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Actualités - REPORTAGE

Hausse du nombre des infections avec 90 nouveaux cas contre quelque 40 à 50 les années précédentes Le sida est désormais solidement installé au Liban

« La maladie existe, elle est nationale et continue à se transmettre. » C’est un appel alarmant à la vigilance que lancent les spécialistes libanais à l’occasion de la Journée mondiale de la santé, célébrée le 1er décembre de chaque année. Criant au danger, ils mettent l’accent sur le caractère « local » de la maladie, qui n’est plus uniquement liée aux voyages. Avec 90 nouveaux cas détectés en 2007 (contre quelque 40 à 50 les années précédentes), ils insistent également sur la nécessité de s’impliquer de nouveau dans la lutte contre ce fléau qui continue de se propager au sein de notre société. Le principal problème demeure, selon les spécialistes, le relâchement dans la campagne d’information enregistrée depuis la fin des années 1990. « On a assumé que tout le monde connaît désormais la nature de la maladie et les moyens de transmission, au point de négliger les campagnes de sensibilisation », déplore le Dr Jacques Mokhbat, président de la Société libanaise du sida. En effet, les écoles ont baissé le niveau d’éducation à ce sujet et la presse n’en parle plus qu’occasionnellement. Il en est de même de la société médicale. « Pendant de longues années, la campagne a ciblé la population dite “vulnérable”, alors que l’épidémie s’étend au-delà de ces groupes, poursuit-il. Il est vrai que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes sont vulnérables et constituent actuellement un des principaux problèmes de l’épidémie. Mais cette tranche a toujours été plus ou moins marginalisée, en ce sens qu’au début des années 1990, le pic épidémique au Liban était dû à la transmission du virus aux femmes par les hommes ayant vécu en Afrique de l’Ouest. À l’époque, la campagne était donc principalement dirigée vers ces groupes hétérosexuels. Aujourd’hui, on cible la population “vulnérable”, dont les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, mais on néglige les autres groupes. » Or, la campagne doit cibler, selon le spécialiste, tous les groupes et insister sur la nécessité de se protéger, d’autant que les derniers chiffres du Programme national de lutte contre le sida (PNLCS) montrent que les relations sexuelles non protégées demeurent la cause de la transmission du virus dans 70 % des cas. « Malheureusement, la population continue à croire fermement que le sida est une maladie “importée” et que par conséquent, si on entretenait des relations sexuelles avec un Libanais ou une Libanaise, ou si on n’a pas voyagé, on ne court pas le risque d’attraper le virus », constate le Dr Mokhbat. Il s’agit bien évidemment d’idées préconçues qui se sont traduites par une nette augmentation du nombre d’infections au Liban, le Programme national de lutte contre le sida ayant enregistré 90 nouveaux cas cette année, soit un à deux nouveaux cas par semaine, au moment où le nombre de nouvelles infections a chuté dans le monde. « Nous sommes en train de payer le prix du relâchement de la campagne à partir de la fin des années 1990 », remarque le Dr Mokhbat, soulignant que l’épidémie touche de plus en plus de jeunes. En effet, le PNLCS a relevé, dans une étude menée en 2004 sur 3 200 personnes âgées entre 15 et 49 ans, que 84 % des jeunes n’utilisent pas de préservatifs, bien que 87,3 % d’entre eux soient conscients qu’il s’agit de l’un des moyens de protection les plus efficaces contre le sida. « La campagne doit être relancée et doit se poursuivre, insiste le Dr Mokhbat. Elle ne doit pas être limitée uniquement aux médias et à la Journée mondiale du sida. Il faut qu’elle soit maintenue et régulière. Elle doit être menée à la maison, dans les écoles, dans les universités, etc. » « Marginalisés » Sur un autre plan, les personnes vivant avec le sida (le nombre cumulatif des cas enregistrés depuis 1984 à ce jour s’élève à 1 056) continuent à subir la « marginalisation » sociale, mais surtout médicale. En effet, les tests n’étant pas couverts par les assurances, les patients doivent assurer le coût des bilans, des visites chez le médecin, de l’hospitalisation quand celle-ci est nécessaire. « Heureusement que les médicaments sont offerts gratuitement par le ministère de la Santé, mais au prix de ruptures de stock, un problème qu’on n’arrive pas encore à résoudre, explique le Dr Mokhbat. Une amélioration a certes été notée à ce niveau, mais il n’en demeure pas moins que les médicaments continuent à manquer sans une raison claire et évidente. De ce fait, les patients ratent souvent le médicament. » Ce qui pose le problème de la résistance du virus au traitement. « Nous ne disposons pas actuellement d’un traitement de remplacement, et ce pour plusieurs considérations, note-t-il. D’une part, les compagnies pharmaceutiques ne sont pas intéressées par le marché libanais qui est trop petit ou à cause de la concurrence que pose le générique. D’autre part, le Liban ne faisant pas partie des pays défavorisés, le médicament y est vendu au prix fort. Par conséquent, le ministère ne s’engage pas à assurer ces médicaments qui sont coûteux et nécessaires pour le traitement des virus résistants. » De leur côté, les patients vivent mal ces ruptures de stock. « C’est le drame à chaque fois que le médicament manque, raconte le Dr Mokhbat. Certains de mes patients le stockent. Et c’est compréhensible. Quand le médecin passe des heures à expliquer aux patients qu’ils ne doivent pas rater une dose pour éviter que le traitement n’échoue et que le ministère leur fait rater un mois de traitement, comment voulez-vous qu’ils réagissent ? C’est l’affolement. Ils se sentent marginalisés par la société médicale et par les autorités concernées. Et le problème est d’autant plus grave que les médicaments ne peuvent pas être toujours acquis sur le marché privé, puisque le ministère de la Santé s’était engagé à les assurer. » Sur le plan social, la situation des personnes vivant avec le sida ne se présente pas sous un meilleur jour. Si ces dernières sont soutenues par leurs familles, elles continuent à subir la discrimination de la société. « On n’a pas le droit de tester quelqu’un pour le sida avant de l’engager au travail, insiste le Dr Mokhbat. Il faut mettre une fin à cette pratique discriminatoire qui continue à être pratiquée lorsqu’on engage une employée de maison ou une main-d’œuvre étrangère. Je comprends que l’État libanais refuse de payer le traitement des patients non libanais, mais pourquoi les licencier puisque le virus se transmet par relation sexuelle ? » Si ces personnes sont engagées pour leurs prestations sexuelles, le problème revêtira alors une autre dimension. Nada MERHI * * * Centres de consultation et de test volontaire À l’occasion de la Journée mondiale du sida, le Programme national de lutte contre le sida a publié un communiqué rappelant que le Liban n’est pas « à l’abri du sida ». Il insiste dans le texte sur la nécessité de sensibiliser la population « aux risques et aux conséquences de ne pas se faire dépister, de ne pas se protéger et de rester dans l’ignorance ». Le programme rappelle par ailleurs que des centres gratuits et totalement « anonymes et confidentiels » sont ouverts sur l’ensemble du territoire pour les personnes qui désirent subir un test : – Lebanese Familiy Planning Association à Achrafieh (01/447492) et Saïda (07/751077) ; – NGO’s Platform of Saida (07/725277) ; – Jeunesse contre la drogue (09/638242) ; – Armenian Relief Cross (01/253793, 01/253794, 01/253795) ; – Association Anwar al-Mahabba (01/391396, 01/391397, 01/391399) ; – Jeunesse antidrogue (09/942856) ; – Croix-Rouge libanaise (01/372802, 01/372803, 01/372804, 01/372805) ; – Association Amel (01/304910) ; – Hôpital universitaire Rafic Hariri (01/830000) ; – Centre de santé générale Dar el-Fatwa (01/796400) ; – Centre médical de tuberculose du ministère de la Santé à la Quarantaine (01/443550), à Tripoli (06/424255) et à Manasfé (01/377095) ; – Fondation Hariri à Tarik Jdidé (01/855595), à Bchamoun (05/802548) et à Karm el-Zeitoun (01/215505) ; – Skoun (01/202714) ; – SIDC (01/482428) ; – Dar el-Amal (01/483508) ; – Helem (01/745092) ; – Assistance justice et miséricorde (01/901560).
« La maladie existe, elle est nationale et continue à se transmettre. » C’est un appel alarmant à la vigilance que lancent les spécialistes libanais à l’occasion de la Journée mondiale de la santé, célébrée le 1er décembre de chaque année. Criant au danger, ils mettent l’accent sur le caractère « local » de la maladie, qui n’est plus uniquement liée aux voyages. Avec 90...