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Actualités - CHRONOLOGIE

CORRESPONDANCE - Sur les cimaises de la National Gallery of Art La forêt de Fontainebleau, grand studio en plein air des artistes du XIXe siècle WASHINGTON, d’Irène MOSALLI

«La forêt de Fontainebleau résume toutes les forêts, écrivait le poète Verhaeren, celles du rêve et de la vie. » C’est ce qu’elle a été pour un grand nombre de peintres français dès la fin du XVIIIe siècle : un lieu idyllique, mais tout autant une expérience technique. Ce tournant est évoqué dans une exposition intitulée « Dans la forêt de Fontainebleau : peintres et photographies de Monet à Corot », organisée par la National Gallery of Art à Washington. Particularité de la centaine d’œuvres présentées : elles sont le fruit d’une manière inédite de travailler de peintres aussi célèbres que J.-P. Corot, Monet,Théodore Rousseau, J.-F. Millet, Courbet, Gustave le Gray et Eugène Cuvelier. Ils avaient décidé de quitter leurs ateliers parisiens pour aller investiguer la nature de visu et non plus dans son interprétation par mémoire ou d’après de brefs croquis. La proximité de la forêt de Fontainebleau et sa topographie diversifiée (arbres centenaires, rochers, sables, hautes futaies, plateaux nus) se prêtaient donc parfaitement à leur nouvelle tendance qui avait d’abord fait florès en Italie. Ils en ont ainsi fait un studio à ciel ouvert où s’est développée la peinture de plein air. Ont suivi dans cette direction les artistes qui avaient formé une colonie à Barbizon, les photographes, les peintres impressionnistes, les écrivains et les poètes. Une auberge attenante, la Ganne (immortalisée par Renoir), devient leur point de rencontre et, plus tard, un lieu mythique où ont logé tant d’artistes de 1822, jusqu’à Sisley et Seurat. Puis, fait remarquer le responsable de l’exposition, le site ne tarde pas à attirer les touristes : l’établissement d’une gare, en 1849, permet aux Parisiens d’y accéder facilement. L’été 1857 enregistre l’arrivée de 135 000 visiteurs. En 1867, seize trains faisaient quotidiennement le trajet. Peintres, photographes, touristes et marchands de couleur Cette dynamique artistique est mise en relief dans l’exposition qui, par exemple, donne à voir un même site capté dans une toile, une photographie, une gravure. C’est le cas de la route à travers la forêt sous le pinceau de Monet, dans l’objectif des photographes Gustave le Grey et Eugène Cuvelier. Ailleurs, Corot et le Grey se sont intéressés aux troncs massifs des chênes centenaires. Souvent, ces toiles ont servi de modèles à des compositions de plus grandes dimensions destinées aux Salons. D’autre part, en logeant dans les villages environnants, les artistes ont été amenés à croquer les paysans au travail (Millet et Girodon). Monet a portraituré les touristes et Claude-François Denecourt a publié un guide de la visite de la forêt. Et, grâce à une campagne menée par Théodore Rousseau, grand admirateur de Fontainebleau, le gouvernement français fait de la forêt une zone protégée, en 1861. Elle devenait ainsi la première nature préservée au monde. Cette pratique de la peinture en plein air a été accompagnée de la mise au point d’un matériel adéquat, plus allégé : chevalets pliants, papier pour photos, enduit et tubes de couleurs métalliques. Un coin de l’exposition est réservé à quelques-uns de ces spécimens. On y trouve là aussi un catalogue de l’époque proposant cette marchandise, notamment un chevalet qui se fixe aux genoux, différents modèles de parasols et de tabourets, de panoplie de pinceaux et, pour les photographes, des tentes-chambres noires. Pour mieux vendre leurs produits, les fournisseurs publiaient des titres de savoir-faire. Celui intitulé Comment peindre les arbres témoigne de la popularité grandissante de l’art du paysage, parmi les amateurs désireux de suivre les traces des artistes de Fontainebleau.
«La forêt de Fontainebleau résume toutes les forêts, écrivait le poète Verhaeren, celles du rêve et de la vie. » C’est ce qu’elle a été pour un grand nombre de peintres français dès la fin du XVIIIe siècle : un lieu idyllique, mais tout autant une expérience technique. Ce tournant est évoqué dans une exposition intitulée « Dans la forêt de Fontainebleau :...