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Actualités - CHRONOLOGIE

Rencontre Emmanuelle Bayamack-Tam, une plume de feu… Zéna ZALZAL

«Ses personnages, dit-elle, sont souvent des prophètes délirants, animés du sentiment d’avoir un message à délivrer.» Charonne, l’héroïne obèse, drôle et insolente du dernier roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam, « Une fille du feu » (P.O.L)*, ne déroge pas à la règle. Elle en est même l’incarnation la plus aboutie. «Chère opinion mondiale, je voudrais t’informer du fait méconnu numéro un : on n’est jamais grosse sans être un peu une héroïne.» Dès les premières lignes, le ton est donné. Piquant et désopilant. Et toutes les aventures que traversera cette « fille du feu », qui relie son obésité à l’héroïsme, à la force morale, à l’humour, seront sur le même tempo. Emmanuelle Baymack-Tam est l’exacte opposée de son personnage. Autant Charonne est plantureuse, enrobée et aux origines plutôt indéchiffrables, autant sa créatrice est, elle, en dépit de son nom de plume et d’épouse aux consonances exotiques, purement française. Du moins d’allure (toute mince), de débit (rapide) et d’accent (parisien). Alors, qu’est-ce qui a poussé l’auteure à aller chercher si loin l’héroïne de son dernier roman ? Cette Charonne, qui était déjà présente dans un de ses précédents livres, « juste un peu moins grosse et un peu moins folle», signale-t-elle, et qui, avec une vitalité sans pareille, s’amuse à battre en brèche toutes les idées reçues sur la beauté, l’identité – la sexuelle aussi – et la normalité… Une inspiration – en partie – libanaise Eh bien, en partie son amitié avec une Libanaise. «Une jolie fille mince, pas du tout le portrait craché de Charonne, mais qui a en commun avec mon personnage le fait que ses origines suscitent les conjonctures, les hypothèses et les questions, et qui s’en trouve parfois exaspérée.» L’inspiration libanaise s’arrête là. Car les autres sujets qu’Emmanuelle Bayamack-Tam développe dans cette fable savoureuse sont ses chevaux de bataille à elle. À commencer par sa fascination pour l’obésité, sur laquelle elle ne porte pas un regard négatif, bien au contraire. Et puis son rejet viscéral de tous les moules dans lesquels on voudrait faire rentrer les femmes au nom de la beauté, ou encore de la tradition, car elle y aborde aussi le thème de l’excision de manière complètement farfelue, mais qui fait mouche ! « On souffre vraiment, nous les femmes, des diktats de la beauté. On se torture pour plaire et pour se conformer à ce qu’on croit être la norme et l’idéal. C’est peut-être un cliché, mais j’avais envie de dire qu’il y a énormément de formes de beauté. On peut être grosse et belle, on peut être extrêmement maigre et belle, comme il y a des gens qui aiment les cheveux crépus, les poils sous les bras ou les kilos en trop», s’insurge Emmanuelle Baymack-Tam. Qui, à travers sa Charonne, fait l’apologie de la différence. «Mes fesses sont deux chimères insaisissables toujours prêtes à bondir et à se cabrer, quand la mode vestimentaire n’accepte que les fesses calibrées et domptées d’avance», fait-elle d’ailleurs dire, avec humour, à son personnage. «J’avais aussi envie de parler des mutilations sexuelles imposées aux femmes, de les évoquer dans toute leur horreur, mais en même temps de déconnecter ces faits de tout discours religieux et culturel », poursuit l’auteure, qui a concocté à son héroïne une série d’avanies, de persécutions et de tortures, dont celle-ci se tire avec un panache renversant. Auteure engagée, Emmanuelle Bayamack-Tam ? La jeune femme affirme que chez elle, c’est plutôt l’écriture qui prime sur le message. « Sinon, j’aurais écrit des essais ou des pamphlets. » Romancière avant toute chose, « par besoin viscéral », la force de sa plume réside dans le mélange des genres, qu’elle réussit à merveille. Elle qui affirme « puiser dans sa part d’ombre pour écrire » mixe avec talent l’écriture dure, poétique, tragique et burlesque. Et cela lui donne, au final, un style d’une belle vitalité. À l’image de son héroïne, au profil différent et ravageur. À découvrir… * Emmanuelle Bayamack-Tam signera ce soir « Une fille du feu », au stand de la librairie Antoine, au BIEL, à 20h00.
«Ses personnages, dit-elle, sont souvent des prophètes délirants, animés du sentiment d’avoir un message à délivrer.» Charonne, l’héroïne obèse, drôle et insolente du dernier roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam, « Une fille du feu » (P.O.L)*, ne déroge pas à la règle. Elle en est même l’incarnation la plus aboutie.
«Chère opinion mondiale, je voudrais...