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Actualités - OPINION

Faraya, ou l’histoire d’une éducation manquée

Elle est bizarre, la vie ! C’est bien pourquoi elle est synonyme de liberté. En ce sens qu’elle « sort de l’ordinaire » et qu’elle est déconcertante. Un état d’apesanteur psychique qui dépasse tous les phénomènes et pour lequel, depuis que les hommes sont apparus sur la planète, d’aucuns offrent précisément le cours de leur vie physique, jusqu’à la sacrifier. Un état d’apesanteur psychique, dis-je, qui permet d’ouvrir devant chacun de nous des lignes de perspective vers l’infini. Je lisais, ce matin même, dans L’Orient-Le Jour un compte-rendu élogieux sur un nouveau film américain intitulé Into the Wild du cinéaste Sean Penn. Un film qui retrace le court destin d’un jeune homme ayant réellement existé et qui, quoique né dans un milieu nanti et muni d’un diplôme d’université, a choisi l’exode personnel loin de sa famille, de son milieu et de son pays, pour aller jusqu’en Alaska s’approcher du « cœur sauvage de la vie » selon l’expression de James Joyce. L’aventure s’est avérée suicidaire... La liberté ! Elle ne désigne pas tellement cet élan « sans frein ni limites » que l’on imagine d’emblée. Mais elle est surtout l’expression d’un choix personnel qui cherche à affirmer en premier lieu la valeur d’une personnalité et d’une dignité proprement humaines. Or la possibilité de ce choix n’est pas donnée d’avance. Seule la possibilité de l’exercer est innée. Le choix, lui, est tributaire d’une éducation. Voilà où commence l’immense responsabilité de donner la vie. Voilà où peut finir la négligence criminelle de ceux qui considèrent la venue au monde comme un jeu et pour qui l’éducation d’une progéniture n’est que la satisfaction « aux moindres frais » d’un désir ou d’un besoin jugé naturel. Prendre conscience de cette réalité est précisément ce qui fait toute la différence entre l’être vivant animal et l’être vivant humain. L’acte libre est une décision de l’esprit bien plus qu’une réponse à un besoin de l’instinct. L’ignorer par manque de réflexion ou, pire encore, par paresse et négligence est une attitude irresponsable passible de sanctions. Reste le cas de notre héros de Into de Wild. Un cas qui démontre, à titre excepptionnel et au prix d’un drame qui met fin prématurément à une vie, la noblesse et la valeur du sacrifice de qui accepte, comme un martyr qui s’offre, d’aller jusqu’au bout de lui-même. Non pas tant sur le chemin d’une banale aventure que pour marquer au fer rouge la détermination d’une âme qui se révolte à juste titre contre l’enlisement de notre civilisation dans les replis d’une société pourrie de faux confort. Si l’histoire en question dénonce ainsi les piliers, plus lézardés qu’il n’y paraît, de l’éducation familiale en Amérique ou ailleurs, c’est davantage la condamnation de l’abdication parentale que vient souligner le fatal dénouement du scénario. Ah ! Qu’en termes élégants j’aborde pour finir ce qui vient de se passer chez nous à Faraya il y a quelques jours. Illustration « à l’envers » du drame évoqué par Sean Penn... Nous vivons chez nous dans une civilisation félonne et toujours à la traîne du reste du monde. Oui ! Il y a déjà eu des juniors mafieux, ailleurs, dans les sociétés riches et avancées. Nous pensions, ici, être restés à l’abri de pareilles aberrations. Mais la gangrène est rampante, et nous voici pris au piège. Que ces « jeunots » soient des enfants de la « haute » ne les empêche pas d’être perçus comme les enfants de la « honte ». Même et surtout si, comme on le dit, ils appartiennent au milieu que l’on sait et se posent ainsi odieusement au-dessus de la loi. Ceux qui me liront voudront bien m’excuser d’avance pour la franchise avec laquelle je m’exprime. Elle n’est que la pâle et probablement inutile réaction de la tristesse profonde qui m’envahit à la lecture des comptes rendus et des faits divers. Car il ne s’agit pas tant des auteurs de ces regrettables étourderies que des leçons à tirer à l’adresse de leurs aînés et véritables responsables d’une éducation manquée. Il nous suffit déjà de déplorer les manières « civilisées » de notre caste politique. Faut-il que la déchéance des mœurs ait atteint aussi vite le cœur même de la cellule familiale, dernier bien précieux de notre vieux patrimoine ? Hélas ! L’exemple nous vient d’en haut. La décomposition de l’État libanais en est bizarrement la cause et la conséquence. Si seulement ceux qui se croient autorisés à nous gouverner pouvaient se rendre compte du malheur que leur légèreté aura causé. Dieu, par quel miracle l’homme libanais parviendra-t-il à se redresser un jour ? Peut-être que la réponse fine que m’a donnée une dame de mes amis l’autre jour : « Il n’y a plus d’espoir... Il nous reste la foi ! » devrait clore un sujet aussi douloureux que poignant. Louis INGEA Architecte d’intérieur
Elle est bizarre, la vie ! C’est bien pourquoi elle est synonyme de liberté. En ce sens qu’elle « sort de l’ordinaire » et qu’elle est déconcertante. Un état d’apesanteur psychique qui dépasse tous les phénomènes et pour lequel, depuis que les hommes sont apparus sur la planète, d’aucuns offrent précisément le cours de leur vie physique, jusqu’à la...