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Actualités - REPORTAGE

INCENDIES - De nombreuses alternatives et des règles à observer pour protéger les terrains boisés Face aux forêts en feu, reboiser?? Oui, mais...

Face aux épisodes répétés des incendies de forêts qui se succèdent au Liban à un rythme ascendant depuis novembre 2004, des initiatives locales, motivées par le souhait de «?rendre à la nature ce qui lui a été pris?», ont été entreprises, ou du moins planifiées, en vue de lancer de larges campagnes de «?reforestation?» sur des zones d’altitude plus ou moins dégradées et souvent contiguës des zones déjà incendiées. Ces campagnes, très coûteuses et qui mobilisent des énergies humaines considérables, sont-elles réellement une réponse au problème, dans sa complexité sociale, économique, et écologique?? Les feux sont un phénomène naturel des forêts méditerranéennes. Ils permettent l’ouverture des milieux et le développement de certaines graines qui attendent ces épisodes pour germer. Depuis que la saisonnalité est de plus en plus marquée – diminution du nombre de jours de pluie par an, prolongement des périodes de sécheresse?–, une augmentation de la fréquence des feux a été observée autour du bassin méditerranéen (Grèce, Espagne, Italie, Liban). Au Liban, le déclin du pâturage en zones boisées (et son intensification en zones ouvertes de haute montagne) et le désintérêt des propriétaires quant à leurs terrains forestiers (en réponse à la loi 558/1996 qui interdit la coupe et l’exploitation des peuplements boisés) ont eu pour conséquence un développement intensif du sous-bois, qui représente en période d’été un «?bio fuel?» naturel puissant (quantité de biomasse sèche et facilement inflammable). De plus, l’augmentation du prix du mazout a eu pour conséquence une légitimation du fait de «?brûler pour couper et collecter du bois de chauffe disponible et, surtout, gratuit?». De même, le laisser-aller et le manque de responsabilité civique et d’éveil environnemental de la part des utilisateurs des forêts (cigarettes, papiers, bouteilles…) rendent la fréquence et l’impact écologique de ces incendies particulièrement inquiétants. Toutefois, même si la plupart des incendies de forêts sont d’origine anthropique (conséquences de l’activité humaine mais non nécessairement d’une action volontaire et délibérée), face à ce douloureux constat, est-il vraiment utile d’investir dans le reboisement?? Les efforts humains et les coûts investis sont-ils justifiables écologiquement?? Il est de notre devoir en tant que chercheurs de lancer un cri d’alarme, un avertissement retentissant à tous ceux qui s’intéressent, s’impliquent ou financent des opérations de reforestation au Liban dans le but de les exhorter à respecter certaines règles de base qui faciliteront le succès de telles opérations?: 1. La saison de plantation?: prévoir des campagnes de plantation (reboisement) à partir de la mi-octobre afin d’augmenter les chances de reprise sur site. 2. La conduite des individus?: les plants promus à la mise en terre doivent subir un an d’acclimatation («?hardenning?») en pépinières pour mieux les habituer aux contraintes et les préparer au changement d’environnement qui les attend. 3. Le choix des espèces à planter?: une majorité des essences forestières, c’est-à-dire le chêne ou encore le Pin brutia, sont des espèces qui reviennent toutes seules (dynamique naturelle) et qu’il est inutile de replanter. Certains résineux (le pin pignon, le cèdre…) sont des espèces plus exigeantes et une analyse fine de l’endroit où elles sont destinées à être plantées, ainsi qu’une bonne connaissance des successions naturelles, s’imposent pour une meilleure chance de réussite (nature du sol, profondeur du sol, ensoleillement, nature du sous-bois, stade de succession …). 4. L’origine des plants?: La provenance des plants (arbres) destinés à être mis en terre est un paramètre important de la réussite de l’intervention. Les plants auront plus de chances de bien s’enraciner et de pousser lorsqu’ils auront été produits et élevés à proximité de l’endroit où ils sont destinés à être plantés. Il faut donc éviter l’utilisation des plants provenant de pépinières et l’importation de plants mères (problèmes de pollution et de dérive génétique). 5. Les zones «?à planter?»?: une meilleure connaissance de l’écologie des espèces (autoécologie) est nécessaire pour orienter le choix des zones «?à planter?» et améliorer les chances de réussite. Le cèdre, par exemple, pousse mieux en bordure de forêt sur pied que par bosquet ou individuellement. 6. Le quotient de réussite?: le rapport entre le coût de la mise en terre et le coût de l’entretien des plants devrait être reconsidéré au profit du coût d’entretien. Il faudrait éventuellement prévoir de passer à un taux de 40?% sur le coût d’investissement (plantation) et 60?% pour assurer un entretien sur quatre ans (protection contre le pâturage, arrosage, remplacement des individus morts…). Cette étape doit être revue dès la conception du cahier des charges. 7. Le suivi des opérations?: Il est fréquent que les échecs des campagnes de reboisement soient imputés au manque d’assiduité et à l’absence de suivi des chantiers de plantation eux-mêmes (concentration des plantations sur les abords des chemins, difficulté d’accès à certains sites…). 8. L’utilité de la campagne?: Bon nombre de sites se trouvant à proximité de zones reboisées, revisitées cinq ans après les campagnes de reboisement, présentaient le même degré de développement de couvert végétal par les phénomènes naturels. Certaines campagnes sont donc inutiles et pourraient être avantageusement remplacées par des initiatives de protection, de débroussaillage, de prévention contre les feux ou contre la dégradation des forêts. 9. Les alternatives en termes d’espèces?: Les espèces du sous-bois, quoique moins populaires que les essences forestières, sont plus efficaces sur des terrains dégradés car elles sont plus adaptées à ce type de milieu et préparent le terrain pour les ligneux (arbres). 10. Les alternatives en termes de techniques?: sur une échelle plus large, à moindre coût et avec des taux de réussite plus économiques, le semis d’un mélange d’espèces sauvages («?hydroseeding?»), qui a pour objectif de mettre en place une pluie de graines afin d’améliorer les dynamiques naturelles, pourrait représenter une alternative intéressante aux plantations. Pour une lecture plus approndie : Toutefois, il est important de distinguer la reforestation (planter des essences forestières?: arbres, «?al-tahrij?»), du reboisement (planter ou semer des espèces du sous-bois?: buissons, «?al-tanmiya el-herjiyya?»), des opérations de plantation sensu lato («?al tashjir?») qui consistent à planter des arbres et visent à orienter les agriculteurs vers des cultures traditionnelles (olives, châtaignes, caroubes…). Dans ce sens, ne devrons-nous pas repenser nos actions pour les engager vers le reboisement ou la replantation au même titre que la reforestation?? Carla KHATER Docteur en écologie de la restauration Chercheur au CNRS Liban
Face aux épisodes répétés des incendies de forêts qui se succèdent au Liban à un rythme ascendant depuis novembre 2004, des initiatives locales, motivées par le souhait de «?rendre à la nature ce qui lui a été pris?», ont été entreprises, ou du moins planifiées, en vue de lancer de larges campagnes de «?reforestation?» sur des zones d’altitude plus ou moins...