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SOCIÉTÉ - À quelques encablures du pôle Nord, deux prédateurs se partagent un territoire grand comme deux fois la Belgique Ours blanc vs homme, une cohabitation à risques dans l’Arctique

Un ours blanc sur fond noir : atypique, le panneau rappelle la précarité des hommes au Svalbard, un archipel de l’Arctique où les ours polaires sont moitié plus nombreux et où les rencontres peuvent être fatales aux uns comme aux autres. À quelques encablures du pôle Nord, ce petit bout de Norvège aussi connu sous le nom de Spitzberg abrite quelque 3 000 ours et 2 300 hommes, deux prédateurs qui vivent en bonne entente... la plupart du temps. Si les bipèdes sont concentrés sur la côte ouest, plus clémente grâce au Gulf Stream, et les quadrupèdes sur la côte est, où les glaces sont étendues et les phoques – leur mets de prédilection – plus nombreux, leurs chemins se croisent régulièrement sur ce territoire grand comme deux fois la Belgique. « Le panneau est là pour rappeler aux visiteurs qui s’éloignent de Longyearbyen (chef-lieu du Svalbard) de s’équiper d’un fusil », explique Per Kyrre Reymert, un conseiller du gouverneur. Sous ces latitudes, s’armer est obligatoire pour une promenade dans la nature. À l’université locale, l’apprentissage du tir est d’ailleurs un passage obligé pour les étudiants appelés à faire du terrain. Vraisemblablement unique au monde, le panneau de signalisation routière « Gare aux ours », triangulaire et liseré de rouge, est fiché en deux endroits à la sortie de Longyearbyen. On dénombre au moins quatre accidents mortels au Svalbard depuis 1970 : une étudiante retrouvée en grande partie dévorée, un campeur autrichien surpris dans sa tente, un guide touristique et un télégraphiste à Bjoernoeya (« l’île aux ours » en norvégien). À Longyearbyen, où le jardin d’enfants est entouré d’un haut grillage pour protéger les petites têtes blondes, les habitants les plus anciens ont, tous, leurs histoires d’ours. Liv-Rose Flygel, 52 ans, dont plus de la moitié au Svalbard, se souvient précisément de sa première rencontre avec le mammifère. Elle avait 11 ans et un vieil animal famélique s’était lancé aux trousses de la motoneige que conduisait son père. « Il était à environ 25 mètres derrière nous. C’était une sensation plutôt déplaisante, relate-t-elle. Mon père a essayé de l’effrayer mais en vain. Il a finalement dû l’abattre. » Depuis 1973, la Norvège protège l’ours polaire, un animal que seules cinq nations arctiques ont en partage. Fusées éclairantes, vrombissements de motoneiges et même hélicoptères sont généralement utilisés pour éloigner les animaux trop audacieux, la mise à mort n’étant qu’un ultime recours. Entre 1998 et 2005, 24 ours ont ainsi payé leur curiosité ou leur agressivité de leur vie. Mineur de fond, Bjoern Fjukstad, 59 ans, est un de ces hommes qui ont tué la bête. C’était près du filon de charbon de Svea, un soir de réveillon de Noël, lorsque l’obscurité est totale et permanente au Svalbard. « Un jeune ours affamé, pas plus gros qu’un saint-bernard, a tenté d’entrer dans le bâtiment où on se trouvait. On l’a éloigné une fois, deux fois, trois fois en tirant en l’air, mais il insistait, et j’ai fini par l’abattre », dit-il. « Il faut toujours avoir à l’esprit qu’on figure sur son menu », ajoute-t-il. L’ours a multiplié ses incursions dans les zones habitées ces dernières décennies, attiré par l’odeur des phoques dont on nourrit les chiens de traîneau et que l’on conserve, dehors, pendus à d’énormes chevalets. Changement climatique oblige, le carnivore voit son territoire de chasse, la banquise, fondre littéralement sous ses griffes. « L’homme est en train d’éradiquer l’ours blanc avec ses activités industrielles et sa pollution. Ce n’est pas l’ours le danger, c’est nous, estime Liv-Rose Flygel. J’espère que l’on n’aura jamais à remplacer l’ours de notre panneau par un squelette. »
Un ours blanc sur fond noir : atypique, le panneau rappelle la précarité des hommes au Svalbard, un archipel de l’Arctique où les ours polaires sont moitié plus nombreux et où les rencontres peuvent être fatales aux uns comme aux autres.

À quelques encablures du pôle Nord, ce petit bout de Norvège aussi connu sous le nom de Spitzberg abrite quelque 3 000 ours et 2 300...