Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Spectacle Grandes guerres et petites mémoires Maya GHANDOUR HERT

La guerre, les souvenirs, la mémoire, le déni, le dialogue des cultures, la crise d’identité et l’autre sont autant de thèmes abordés dans « Tenzakar ma ten’ad », un spectacle mis en scène par Éric Deniaud. Des marionnettes face à un texte dense, très dense. Presque aussi compact et lourd qu’un nuage d’orage. Qui risque d’éclater à tout moment et de tout renverser sur son passage. Le spectacle Tenzakar ma ten’ad (Qu’on s’en souvienne, mais qu’on ne le répète pas) du collectif Kahraba repose en effet, en grande partie, sur le verbe. L’action est certes présente. Les gestes sont vifs, les acteurs sveltes, prompts à bondir d’une part à l’autre de la scène. Mais c’est la parole (française et francophone) qui prime dans ce spectacle (sous-titré quand même en arabe), mis en scène par Éric Deniaud, écrit par Perrine Griselin et joué par Hachem Adnan, Camille Brunel, Rima Maroun et Aurélien Zouki. Sans oublier, bien entendu, les pantins de taille humaine, quatorze en tout, qui viennent émailler de leurs témoignages poignants de vérité les tirades des personnages en chair et en os. Sur scène, devant un immense mur pavé de journaux, deux hommes et deux femmes en pleine crise existentielle. Ils vont et viennent, agités, effectuant des gestes de comédiens surpris en pleine répétition théâtrale et abreuvant le spectateur de discours qui ne forment pas un tout cohérent, mais qui répondent à une seule et même hantise : celle de pouvoir donner une définition au monde dans lequel ils vivent. Il y a la Française qui débarque à Beyrouth en vantant les mérites d’une vue objective, dépouillée, éloignée de la réalité. « Aussitôt que l’on prend un peu de hauteur, on se rend compte que tout est moins terrible que les deux pieds au sol. » Il y a là la deuxième fille, la Libanaise, et son obsession de la guerre : « Combien de fois avais-je entendu : “pendant la guerre…” et je ne demanderai jamais laquelle parce que de toute façon c’était toujours celle de celui qui la vivra et jamais celle de l’autre. La guerre, c’est la solitude de chacun à l’intérieur de soi. » Et le premier garçon lance : « J’ai cru pendant un temps avoir perdu ce que j’étais, mais j’ai compris que, qui que l’on soit, ce que l’on a été, nous le serons toujours… » Quant au deuxième garçon, il affirme : « Que les morts enterrent les morts et que les vivants nous reviennent nous séparer du poids du temps que nous portons, solitaire. » « La possibilité ou l’impossibilité du dialogue seront au cœur même de ce spectacle. Il y a une urgence : tenter de dialoguer coûte que coûte malgré les différences et les peurs », dit le metteur en scène, en précisant Qu’on s’en souvienne mais qu’on ne le répète pas est le résultat de deux années de collaboration avec l’auteur Perrine Griselin, invitée par le collectif Kahraba au Liban. « Une écriture qui persiste à tisser un fil de questions communes de part et d’autre de la Méditerranée, puisque cette pièce sera présentée, après Beyrouth, à Paris. » Intelligente, sans dogmatisme ni déterminisme réducteur, la pièce prône essentiellement la vigilance humaniste et ce n’est pas rien quand on sait qu’il s’agit d’un devoir de tous les instants et d’une tâche qui ne connaît jamais de fin. Dire que Tenzakar parle de racisme ferait sans doute sursauter son auteur et pourtant la crise d’identité dont souffrent les personnages de la pièce, qu’ils soient libanais, français ou encore franco-libanais, prend justement racine dans l’incapacité de voir vraiment et donc de subvenir aux vrais besoins d’autrui, à cause des images et des préjugés que l’on projette sur lui sans regarder, sans l’écouter. Puisqu’on a trop peur de le rencontrer vraiment, on lui invente une identité et on la lui impose. Parce qu’il peut nuire à notre propre bien-être, à notre amour-propre. « La marionnette possède une force particulière : celle de nous donner la possibilité d’ouvrir nos oreilles et peut-être nos cœurs, un peu différemment, parce qu’elle nous force à la naïveté », ajoute Deniaud. « Leur taille humaine impose aux acteurs de jouer avec elles au même titre qu’avec de vrais partenaires de jeu. Elles prendront part, à leur manière, à l’exercice du dialogue. » Pour se sentir bien au sein d’un groupe et y être membre actif, il faut que l’on soit reconnu et apprécié pour ce que l’on est. Cela permet l’évolution et donc la survie de l’être humain et du groupe dont il fait partie. *Ce soir et demain, dimanche 12 octobre, puis du 16 au 19 octobre à 20h30, au théâtre Tournesol. Tél. : 70/208005.
La guerre, les souvenirs, la mémoire, le déni, le dialogue des cultures, la crise d’identité et l’autre sont autant de thèmes abordés dans « Tenzakar ma ten’ad », un spectacle mis en scène
par Éric Deniaud.
Des marionnettes face à un texte dense, très dense. Presque aussi compact et lourd qu’un nuage d’orage. Qui risque d’éclater à tout moment et de tout...