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Actualités - OPINION

LA CHRONIQUE de Nagib Aoun Cinq sur cinq

Bizarre, bien étrange et versatile est la fonction des vases communicants. Ils distillent, sécrètent les poisons les plus mortels et, du jour au lendemain, répandent le meilleur suc, l’élixir le plus revigorant. Caisse de résonance de quasiment tous les conflits planétaires, du chaud ou du froid qui président aux relations régionales, le Liban est soudain devenu l’indicateur, l’annonciateur d’ouvertures hier impossibles, de basculements des politiques du bord du gouffre à celles du dialogue et du bon sens. Il n’est pas vrai que la soudaine accalmie du volcan libanais a été la conséquence des événements du mois de mai, la soumission à une nouvelle réalité, un nouveau rapport de force. C’est l’accord de Doha qui a donné le « la », un signe avant-coureur des développements à venir, une manière de taper sur les doigts des protagonistes, de leur dire : « Ouvrez les yeux, voyez ce qui se passe, ce qui se prépare autour de vous. » Et c’est ainsi que, sans tambour ni trompette, s’est ébruitée puis s’est confirmée la prise de langue entre la Syrie et Israël, que s’est ouverte la route de Paris devant Bachar el-Assad et, cerise sur le gâteau, que s’est effondré, comme par enchantement, le mur qui empêchait Américains et Iraniens de, tout simplement, se parler, même si c’est pour constater leur désaccord. Face à tous ces développements, les empêcheurs de tourner en rond au Liban ne pouvaient continuer à jouer les trouble-fêtes et ils ont reçu le message cinq sur cinq. C’est dans ce contexte que s’est soudainement débloqué le lourd dossier des prisonniers libanais en Israël, que s’est créée une situation inédite rendant tout à fait hypothétique une conflagration entre l’État hébreu et le Hezbollah, les réalités du terrain comme les percées diplomatiques régionales rendant aléatoire une énième aventure militaire. D’ailleurs, même la question de Chebaa est désormais du ressort des instances internationales, le président Michel Sleiman annonçant clairement que la parole est à la diplomatie et que l’avenir est fonction de la mise en place d’une stratégie défensive. Les bonzes du parti de Dieu pourront continuer à vitupérer et à menacer, leur discours, de toute évidence, n’est désormais destiné qu’à la consommation intérieure : comment préserver l’arsenal militaire dans le contexte de la stratégie défensive de l’État ? Tout un programme, tout un casse-tête pour les rédacteurs de la déclaration ministérielle, pour les participants à la future table de dialogue. *** C’est donc à la lumière de développements porteurs de beaucoup d’espoirs qu’une nouvelle page s’ouvre entre Beyrouth et Damas, une page qui se veut pierre angulaire de relations plus équilibrées. Or, pour que de tels rapports puissent s’installer, deux conditions impératives doivent être rapidement satisfaites : l’échange d’ambassadeurs, ce qui implique définitivement la reconnaissance d’un Liban souverain, et le règlement du dossier des prisonniers libanais en Syrie, plus urgent que jamais après la fermeture du même dossier avec Israël. Une double exigence à laquelle devrait souscrire le régime baassiste s’il désire réellement que la porte ouverte par Paris lui ouvre aussi celle de l’Europe et de l’Occident en général, les États-Unis en tête. Engagé dans un processus de « recrédibilisation » conforté par les négociations avec Israël, Bachar el-Assad pourrait difficilement faire marche arrière, renier ses engagements. Les dividendes pour le Liban sont donc à portée de main. Fasse le ciel que des grains de sable ne viennent, inopinément, gripper la machine. *** Pour conclure, un conseil aux oiseaux de mauvais augure, à tous ceux qui ne vivent que par les catastrophes et pour les catastrophes, qui ne carburent qu’au cyanure : regardez autour de vous, allez du côté de Hammana, du centre-ville de Beyrouth, de Byblos, de Beiteddine, égarez-vous dans les dédales de Tyr, autour des temples de Baalbeck, l’humeur y est à la fête, à la joie de vivre. Oubliées les guerres, les haines préfabriquées, les insultes venimeuses. C’est la culture de la vie qui y est célébrée, celle qui transcende la mort, le culte du martyre. Juillet 2006-mai 2008 : basta, c’est assez ! Tel est le message que hurlent des centaines de milliers de Libanais, ceux qui veulent retrouver « leur » pays, celui d’avant la folie, d’avant les volontés dites divines. Nagib Aoun
Bizarre, bien étrange et versatile est la fonction des vases communicants. Ils distillent, sécrètent les poisons les plus mortels et, du jour au lendemain, répandent le meilleur suc, l’élixir le plus revigorant.
Caisse de résonance de quasiment tous les conflits planétaires, du chaud ou du froid qui président aux relations régionales, le Liban est soudain devenu...