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Kumasi, au Ghana, cherche désespérément curé maronite

Victor est ghanéen. Il habite le presbytère de l’église Saint-Charbel à Kumasi, la deuxième ville du Ghana, située dans le centre du pays. Il est chargé de l’entretien du lieu, presque toujours vide. De temps en temps, un prêtre vient d’Accra pour célébrer la messe avec les fidèles libanais vivant à Kumasi. Ils attendent impatiemment sa venue. Ils demandent qu’il vienne plus souvent. Ils espèrent, un jour, avoir leur curé. Père Fadi Boustani a promis aux paroissiens de Saint-Charbel qu’il célébrera la messe de Pâques, cette année, avec eux, à minuit. Il espère être ainsi le lendemain matin de retour à Accra pour célébrer la résurrection du Christ dans sa paroisse de Saint-Maron dans la capitale ghanéenne. Jihad el-Hachem, un Libanais vivant à Kumasi depuis une quinzaine d’année, est indigné. « Avant Pâques, il y a le dimanche des Rameaux, s’exclame-t-il plein d’amertume, nous ne pourrons pas célébrer la messe. Et si le père Fadi vient d’Accra, nous ne pouvons pas faire venir nos enfants à minuit pour célébrer tous ensemble. » Il avait même un peu haussé le ton devant Mgr Guy-Paul Noujeim, venu rendre visite aux fidèles de Kumasi. « Tout ce que nous souhaitons, c’est d’avoir un curé. Est-ce trop demander ? » insiste pour sa part Samir Nassar, président du comité paroissial de l’église Saint-Charbel, alors que Mgr Noujeim tente de lui expliquer la difficulté de trouver au Liban des vocations pour l’Afrique. Ils sont actuellement un peu moins de cent Libanais chrétiens vivant à Kumasi. Cette ville fut jadis la capitale d’un royaume prospère et puissant, connu pour avoir tenu tête aux Britanniques durant la période du colonialisme. Cette région est également connue pour son industrie du bois qui a fait sa richesse et celle des Libanais venus travailler dans ce domaine à partir du début du XXe siècle. Les usines tenues par ces Libanais, dont la majorité était chrétienne, ont dû fermer boutique il y a quelques années avec la raréfaction du bois à cause de la déforestation. Durant toutes ces années de prospérité, personne d’entre eux ne s’était intéressé à construire une église. « Les Libanais étaient venus à la recherche du gain et de la richesse », explique Jihad el-Hachem. Peter Farhat, lui, fait ses études de médecine à Kumasi. Il est libanais né au Ghana et porte la double nationalité. Son père est venu en Afrique en 1919. Il avait une de ces usines de bois qui ont fermé. « Nous célébrions la messe en général avec les catholiques romains. Les Libanais ont même contribué à la construction de la grande cathédrale Saint-Pierre de Kumasi. Nous avons même cherché les cloches de Beit Chabeb », ajoute-t-il fièrement. Les Libanais devaient parfois attendre la fin de la messe ghanéenne pour célébrer la leur. « En 1995, nous avions des funérailles et avions été contraints d’attendre plus d’une heure à l’extérieur sous une chaleur étouffante », explique Jihad el-Hachem. Ce fut le déclic chez la petite communauté libanaise chrétienne. « Dégoulinant de sueur, enveloppés de l’odeur d’un corps en décomposition, nous avions alors décidé de bâtir notre propre église. » Mais le projet a tardé à se réaliser. Beaucoup de Libanais avaient déjà quitté Kumasi. Ceux qui sont restés se sont reconvertis dans d’autres domaines commerciaux et passaient par d’innombrables difficultés pécuniaires. « Malgré cette période pénible, près de 60 % des fidèles ont participé au financement de l’église. Il y avait même des contributions venant de la part de sunnites et de druzes, chacun selon ses capacités », poursuit Jihad el-Hachem. Quant au terrain, il avait été offert par Gaby Maatouk. Cette longue traversée du désert a été entrecoupée de visites encourageantes de quelques prêtres, comme Michel Jabbour et Francis Hobeika, de l’évêque Guy-Paul Noujaim, mais aussi du passage du patriarche maronite Mgr Nasrallah Sfeir en 2000. Finalement, l’inauguration de l’église Saint-Charbel a eu lieu en 2005. Depuis, les fidèles de cette paroisse attendent la venue d’un curé, alors que la vie économique reprend peu à peu dans cette ville qui envisage à nouveau un avenir radieux, surtout avec l’arrivée au pouvoir de dirigeants originaires de Kumasi. Ce soir, l’église est illuminée. Dehors, une pluie torrentielle chasse l’harmattan qui pesait depuis quelques jours. À l’intérieur, Victor, tout de blanc vêtu, contrastant avec sa peau noire, présente l’encens au vicaire patriarcal Guy-Paul Noujeim et au prêtre Fadi Boustani, alors qu’une foule de fidèles entonnent des cantiques syriaques témoignant fièrement de la présence maronite en Afrique occidentale. Victor a 39 ans et veut devenir prêtre. Prêtre maronite, plus précisément. Et lui aussi attend. Il attend un signe, une réponse, un espoir qui lui permettraient de servir cette église orientale qu’il aime tant. « Je suis là depuis deux ans, mais personne ne m’a encore donné de réponse définitive. Alors moi j’attends », dit-il avec un sourire éclatant. Mais quelques fidèles murmurent discrètement qu’ils ne verraient pas Victor prêtre d’une paroisse maronite. Ils ont peur de renouveler la mauvaise expérience de la paroisse d’Accra, où certains religieux locaux ont tenté de faire main basse sur l’église (lire par ailleurs). Après la messe, Victor met calmement de l’ordre dans le presbytère, tout en préparant mentalement sa demande qu’il compte déposer le lendemain matin aux religieux libanais. Serait-il possible qu’un jour, Victor, le Ghanéen, soit le curé tant attendu de la paroisse Saint-Charbel à Kumasi ?
Victor est ghanéen. Il habite le presbytère de l’église Saint-Charbel à Kumasi, la deuxième ville du Ghana, située dans le centre du pays. Il est chargé de l’entretien du lieu, presque toujours vide. De temps en temps, un prêtre vient d’Accra pour célébrer la messe avec les fidèles libanais vivant à Kumasi. Ils attendent impatiemment sa venue. Ils demandent qu’il...