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Actualités - CHRONOLOGIE

GROS PLAN - Hommage à un de ces artistes qui font honneur à leur sang libanais Dick Dale, alias Richard Mansour, monstre sacré de la musique « surf »

Pour ouvrir Pulp Fiction, Tarantino est allé chercher Misirlou, l’hymne de la musique surf, un morceau écrit en 62 par Dick Dale, un véritable surfeur californien, guitariste et gaucher. Ce son, depuis, a fait le tour de la planète. Repris dans Charlie’s Angels et Taxi, il a permis à Dick Dale de sortir de l’oubli. Mais voilà. L’histoire ne s’arrête pas là. Car le monsieur Dale en question n’est autre qu’un certain Richard Mansour qui, puisant dans ses racines orientales et libanaises, s’est inspiré, tenez-vous bien, d’un morceau de Sayyed Darwiche pour composer le fameux Misirlou. C’est en tout cas ce que nous apprend Otis Grand, l’un des meilleurs bluesmen outre-Atlantique (également d’origine libanaise, de son vrai nom Fouad el-Bushti), grand ami de Dale. Loin des sentiers battus du showbiz, ce personnage mythique, enfermé dans une image « beachboyesque » faussée de «père de la surf music », se pose surtout tranquillement comme l’un des cinq guitaristes les plus influents du rock du siècle dernier… Trop en avance sur son temps – il a été le premier guitariste à recevoir, dans les années 50, une autorisation officielle à jouer du rock and roll en Californie (!) – , il a tout inventé ou presque, et tout seul : dès 1961, ses staccatos incroyables sur fond de « reverb lovecraftienne », administrés par le gaucher sur une « Strat Custom » or pailleté de droitier couplée à un « Fender Showman », annoncent rien moins que le heavy-metal des 80’s… Hommage à un de ces artistes qui font honneur à leur sang libanais. Sacré roi de la surf-guitar, Dick Dale, ou Richard Mansour pour les intimes, avait 25 ans lorsqu’il a signé l’acte de naissance du genre avec Misirlou. Ce style musical est censé évoquer le rush d’adrénaline du surfer dans un pipeline. « Je crois qu’on peut dire que mon style est caractérisé par le fait que je suis un gaucher qui joue sur une guitare de droitier montée à l’envers. Et je joue très fort, utilisant la “reverb” à fond dans mes enregistrements comme pour Misirlou. » Dale était en effet le seul guitariste au monde à jouer de la guitare de la main gauche, en choisissant de ne pas modifier les cordes, un effet qui a défini ce son si particulier. De 1961 à 1965, l’Amérique découvre la surf-culture à travers une ribambelle de groupes à la notoriété éphémère comme les Pyramids, les Surfaris ou Jan and Dean. L’histoire ne retiendra du mouvement que les Beach-Boys. Le surf, c’est la subversion. Dans une Amérique consumériste ne jurant que par la productivité, les surfeurs sont les apôtres de la glande. Sea, sex and sun : beaucoup succombent à la tentation du cool. Le mauvais garçon Dick Dale est aussi sauvage que les bêtes à poil qu’il élève dans son salon depuis les années soixante. Des vagues aux fauves, en passant par le cinéma, il joue dans le Millionnaire de Cukor, entre Marylin et Montand, et dans Muscle Beach Party, avec Stevie Wonder et Brian Wilson, Dale incarne à l’évidence un style de vie super-wild. « J’ai toujours été du côté des outsiders. Je suis le mauvais garçon. Les grosses boîtes ne m’aiment pas, elles disent que c’est trop galère de travailler avec Dick Dale. Tarantino fait aussi partie de ces mecs à qui on a toujours claqué les portes au nez. Il rentrait nulle part. Il m’a dit : “Ta chanson, Misirlou, c’est un chef-d’œuvre. C’est comme Le bon, la brute et le truand. Tes trompettes, c’est tellement chevaleresque. C’est comme Ben Hur !” » Dick Dale est né d’un père libanais et d’une mère polonaise. « Il apprit très tôt à jouer de la batterie, de la derbouka, du ukulélé et, enfin, de la guitare », raconte Otis Grand. « Son oncle figure parmi ses premières influences musicales ; celui-ci accompagnait des danseuses du ventre au oud. Dans un premier temps, ses compositions étaient très largement influencées par la musique de l’Est ; Dick Dale est considéré comme l’un des premiers guitaristes électriques à utiliser les gammes “orientales” dans son jeu », poursuit le bluesmen. C’est en commençant le surf qu’il chercha à transmettre l’énergie et la puissance de ce sport au travers de son jeu de guitare. « Il est avant tout connu par son utilisation de la “reverbe” qui, depuis, est caractéristique du son “surf”, mais sa “marque de fabrique” reste son jeu staccato à la main gauche (main droite pour un droitier) », indique encore le guitariste de jazz d’origine libanaise. Dick Dale étant gaucher, il a été à ses débuts contraint d’utiliser un modèle pour droitier (ce qui n’est pas sans rappeler un certain Jimi Hendrix, qui n’apparut que quelques années plus tard), mais sans inverser les cordes ! Ses cordes graves étaient en bas et les aiguës en haut (Hendrix, lui, avait inversé celles-ci après quelque temps). Même avec des modèles pour gauchers, Dick Dale a conservé ce montage de cordes « inversé »... Avec son groupe, les Del-Tones, les concerts de Dick Dale sont devenus des monuments locaux. Let’s Go Trippin’, paru en 1961, est considérée par certains comme la première chanson rock-surf. Elle sera suivie par des chansons à la distribution plus locale, telles que Jungle Fever et Surf Beat sur son propre label : Deltone. Son premier album s’intitule Surfers’ Choice, paru en 1962. Il a été édité par Capitol Records et distribué à l’échelle du pays. Dick Dale a fait des apparitions dans le Ed Sullivan Show et dans quelques films. Son deuxième album a été intitulé, d’après son surnom, King of the Surf Guitar (Roi de la guitare surf). La popularité de la vague surf n’a duré que peu de temps : la British Invasion envahit les bacs dès 1964. Dick Dale a continué cependant à se produire en public. Atteint d’un cancer du côlon, il a disparu du monde musical durant plusieurs années. En 1979, il a également failli perdre une jambe après s’être blessé en nageant : une infection due à la pollution a aggravé la blessure, pourtant bénigne. C’est ainsi que Dick Dale est devenu un fervent défenseur de l’environnement et est revenu sur scène au cours des années 80. Il enregistre et sort un nouvel album en 1986. Il est même nominé aux Grammy Awards. L’utilisation du titre Misirlou par Quentin Tarantino dans son film Pulp Fiction lui a gagné un public fidèle. Il a depuis publié plusieurs albums et continue à tourner. En 1993, il a enregistré un solo de guitare pour un groupe de Californie du Sud, The Pagodas. À la fin des années 90, il a enregistré une version surf-rock de Aquarium de Camille Saint-Saëns (titre tiré du Carnaval des animaux) pour les montagnes russes Space Mountain du parc d’attractions Disneyland à Anaheim, en Californie. Des félins de compagnie Gentiment allumé, « new-age » à fond, évidemment, mégalo comme tous les génies incompris, Dale a tôt développé une passion inconditionnelle pour les animaux de toutes sortes, distribuant aujourd’hui encore à l’envi sa générosité entre divers félins (lions, ocelots, tigres), faucons, singes, chevaux et chiens… Sur la pochette d’un de ses albums, il a même osé mettre au jour un traumatisme de jeunesse des plus curieux, sans plus d’explications : « Dale was so in love with his first lion, he went into convulsions and had to be revived by artificial respiration when it died. » Une petite enquête s’imposait… À l’époque, le tout jeune Dale, une vingtaine d’années, voulait devenir vétérinaire et élevait (et soignait) déjà pas mal de félins, dont Elsa, une lionne souffrant de graves déséquilibres qui la faisaient régulièrement chuter. Une nuit, très mal en point, elle a voulu rentrer dans la maison du jeune Dick, mais son collier s’accrocha à la chaîne qui faisait office de barrière… Elle s’y est étranglée et a rendu l’âme, au grand désespoir du guitariste... Encore sous le choc, il raconte sa découverte du corps : « Je la tenais dans mes bras et je lui disais “Reviens, Elsa, reviens”. Puis y a eu un trou et je me suis vu marcher avec elle dans le soleil couchant. J’avais ma main sur ses épaules et elle me disait “Viens, Dick, viens’’ et moi je disais “Pars pas, Elsa, pars pas”. Après, elle s’est dirigée vers une barrière, il faisait tout noir, la barrière s’est ouverte toute seule et je lui disais “N’y va pas, n’y va pas” et elle me disait “Viens, Dick, viens” et moi je pleurais et je lui disais “Pars pas, s’il te plaît !”. Elle a disparu dans le noir, j’ai franchi la barrière moi aussi, j’étais dans le noir, mais le talon de mon pied était toujours dans le soleil… Et puis je me suis réveillé. Mon meilleur ami était en train de me faire du bouche-à-bouche, j’avais arrêté de respirer trois fois… » M.G.H.
Pour ouvrir Pulp Fiction, Tarantino est allé chercher Misirlou, l’hymne de la musique surf, un morceau écrit en 62 par Dick Dale, un véritable surfeur californien, guitariste et gaucher. Ce son, depuis, a fait le tour de la planète. Repris dans Charlie’s Angels et Taxi, il a permis à Dick Dale de sortir de l’oubli. Mais voilà. L’histoire ne s’arrête pas là. Car le...