Musique Le duo de guitares Niehusmann, un baume pour l’âme… et l’ouïe*

Edgar DAVIDIAN Le couple Judith et Volker Niehusmann en concert à l’Assembly Hall (AUB). En reprenant la formule de la critique « un baume pour l’âme » qui a salué le dernier CD du duo de guitares du couple Judith et Volker Niehusmann, on place leur dernier concert, à l’Assembly Hall (AUB), dans le sillage d’un plaisir fait de calme, d’harmonie et de sérénité. Baume pour l’âme, mais aussi pour l’ouïe pour cette évasion faite d’un charmant voyage sonore, paisible et harmonieux… Petit public pour les deux guitaristes, lauréats de plusieurs prix dont le Prix de la culture de la ville d’Essen, qui ont offert à l’auditoire de mélomanes venus les applaudir des pages de Fernando Carulli, Padre Antonio Soler, Volker Niehusmann, Ida Presti et Fernando Sor. Menu éclectique donnant la priorité aux accents d’un lyrisme tendre et délicat à la fois où, par-delà les rythmes d’une prosodie à cheval entre le XVIIIe et le XIXe siècle, se sont élevées de soyeuses mélodies d’une musique bien contemporaine… Ouverture avec la rêveuse Sérénade de l’Italien Fernando Carulli avec ses trois mouvements (largo maestoso, larghetto sostenuto et finale) se déployant en un luisant ruban de notes claires et douces. Prennent le relais, quatre Sonates (en la mineur, en ré mineur, en ré majeur, en mi mineur) de l’Espagnol Padre Antonio Soler, familier du monastère royal de l’Escurial et élève de Scarlatti. Sans être une musique de style galant, ces narrations sont empreintes d’un esprit ibérique ensoleillé et populaire dans la mesure d’une expression sans emphase, des airs faciles à retenir et fredonner et proches des cœurs simples. De la peinture à la musique, de la palette à la partition, des couleurs aux sons, de l’impressionnisme pictural aux frémissements des cordes d’une guitare, c’est ce que propose Volker Niehusmann…. En regardant des toiles de Paul Gauguin, l’artiste a composé trois pièces (Suite n °3 Noa –Noa- Divertissement, le marché et paysage paradisiaque) respirant une atmosphère absolument « tahitienne ». L’atmosphère d’une île où liberté, paysage verdoyant, mer en camaïeu bleu, jeu d’enfant, chute d’eau, paon faisant la roue et femmes assises sur un banc dans un marché regorgeant de fruits frais ont de délicieuses correspondances dans le déploiement d’une myriade de notes venues d’un monde enchanteur et paisible… Ida Presti, génie de la guitare à treize ans, qui a ébloui Andres Segovia par son art d’interprète, eut de son vivant comme complice de scène Alexandre Lagoya. On l’écoute ici dans deux opus (Prélude et Danse Davila) brillants et d’une narration toute en subtiles nuances, où la guitare a quand même des accents plus qu’attachants. Pour conclure, la Fantaisie espagnole op 54 (andante allegro et allegro dans le genre espagnol) du virtuose de la guitare en son temps Fernando Sor. Joyeuse farandole de notes vives, colorées, d’une tonique fraîcheur avec des accords parfois pimpants et d’une vigueur aérienne. Salve d’applaudissements pour saluer la prestation tout en netteté de notes, en harmonie et heureuse synchronisation des deux interprètes. Pour le bis demandé par l’auditoire, un peu d’humour et de savoir-faire presque démonstratif…De John Dowland, enseignant l’art de pincer les cordes d’une guitare à son fils Robert, un morceau à quatre mains. Le couple Niehusmann assis sur une même chaise, Volker à l’arrière de Judith qui tient la guitare… Manipulation pleine d’adroites acrobaties manuelles pour un manche de guitare inopinément investi par quatre avant-bras…Par-delà l’aspect amusant de la posture, la mélodie s’échappe, étincelante, comme une fée au sillage tout en étoiles phosphorescentes…