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Actualités - CHRONOLOGIE

Un peu plus de... Heureux hasards De Médéa Azouri HABIB

Je me suis longtemps dit qu’avoir une télé dans sa chambre était un sacrilège. Une hérésie vis-à-vis de la lecture, du calme et du sommeil. Fan absolue (et non feinte) de ce trompe-l’œil extraordinaire, j’ai été bluffée à mon tour par les bienfaits de sa présence en face de mon lit. Parce que voilà. Si la télé offre très souvent à nos pupilles de merveilleux moments, elle surprend parfois car elle nous emmène, au détour d’un zapping, dans un autre temps. Deux heures du matin, insomnie. Le ciel est torturé, agité et les éclairs fusent. Impossible de fermer l’œil. La petite lucarne est éteinte. Je me décide enfin à l’allumer. Et là, la voix de Luz Casal remplit la pièce. « Piensa en mi cuando sufras, Cuando llores, tambien piensa en mi » et Victoria Abril se met à pleurer au fin fond de sa cellule. Talons aiguilles de Pedro Almodovar. Quel bonheur. Pas seulement parce que ce sont des souvenirs qui remontent à la surface et qu’on repart 17 ans en arrière, mais tout simplement parce que « tomber » sur quelque chose de bien à une heure indue est une chose rare… On attrape un extrait, une scène, un visage. On reconnaît le film et on y reste. Il y a comme ça d’heureux hasards cathodiques. Une émission de Taddéi sur la folie, un vieil épisode de Sex and the City, un clip de Jean-Jacques Goldman qui font de ces nuits sans sommeil une bien belle parenthèse. C’est ça la magie de la télévision. C’est découvrir un chanteur, apprendre un truc, voir un film qu’on n’aurait jamais pensé voir. Une surprise quoi. Un antidote au moment où on en a besoin. Ça n’a rien à voir avec le choix. Choisir un film dans sa dévédéthèque, le louer, décider du soir où on va le regarder, le mettre dans son lecteur, faire pause pour manger sont une succession d’actes qui ne procurent pas le même plaisir que « tomber par hasard sur ». La coïncidence apporte ce je ne sais quoi de plus qui change tout. Comme il y a des hasards cathodiques, il y a également d’exquis hasards musicaux. Coincé dans un embouteillage, on râle, on peste contre ces énièmes travaux dans cette rue déjà bondée naturellement, on zappe d’une fréquence à l’autre, quand soudain, la voilà ! La voilà cette chanson qu’on aime tant, celle qu’on n’a pas et qu’on connaît pourtant par cœur. « Vis ta vie (…) mais je cacherai les larmes de mes yeux, je garderai le meilleur de nous deux (…) j’emporterai la douce folie de nos jeux d’enfants, une photo de toi que j’aimais tant… » À tue-tête, les vitres fermées, le cœur qui part en vrille, la chair de poule sur les bras… Un instant féerique. Il y a des chansons comme ça, sur lesquelles on aime bien tomber par hasard et qu’on n’a jamais cherché à se procurer. Parce qu’il y a des morceaux qui perdent leur capacité à rendre heureux une fois acquis et à notre entière disposition. Une fois sous la main, écoutée en boucle du matin au soir, cette chanson perd de sa magie, de son charme pour finir perdue dans une playlist de iTunes, quelque part entre les comptines pour enfants et les chants de Noël. Il faut être très fort pour ne pas se laisser tenter par le « repeat » à foison quand on tombe amoureux d’un morceau ; il faut être très fort pour pouvoir résister à cette douce tentation d’overdose. Car une fois l’écœurement atteint, c’en est fini de Jeane Manson… On a pourtant cherché pendant des jours (et des lunes) cet air qu’on aimait tant, ce refrain qui nous rappelle tellement de souvenirs. Sur les sites de P2P, chez les disquaires, dans les boîtes en carton où s’entassent les vieux vinyles de nos parents, sur des compilations d’origine allemande… Ce truc qu’on écoutait partout et dont on ne connaissait pas le titre : on l’a fredonné façon « yaourt song » à nos amis, on s’est ridiculisé, on a farfouillé partout… que nenni. Et un jour, on l’a dégoté, ce morceau tant désiré. La joie, le bonheur, l’ivresse. Casablanca de Jessica Jay enfin à notre entière disposition. Mais ce n’était plus la même chose. La magie n’opère plus. Finie l’excitation du hasard qui fait souvent si bien les choses. Il n’y a finalement pas de coïncidence…
Je me suis longtemps dit qu’avoir une télé dans sa chambre était un sacrilège. Une hérésie vis-à-vis de la lecture, du calme et du sommeil. Fan absolue (et non feinte) de ce trompe-l’œil extraordinaire, j’ai été bluffée à mon tour par les bienfaits de sa présence en face de mon lit. Parce que voilà. Si la télé offre très souvent à nos pupilles de merveilleux...