage, il y voit l’expression du « primitivisme moderne » et l’encourage à peindre. C’est d’ailleurs ce mécène qui, en premier, suggérait l’appellation « primitif moderne » à celle de « naïf ». « L’objectif de ce film était d’atteindre une certaine vérité du personnage, de ce qu’elle a vécu, confie Abdelnour. Il fallait parler de peu d’événements en mettant l’accent sur l’essentiel, tout en évitant les clichés des biographies filmées et, par ailleurs, inventer certains dialogues pour créer l’étoffe du long-métrage. » Provost enchaîne : « Le clair-obscur dans la parole, les silences et l’économie dans l’action étaient volontaires. D’abord pour recréer l’atmosphère du siècle, ensuite pour laisser libre cours aux spectateurs de deviner et d’imaginer. Il fallait surtout axer sur la relation entre cet homme (le mécène) et cette femme de ménage artiste tout en essayant de représenter la dureté de la vie de l’époque. Peu importait d’illustrer son enfance. C’était la période de création et les questions qu’elle soulevait qui nous interpellaient », conclut le réalisateur. Marc Abdenour (passé du milieu des finances à celui du septième art) signe sa troisième collaboration avec le réalisateur Martin Provost (Le ventre de Juliette). Il avoue qu’il ne s’agit pas là de « travail à quatre mains, mais d’un renvoi de balles. Nous commençons par faire des recherches en amont ensemble, nous établissons un cahier des charges et puis, par la suite, chacun travaille seul et renvoie la balle à l’autre. » Séraphine est donc l’expression cinématographique de trois rencontres importantes effectuées à plusieurs niveaux. D’abord celle d’un réalisateur avec un scénariste sur le choix de l’écriture, ensuite, celle des deux écrivains avec une sublime actrice, Yolande Moreau, qui s’est investie complètement dans le rôle et, enfin, celle de ces trois artistes issus du septième art avec une simple femme, mais néanmoins une grande peintre qui aurait pu rester dans l’oubli. La vie et l’œuvre de Séraphine revisitées sur grand écran ne sont donc pour le tandem Provost-Abdelnour qu’un processus qui s’inscrit naturellement dans le questionnement continu sur la naissance et la survie d’une création artistique.
Tandis que Martin Provost et Marc Abdelnour présentaient en primeur au Liban leur Séraphine au Festival du cinéma européen, le musée Maillol à Paris expose, jusqu’au 5 janvier, 17 œuvres de cette femme de ménage et peintre illuminée.
Le musée, qui possédait au préalable 8 œuvres, a décidé de présenter l’univers fantasmagorique de cette artiste habitée. D’où...