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Actualités - CHRONOLOGIE

SOCIÉTÉ - En Irak, la médecine traditionnelle vole au secours des maux modernes Cheikh Fouad, le « mage » de Bagdad

Dans un pays où la violence a contraint à l’exil des milliers de médecins, les cures traditionnelles font un retour en force pour tenter de soulager les maux dont souffrent les Irakiens. Et les plantes, les huiles et les conseils des maîtres des premiers siècles de l’islam ont remplacé, avec succès, selon leurs nouveux adeptes, une pharmacopée plus contemporaine. «J’ai hérité de la connaissance du pouvoir des plantes de mon père qui le tenait lui-même du sien », explique celui que ses patients appellent « cheikh Fouad ». Le Dr Fouad Jaafar, 42 ans, tient boutique au cœur de Bagdad, à l’ombre de la mosquée sunnite de Abdel Kader al-Jilani, un réformateur soufi né au XIe siècle. Assis derrière un petit bureau au fond de son officine, il consulte des traités aussi prestigieux qu’antiques comme le fameux Canon de la médecine, du savant perse du Xe siècle Ibn Sina, connu en Occident sous le nom d’Avicenne. Puis, bonnet blanc sur la tête, et sa blouse grise traînant par terre, il choisit, sur les étagères où s’alignent en rangs serrés des bocaux remplis d’herbes, les cures les mieux adaptées aux maux de ceux qui viennent le consulter. « Tous les jours, je reçois de nouveaux malades qui cherchent le réconfort des traitements traditionnels », assure-t-il. « Je tire ma science de dizaines d’années de pratique et de ce que j’ai appris de mon père et de mon grand-père en plus d’experts asiatiques qui ont pratiqué leur science à Bagdad », poursuit le praticien, qui redoute d’être pris pour un charlatan. Il se dit le digne successeur de générations de médecins arabes qui ont eu recours aux plantes pour traiter leurs contemporains. Ainsi, soutient-il, le cumin noir, ou Nigella sativa, convient pour l’hypertension et les problèmes gastriques ; et le miel est parfait pour traiter des infections qui résistent à certains antibiotiques. « De plus en plus de gens souffrent de diabète et de colites, par exemple, et je les soulage avec des plantes », ajoute le Dr Fouad Jaafar. Ahmad Ismaïl, 37 ans, un de ses fidèles clients, venu d’un autre quartier de Bagdad, confirme : « Le recours aux plantes m’a permis de combattre mon diabète et ses effets négatifs. » Cheikh Fouad a ajouté à sa panoplie de plantes des décoctions plus exotiques comme l’huile de serpent qui fait des miracles contre la chute des cheveux, alors que, selon lui, le venin de certains reptiles peut aider en cas de paralysie. Mais les petits pots de ce « mage des temps modernes » peuvent aussi traiter des traumatismes psychologiques, rançons tragiques de la violence. Khaled al-Azzawi, 50 ans, ne sait pas comment le remercier d’avoir libéré sa petite-fille de la peur panique qui l’empêchait de marcher depuis qu’une explosion, il y a un an, l’avait plongée dans un état de totale faiblesse. Mais, secret professionnel oblige, ni le médecin ni le grand-père n’ont voulu dévoiler le secret de cette miraculeuse amélioration. Dans un autre cabinet de l’est de Bagdad, Abou Chams al-Naqshbandi, 47 ans, héritier d’une grande lignée de médecins traditionnels, lui aussi fait confiance aux herbes, et, assure-t-il, il n’est pas le seul. « Mes patients viennent de tous les horizons économiques et sociaux, ils souffrent tous du stress lié à la situation en Irak. » Les maux les plus fréquents, note-t-il, sont le diabète, l’impuissance, la colite, l’hypertension, l’artrite et les insuffisances rénales. « Nous utilisons différents types de traitements par les plantes, mais aussi le recours à des mélanges à base de minéraux, comme la pierre de lune, pour combattre l’impuissance », dit-il. « Le prix élevé des médicaments, celui des visites chez le médecin, mais aussi la fuite de la plupart des professionnels ont conduit les gens à avoir recours aux médecines naturelles », explique Khaled Hikmat, 53 ans, qui attend pour être soulagé de son hypertension.
Dans un pays où la violence a contraint à l’exil des milliers de médecins, les cures traditionnelles font un retour en force pour tenter de soulager les maux dont souffrent les Irakiens. Et les plantes, les huiles et les conseils des maîtres des premiers siècles de l’islam ont remplacé, avec succès, selon leurs nouveux adeptes, une pharmacopée plus contemporaine.
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