Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Justice Tribunal spécial : un an au moins pour préparer les actes d’accusation Jeanine JALKH

Nous en avons déjà la confirmation : le rapport soumis hier par le chef de la commission d’enquête internationale pour l’assassinat de Rafic Hariri au secrétaire général de l’ONU sera le dernier, quel que soit l’état d’avancement de l’investigation, dont on espère qu’elle est déjà en nette progression. C’est officiel : le tribunal spécial pour le Liban entamera ses travaux au début du mois de mars prochain. Cela suppose donc que la commission d’enquête internationale, présidée par Daniel Bellemare, mette fin à ces activités au Liban, et envoie d’ici là son dossier au tribunal qui prendra la relève. Mais, comme l’a clairement signifié dimanche Ban Ki-moon à partir de Doha où il se trouvait, « la cessation du travail de la commission internationale ne signifie pas pour autant la fin de l’enquête ». En effet c’est au bureau du procureur général du tribunal qu’incombera, à partir de mars prochain, la poursuite de l’enquête, mais cette fois-ci, selon la procédure prévue du tribunal. Que ce passera-t-il donc après la discussion par le Conseil de sécurité du dernier rapport d’étape produit par le chef des enquêteurs, qui devra prendre ses fonctions de procureur général également au début du mois de mars ? Et comment se fera, en quelques mois, la transition entre la commission et cette nouvelle instance internationale unique dans son genre ? Autant de questions auxquelles des sources diplomatiques new-yorkaises ont répondu en vue notamment de mettre un terme définitif – elles l’espèrent du moins – à certaines « rumeurs » qui circulent et aux nombreuses élucubrations dont la presse s’est fait l’écho dernièrement. « Aussi bien sur le plan procédural, de pure forme que sur le plan du fond – dont on connaîtra probablement peu de choses même après le début des travaux de la Cour – les préjugés sont multiples et les erreurs de compréhension légion », affirme une des sources précitées. Celle-ci fait allusion notamment à la pléthore d’articles diffusés dans les médias libanais et arabes sur ce dossier, faisant état de scénarios farfelus qui ont achevé de semer la confusion et le doute au sein de l’opinion publique. « Cette attitude va à l’encontre de la philosophie de Daniel Bellemare qui aspire à l’ouverture et à des relations claires, nettes et précises avec les médias et l’opinion publique en général, sans pour autant y sacrifier le principe sacro-saint de la confidentialité du dossier et de la sécurité des témoins et des personnes tierces concernées », insiste la source. Celle-ci indique clairement d’ailleurs qu’une fois au poste de procureur général, M. Bellemare devra jongler habilement entre la nécessité de la confidentialité et le respect de l’opinion publique et du droit à l’information. C’est la raison qui aurait d’ailleurs poussé ces sources à s’exprimer, espérant mettre au clair certains détails techniques relatifs au tribunal et à ses bureaux, ainsi que sur la progression de ce dossier et son avenir proche. Mais en attendant le démarrage effectif des activités de cette instance, c’est sur la commission – dont le mandat vient d’être prorogé de deux mois seulement – que les yeux sont actuellement braqués. « La prorogation a eu lieu pour des raisons purement logistiques et administratives. Elle servira également à permettre à l’équipe de la commission d’enquête d’assurer le transfert de l’ensemble du dossier à La Haye où siégera la cour », précise l’une des sources. Il convient également de noter que certains des membres de la commission – qui poursuivront probablement leurs tâches au sein du bureau du procureur – devront être eux-mêmes transférés aux Pays-Bas pour rejoindre leur nouvelle affectation, qu’ils auraient acquise à la présentation de leur candidature. La source en question estime que M. Bellemare ne voudra en aucun cas renoncer à certains membres-clés de la commission qui connaissent à fond le dossier et qui ont déjà fait leurs preuves en la matière. « C’est une manière de préserver la mémoire institutionnelle et de donner la préférence à ceux qui ont démontré leurs compétences et qui sont déjà familiers avec le processus d’investigation plutôt qu’aux nouveaux venus », relève une des sources. Indéniablement, le bureau du procureur général ne pourra maintenir l’ensemble du personnel de la commission, soit près de 200 personnes en tout. De même qu’il devra compter sur d’autres expertises notamment médico-légales pour le seconder dans son enquête. Mais le staff de la cour devra passer par la procédure de présentation des candidatures, déjà prévue et officiellement annoncée sur le site Internet du tribunal. Ainsi, et à partir de la date où Daniel Bellemare prendra ses fonctions, les regards se tourneront inéluctablement vers le procureur, qui devra alors présider l’un des bureaux « les plus importants du tribunal ». « Contrairement à d’autres instances internationales, le statut du tribunal spécial pour le Liban a donné une importance toute particulière au bureau du procureur général, dont les prérogatives sont extrêmement importantes pour ce qui est de la responsabilité de recueillir les preuves et les indices, de les vérifier et d’avancer des arguments irréfutables pour convaincre le juge de mise en état. Car c’est ce dernier qui devra accepter ou réfuter l’acte d’accusation qui lui sera soumis par M. Bellemare », précise une des sources. Cela pour dire que ce dernier aura intérêt à soumettre un dossier solide et complet avant de s’aventurer sur un terrain où « ont été placés de nombreux garde-fous », rassure la source. Il incombera ainsi au procureur général de mener les interrogatoires, de vérifier les preuves pour pouvoir établir l’acte d’accusation. « De ce fait, il faudra en principe un an au procureur pour préparer son dossier avec les arguments nécessaires qui serviront à baliser le terrain au juge de mise en état, qui émettra à son tour les mandats d’arrêt contre les éventuels suspects. À moins que ce dernier ne renvoie le dossier au procureur pour manque de preuves », explique un juriste international. « Cette procédure a été prévue de manière à garantir une plus grande prudence et une certaine rigueur dans l’avancement des preuves », insiste le juriste, qui rappelle d’ailleurs que la présentation des preuves seront soumises à des « règles d’admissibilité » qui seront définies ultérieurement par le tribunal. De fait, si les Libanais et bien d’autres parties sont avides de voir se concrétiser cette instance et ses résultats, il est indéniable que la procédure judiciaire devra prendre son cours et que les auteurs de l’assassinat de Rafic Hariri ne seront pas dévoilés du jour au lendemain. Il est tout aussi vrai que le tribunal international n’examinera les autres attentats terroristes, survenus entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005, qu’une fois établi « le lien » avec l’attentat qui a visé l’ancien Premier ministre et ses compagnons et à la condition qu’ils soient « de nature et de gravité similaires ». « Le lien peut être, et sans s’y limiter, une combinaison des éléments suivants : l’intention criminelle (le mobile), le but recherché, la qualité des personnes visées, le mode opératoire et les auteurs », précise une note d’information fournie par les bureaux des Nations unies. Bien entendu, les crimes survenus après la date du 12 décembre 2005 (date de l’assassinat de Gebran Tuéni) « peuvent également relever de la compétence du tribunal en application des mêmes critères si le gouvernement et l’ONU en décident ainsi avec l’assentiment du Conseil de sécurité », ajoute le document. Toutes les sources s’accordent toutefois sur un point : il ne faudra pas brûler les étapes. « Le travail du tribunal ira lentement mais sûrement, dans le respect des procédures et des règles internationales. Cela dit, aucun retard injustifié ne sera admis. » Et ces sources de rappeler que la présence d’une majorité de juges internationaux, d’un procureur international et d’un greffier, « vise à assurer l’indépendance, l’objectivité et l’impartialité du procès. Pour des considérations d’équité à l’égard de l’accusé, le statut comprend des dispositions sur la protection des droits de ce dernier, notamment la création d’un bureau de défense qui s’acquittera de ses fonctions en toute indépendance ». Certes, il reste à joindre l’action à la parole, et au tribunal de faire ses preuves.
Nous en avons déjà la confirmation : le rapport soumis hier par le chef de la commission d’enquête internationale pour l’assassinat de Rafic Hariri au secrétaire général de l’ONU sera le dernier, quel que soit l’état d’avancement de l’investigation, dont on espère qu’elle est déjà en nette progression.
C’est officiel : le tribunal spécial pour le Liban...