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II.- Le jour où Moscou a retrouvé son envergure naturelle Amine ISSA

Le couple Medvedev-Poutine tient, il est vain au début de la crise, des propos bellicistes à l’égard de la Géorgie et de tous ceux qui soutiendraient le président Saakachvili. Mais très vite leurs déclarations s’édulcorèrent. Le 12 septembre, Vladimir Poutine annonçait que la Russie n’avait pas de conflit idéologique avec l’Occident et qu’elle n’avait pas d’ambitions impérialistes en Europe de l’Est (voir L’Orient-Le Jour du vendredi 26 septembre 2008) . Le même jour, le président Medvedev confirmait que la Russie continuerait sa coopération avec les États-Unis contre le terrorisme. Il est vrai que la Russie a reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie sans avoir recours aux Nations unies. Mais la demande de Serge Lavrov de faire participer ces deux États à la conférence de Genève le 15 octobre sur la sécurité dans le Caucase est une preuve du souci de Moscou de résoudre cette question selon les règles du droit international. Il y a fort à parier qu’elle ne fera rien pour faire reconnaître ces États par la communauté internationale. D’abord parce qu’elle craint que d’autres républiques qui forment avec elle la CEI n’aient des velléités d’indépendance. Elle ne veut pas d’une autre guerre de Tchétchénie, ni encourager les séparatistes du Daghestan et de l’Ingouchie. Le jour où la Douma entérinait la reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, le 26 août, elle repoussait à 2010 l’application de la loi fédérale sur l’autonomie de la Tchétchénie et de l’Ingouchie. Ensuite parce que cette reconnaissance de l’Ossétie et de l’Abkhazie a indisposé la Serbie, son meilleur allié en Europe, la Chine, son immense voisin et son plus grand associé au Conseil de sécurité, et l’Inde, un important partenaire commercial. Ces deux derniers pays souffrent eux aussi du danger séparatiste, au Xinjiang pour la Chine et au Cachemire pour l’Inde. Au Moyen-Orient, la Russie, malgré son opposition partagée par plusieurs pays occidentaux à la guerre en Irak, collabore étroitement avec les États-Unis. Sur la question du nucléaire iranien, si elle est moins radicale, elle a en définitive voté toutes les sanctions prises à l’encontre de Téhéran et elle ne s’est jamais démarquée des résolutions du groupe des Cinq plus Un. La centrale nucléaire de Buchehr, dont elle a entamé la réhabilitation en 1995, n’est à ce jour pas fonctionnelle, et ce malgré les annonces répétitives depuis plusieurs années de l’achèvement des travaux. Pour ce qui est de la Syrie, le président Assad a soutenu l’action russe en Géorgie. Des éditorialistes en ont tout de suite conclu à une nouvelle alliance entre les deux pays contre les États-Unis et Israël. L’annonce par la Russie le 14 septembre du réaménagement du port de Tartous et la réunion, le 12 du même mois, des commandants des flottes syrienne et russe à Moscou semblent corroborer cette analyse. Or le port de Tartous est depuis 1971 un point d’ancrage des navires de guerre russes. Le 11 septembre à Moscou, Vladimir Poutine, au forum annuel du « Valdai Discussion Club », disait que la marine russe en Syrie « n’avait pas changé de fonction et n’avait pas d’objectif précis ». La visite d’une délégation militaire syrienne en Russie en mai et celle du président Assad le 21 août pour discuter de contrat de vente d’armements russes à la Syrie n’ont pour l’instant abouti à aucune signature. La raison est simple, la Syrie n’a pas les moyens d’acheter de nouvelles armes et la Russie n’a pas l’intention de lui faire crédit. Lors de la même visite à Moscou, le président Assad avait également démenti le déploiement de missiles stratégiques russes de type « Alexandre » sur son territoire. Enfin, Oleg Tsatsurin, le conseiller du président Medvedev, déclarait le 15 septembre au journal Haaretz que « la Russie ne prendrait aucune action qui changerait l’équilibre des forces au Moyen-Orient ou qui endommagerait les excellentes relations entre la Russie et Israël ». La Russie est désormais un pays riche ou en voie de le devenir, dépendant de l’Occident pour atteindre cet objectif. Il lui serait difficile de vendre son pétrole au Venezuela ou à l’Iran et elle ne peut compter sur ces pays, ni d’ailleurs sur la Syrie, pour le transfert de technologies dont elle a besoin pour se moderniser. La Russie, comme l’Occident, fait face au terrorisme des radicaux islamistes (les guerres de Tchétchénie, du Daghestan, les prises d’otages de Beslan en 2004 et de Moscou en 2002) et ne peut compter ni sur l’Iran ni sur la Syrie, deux pays accusés d’alimenter ce terrorisme, pour l’éradiquer. Les États-Unis, en voulant élargir l’OTAN aux frontières de la Russie, ont provoqué celle-ci. La Russie, simplement, dans un monde qui connaît une multiplication des pôles d’influence, reprend la place que sa taille, son potentiel militaire, économique et son histoire lui réservent. Elle ne renouera pas avec les pratiques désastreuses de l’Union soviétique qui l’amena à se saborder en 1989. Article paru le vendredi 3 octobre 2008
Le couple Medvedev-Poutine tient, il est vain au début de la crise, des propos bellicistes à l’égard de la Géorgie et de tous ceux qui soutiendraient le président Saakachvili. Mais très vite leurs déclarations s’édulcorèrent. Le 12 septembre, Vladimir Poutine annonçait que la Russie n’avait pas de conflit idéologique avec l’Occident et qu’elle n’avait pas...