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Actualités - CHRONOLOGIE

Dessins Le talent ne meurt jamais!

Zéna ZALZAL La galerie 6 réveille le souvenir de Fadi Barrage à travers l’exposition d’une soixantaine de ses dessins. Il ne s’agit pas du fonds d’atelier de Fadi Barrage, mais de dessins, réalisés entre 1974 et 1975, que la galeriste a glanés au cours de longues années de recherches chez des marchands d’art, essentiellement à Paris et à Londres, pour rendre hommage à ce peintre de talent, prématurément décédé, qu’était Fadi Barrage. C’est d’ailleurs dans l’optique de la (re)découverte des œuvres de grands artistes que « j’aime», dit tout simplement Nicole Vincenti, que cette amatrice d’art éclairée a ouvert la galerie 6 il y a quelques mois. Elle avait inauguré son espace par les dessins d’un autre virtuose du pinceau au destin tragique : Farid Aouad. Né en 1940 dans une famille de la bourgeoisie beyrouthine sunnite, Fadi Barrage s’envole à la première occasion hors du contraignant cocon sociétal du Beyrouth d’avant-guerre. Il part loin, aux États-Unis, à Chicago plus précisément, pour étudier le grec classique. En 1964, il s’installe à Paris, passage incontournable pour les artistes libanais. Il y restera quatre ans, avant de rentrer au pays où il fera ses deux premières expositions en 1968 puis en 1971 dans les locaux du journal… L’Orient. En 1975, la guerre dévasta son atelier à Bab-Edriss : plus de 1 500 toiles y furent pillées. Le début des années grises s’annonçait, avec les différentes étapes de l’exil d’Alexandrie, Istanbul, Grèce, Chypre et…la maladie. Il meurt en 1988 à Beyrouth, laissant une œuvre – dessins et huiles – très personnelle. Au propos à la fois intime et distancié. Les dessins de Fadi Barrage sont éloquemment révélateurs de sa vie – en l’occurrence cette tranche de deux ans de son parcours – et de sa personnalité. On y perçoit un monde de garçons, d’échappées folles, de recherche hédoniste paradoxalement nimbée de tristesse profonde, mais aussi un refus de la peinture de complaisance esthétique, une vigueur dans le tracé et les hachures qui signe picturalement sa rébellion intérieure. Des regards et des mains Soixante-deux lavis et encre de Chine, ou aquarelle et gouache. Quelques figurations abstraites, à l’aquarelle et gouache, entre formes organiques et évocations nébuleuses d’ossements, de fœtus, de symboles phalliques…Et beaucoup de portraits. D’hommes. De tous les âges. De belles têtes de jeune garçon au visage de trois quarts ou de jeune barbu au regard intense, de vieillard aux mains noueuses, d’éphèbe grec, ou encore d’homme d’âge mur, bedonnant et moustachu…Et dans cet univers à prédominance masculine, la femme fait de brèves incursions. En consolatrice maternante dans ce qui ressemble à un autoportrait couché sur un lit et bordé par une tendre silhouette féminine ou alors, dans un registre absolument opposé, en vieille édentée au regard habité d’abîmes… Traité en hachures, en clair-obscur, le dessin de Fadi Barrage – où l’on retrouve les influences conjuguées de Klee et de Rembrandt – est net et intense. Comme les regards si éloquents, si diserts des personnages qu’il représente. Comme ces mains, à la présence si forte – souvent surdimensionnées –, que l’artiste leur consacre parfois l’intégralité de l’espace toile. Des mains noueuses, nervurées, ardentes, qui disent souvent mieux que l’expression d’un visage les rugosités et les chaos d’une vie. Ceux du modèle, bien sûr, mais aussi, par transfert, ceux de l’artiste qui sait si bien capter le silencieux et sincère langage du corps. Intense et émouvant, le dessin de Fadi Barrage est habité d’une mélancolie intrinsèque. Même dans les scènes ensoleillées de la période grecque. Un spleen qui ressort aussi de la couleur, qui enrobe en légèreté, comme furtivement, les fines ramifications de son tracé et qui navigue entre les divers tons passés : de l’ocre à la terre de Sienne. Comme les tonalités sourdes d’un destin prématurément ravagé. * Galerie 6, Achrafieh, rue Albert Naccache, imm. Ingea. Horaires d’ouverture : du mardi au vendredi, de 11h00 à 18h00, et le samedi, de 11h00 à 14h00. Tél. : 01/202281 ou 03/289644.
Zéna ZALZAL


La galerie 6 réveille le souvenir de Fadi Barrage à travers l’exposition d’une soixantaine de ses dessins.
Il ne s’agit pas du fonds d’atelier de Fadi Barrage, mais de dessins, réalisés entre 1974 et 1975, que la galeriste a glanés au cours de longues années de recherches chez des marchands d’art, essentiellement à Paris et à Londres, pour rendre...