Des saints en armes ! Par Dominique CHEVALLIER*

À quel saint se vouer ? Lances, glaives, casques romains, les chrétiens d’Orient ont conféré de longue date ces signes chevaleresques aux défenseurs de la foi. De Omar Husayn et tant d’autres, les musulmans ne sont pas en reste. Hélas ! aujourd’hui, les armes sont bien plus terroristes. Elles apparaissent et réapparaissent partout. Techniquement très élaborées, elles sont utilisées par des esprits malins, toujours sauvages. Les profiteurs politiques et financiers remplissant leurs coffres. Le résultat reste le même pour tous : l’anéantissement sanguinaire de l’humanité et de l’humanisme auxquels nous croyons. Donc, espérons encore. Un négociateur ne peut pas trouver seul un passage dans l’impasse libanaise actuelle. Les protagonistes, assis autour d’une table ou dans les fauteuils confortables, s’envoient à la face leurs vérités contradictoires. Contemplant la bouche du volcan, ils attendent que l’éruption brûle leurs adversaires. Qu’ils retrouvent un peu de lucidité pour comprendre qu’ils seront tous réduits en cendres. Éparpillés au vent, deviendront-ils un engrais? Même pas. Ils empoisonneront le plus résistant des cactus. De l’aube au crépuscule, sous les étoiles et la lune, le désert présente des horizons magnifiques ; mais il ne laisse aux hommes que la soif et un linceul de poussière. Déboucher une bouteille de mousseux, boire un thé parfumé ou un café vert, tremper un morceau de pain dans l’huile n’offrent que des moments trompeurs à ceux qui ne savent plus s’entendre. Croire en l’éternité de l’âme n’efface pas la nécessité de vivre, ne serait-ce que pour que cette âme puisse exister. Mon dernier souffle appartiendra au Liban qui m’a fait découvrir la réalité complexe des sociétés humaines, leurs drames et leurs joies grâce à leurs différences créatrices. Lecteur libanais, mon frère, pardonne ces lignes que seule l’amitié a dictées. Mon émotion, ton inquiétude, forment notre patrimoine commun dans l’attente d’un État libanais qui retrouve sa tête et ses membres afin que le Proche-Orient ne devienne pas rapidement l’enfer pour tous. * Professeur émérite à la Sorbonne Article paru le mardi 12 février 2008