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CONCERT - À l’église Saint-Joseph (USJ) Matteo entre prière et incantation amoureuse

Petite bousculade du public au portillon de l’église Saint-Joseph (USJ) qui a ouvert ses battants à 20 heures précises comme annoncé sur le carton d’invitation…Public nombreux, sélect, à prédominance de jeunes, pour un concert pointu qui sort du rang. Pas de piano, pas de violon, pas de flûte, mais la voix toute en tonalités féminines d’un jeune homme au physique de play-boy en herbe… Le jeune contre-ténor Matteo, qui n’en est guère à sa première expérience de scène beyrouthine, donnait à entendre ses vocalises haut de gamme – dans l’aigu bien entendu ! – à faire pâlir de jalousie la moins féroce des divas sopranos aux « rossignolades » les mieux ourlées… Le menu, sans grande surprise (parfois d’une belle témérité pour de périlleuses prouesses vocales dont on ne triomphe pas toujours !), avec des arias déjà applaudies dans des prestations précédentes, était essentiellement composé d’œuvres baroques entre musique sacrée et invocation incantatoire de certaines grandes figures mythologiques… Ont retenti, sous les voûtes de l’église illuminée, accompagnées par l’orchestre libanais sous la direction de Michel Khairallah, des pages alliant amour divin et passions profanes, de Vivaldi, Pergolèse, Purcell, Bach, Gluck et Caccini. Après une courte introduction orchestrale (Concerto en ré mineur) du Prêtre roux, tout en tons mesurés et élégants dans le style galant échappé de la Cité des Doges, voilà Matteo derrière le micro, partition en main. Cheveux coupés court, barbe noire de quelques jours, veste sombre légère à même le corps avec un foulard blanc en lin noué col jabot, le jeune contre-ténor se lance, pour la première partie du programme, dans une vibrante narration vivaldienne vouée aux douleurs mariales de la semaine sainte. Empreint d’atmosphère pascale côté prière et piété, le chant vivaldien, oscillant entre Salve Regina (RV616) et Stabat Mater (RV621), a tous les accents d’une grande et lumineuse douleur baignée de fervente foi chrétienne. Explosion de la dévotion mariale… Envolées lyriques aux tourbillons vertigineux avec des chromatismes vocaux caracolant comme une cavalcade de chevaux en liberté… Accents troublants échappés à un gosier d’homme où se mêlent en une curieuse et saisissante harmonie toute la tendresse et toute la fragilité de la femme avec la brusque émergence d’une modulation éminemment masculine dans sa gutturale et virile autorité. Charme secret d’une farouche ambiguïté, insaisissable comme une luisante anguille d’une mobilité de mercure…Charme vénéneux que cultive avec délectation le chant de Matteo. Avec Pergolèse (Salve Régina, Ad te clamamus) et à nouveau Vivaldi (Ni si dominus et Sicut erat-Amen- RV 608) se termine cette explosion de la dévotion mariale. Matteo en donne une image vocale d’une belle impudeur, appuyant (parfois trop fort jusqu’à la cassure !) certains effets à colorations ultradramatiques. On aurait aimé plus d’élégance diaphane à ce mystère chrétien où la mère des douleurs reste le centre d’un immense message d’amour habité par le pardon, la sérénité et la présence de Dieu… En seconde partie, avec Matteo qui change de costume de scène (en toute théâtralité !) arborant large ceinture de soie, veste en queue-de-pie et chemise à col agrémenté de parure dorée, le célèbre Cold Song tiré du Roi Arthur de Purcell, inégalable avec Klaus Nomi. Modulation hectique et syncopée que chante, de toute évidence, avec cœur et sensibilité, le jeune ténor qui en a fait aussi son cheval de bataille ! Architecture dentelée du cantor pour cette Cantate (BWV170) qui symbolise et illustre avec éclat et rigueur tout l’esprit humaniste et chrétien de la Renaissance. Avec Gluck, qui connaît le pouvoir de la musique et l’exalte, voilà Orphée en quête éperdue de son Eurydice (Que Faro senza Eurydice ?). Douceur d’une mélodie suave et fluide, aux allures d’une caresse plus que furtive…On comprend que les Enfers se soient laissés émouvoir… Pour terminer, sur un registre à nouveau marial, le splendide et très controversé (quant à ses origines d’inspiration) Ave Maria de Caccini, rendu ici en toute délicatesse et respectueuse émotion, dans son frémissant sens de l’invocation et de la tendre ferveur. Salve d’applaudissements d’une salle électrisée et acquise d’avance au jeune chanteur. Applaudissements manifestés en toute hâte, bien inopinément et maladroitement, à peine après les quelques premières mesures…Mais très vite, l’auditoire s’est recueilli et a donné, en fin de concert, une belle et généreuse ovation au jeune artiste tout sourire, au physique avenant et à la présence scénique efficace. Deux bis pour Matteo dont le chant a résonné encore avec plus d’assurance car porté, par-delà toute agréable surprise de découverte, par tant de sympathie, de chaleur humaine, d’amitié et d’encouragement. Edgar DAVIDIAN
Petite bousculade du public au portillon de l’église Saint-Joseph (USJ) qui a ouvert ses battants à 20 heures précises comme annoncé sur le carton d’invitation…Public nombreux, sélect, à prédominance de jeunes, pour un concert pointu qui sort du rang. Pas de piano, pas de violon, pas de flûte, mais la voix toute en tonalités féminines d’un jeune homme au physique de...