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Actualités - OPINION

HUMEUR Gaz… tronomie

Je n’ai jamais prétendu être un expert en gastronomie, mais j’aime bien de temps en temps aller au restaurant avec des amis. Surtout depuis que les restaurants exotiques poussent comme des champignons, dans la capitale. Loin de me déplaire (au contraire), j’apprécie cette prolifération foisonnante de spécialités que l’on sert dans ses établissements et qui va de l’osso bucco au sushi en passant par le tandoori et les fajitas, sans compter les canards à l’orange. C’est ainsi que j’ai récemment dîné avec un ami qui rentrait d’un long périple autour du monde. Fin gourmet, je dirais même un gastronome de renom, il m’a raconté, autour d’un bon saké, comment il fut… saqué depuis qu’il était revenu au Liban. Car du Cap de Bonne Espérance à Oulan Bator (Mongolie), sa curiosité culinaire l’a toujours poussé à goûter à toutes les cuisines exotiques. Des répugnances bourgeoises, il vaut mieux ne pas en avoir, me prévint-il. Les anguilles avalées dans un restaurant de Boavista étaient pour lui moins digestives que des morceaux de ténia fortement accommodés à l’ail. Le chili con carne mexicain au Yucatan n’était là que pour masquer le goût avancé du morceau de cheval. Dans un pays moyen-oriental, le steak de chameau qu’il a ingurgité ressemblait à s’y méprendre à un gant de motard FSI. À Bel Horizonte, lorsque le thermomètre passe au soleil pour se rafraîchir, la feijoada de haricots noirs est un étouffe-chrétien meurtrier. En Afrique du Nord, dans une taverne mauresque, le couscous se prononce sciure de bois lorsqu’on en a la bouche pleine. Et le filet de zébu en Afrique australe est ce qui se fait de mieux comme article-semelle pour les Bantous du Kalahari. Le lechon argentin (cochon de lait) vous donne sous la dent l’impression troublante de croquer une balle de caoutchouc. La moambe, cette poule à l’huile de palme et au pili-pili du Congo, vous transforme en lance-flammes. Ce qui lui vaudrait la palme d’or de la pyromanie. Et que dire des ailerons de requin gluants de Hong-Kong, parsemés d’algues marines ? Des petits festins langoureux sur les plages de Honolulu où tout en surfant sur les vagues l’on consomme le poï, une colle de pâte genre houx épineux. Bref, me dit mon ami, j’avais goûté à presque toutes les cuisines du monde. Et puis un jour à Pékin, j’ai dîné avec un copain dans un restaurant tenu par un bon gros qui ne pipait pas un mot de français ni d’anglais, mais qui souriait en espérento de ses belles dents… jaunes. Il nous installa à une table couverte d’une série de petits plats délicieux (soi-disant). J’étais curieux, pas inquiet (pour une fois). Malgré l’austérité du régime actuel, la cuisine chinoise restait une des meilleures du monde. Et pourtant, poursuivit mon ami, j’étais plus intrigué qu’anxieux ce soir-là en plongeant mes baguettes dans les plats du gros. Que mangeais-je ? Ni poulet aux amandes, ni crevettes aux champignons, ni porc aux pousses de bambou… J’optais pour le canard et mon accompagnateur m’assura que c’était du lapin. Le patron nous départagea. Ouahh… Ouahh, aboya-il en ouïgour, sa langue maternelle. Nous eûmes un mal de… chien à décortiquer les os du tout sacrifié. À la fin du repas, mon ami n’était plus dans son assiette, mais les restes du toutou… si. Arrivé à Lima, mon ami a trouvé la chicha péruvienne désaltérante à souhait, mousseuse comme de la bière allemande, avant de voir les Indiennes de Machu Picchu, assises en rond sur le sol, mâcher les grains de maïs et les recracher dans une cuve d’eau trouble pour qu’ils fermentent. Mon ami termina son périple gastronomique au Japon où il fut obligé de goûter au… fougou. Le fougou est un poisson fort rare (heureusement) qui se gonfle et se hérisse de piquants. Tout était au fougou, du caviar rouge pour commencer, un fromage de tête de fougou, puis le peau grillée du même fougou, et enfin un dessert de fougou fumé décoré de nougat. Jusqu’au saké dans lequel sombrait un ultime lambeau de poisson. L’addition réglée, le maître d’hôtel raccompagna avec sollicitude mon ami jusqu’à la porte et le regarda s’éloigner pour être sûr qu’il n’allait pas succomber à une gastro-entérite. Le lendemain, au petit-déjeuner, mon ami exigea des œufs au plat et des… baguettes pour manger avec. Ce que j’aime dans ces cuisines exotiques, conclut mon ami, c’est le plaisir robuste qu’elles offrent, même au risque d’y laisser sa peau. « Mais tu es masochiste », m’écriai-je. Oui je suis un masochiste de la restauration, car les coups et les douleurs ça ne se discute pas ! Les mésaventures de mon ami m’ont rappelé subitement l’histoire d’un ambassadeur qui dînait un soir chez un collègue. L’épouse de ce dernier lui annonça qu’elle avait préparé en son honneur une panse de brebis farcie. Comme il n’était pas dans ses coutumes de froisser les gens, le diplomate dut malgré lui goûter à ce plat fort consistant, et fort odorant. À la fin des agapes, la maîtresse de céans insista pour connaître son avis sur le plat si judicieusement choisi. L’ambassadeur essaya d’éluder la question, mais finit par lui dire avec humour : « En voyant cette espèce de masse noire, j’ai cru au début que c’état immangeable… et lorsque j’y ai goûté, j’ai regretté que cela n’en fut pas ! » Nahi LAHOUD Producteur de théâtre
Je n’ai jamais prétendu être un expert en gastronomie, mais j’aime bien de temps en temps aller au restaurant avec des amis. Surtout depuis que les restaurants exotiques poussent comme des champignons, dans la capitale. Loin de me déplaire (au contraire), j’apprécie cette prolifération foisonnante de spécialités que l’on sert dans ses établissements et qui va de...