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Actualités - CHRONOLOGIE

La charge de 50 kg d’explosifs a été actionnée à distance : 5 tués et 75 blessés outre l’élu Kataëb ; les funérailles demain Le député Antoine Ghanem assassiné dans un attentat à la voiture piégée à Sin el-Fil

Antoine Ghanem, député Kataëb de Aley, a été assassiné hier. Une voiture piégée a explosé au passage de sa Chevrolet à Sin el-Fil. L’attentat perpétré à une semaine du scrutin présidentiel porte à 68 les députés de la majorité sur un total ramené à 127. L’explosion a fait six morts et 75 blessés transportés dans dix hôpitaux de Beyrouth et sa banlieue est. Antoine Ghanem est la dixième personnalité s’opposant à la Syrie à être la cible d’un attentat, depuis l’explosion qui avait touché le 1er octobre 2004 le ministre Marwan Hamadé. Les funérailles du député de Aley et de ses deux compagnons auront lieu demain vendredi. Il était 17 h 20 hier quand une puissante explosion a secoué la banlieue est de Beyrouth. La déflagration a eu lieu dans une ruelle de Sin el-Fil, donnant sur la route principale, dans le périmètre de la librairie Antoine. Selon les informations disponibles en début de soirée, c’est une Mercedes 270 bourrée de cinquante kilos de matière hautement explosive, garée sur la chaussée, qui a explosé au passage de la Chevrolet noire du député de la majorité. La charge a été actionnée à distance. Selon notre chroniqueuse judiciaire, Claudette Sarkis, la Mercedes piégée était volée depuis longtemps. Antoine Ghanem, qui s’était absenté du pays durant deux mois passés en Europe par mesures de sécurité, était rentré dimanche via les Émirats arabes unis pour prendre part à la session parlementaire du 25 septembre. Il avait remplacé la plaque parlementaire de son véhicule par une plaque d’immatriculation ordinaire, croyant à tort qu’il pouvait ainsi échapper à la mort. Le député Kataëb était à bord de sa voiture (assis sur le siège avant droit) avec trois autres personnes dans le véhicule. Son chauffeur Antoine Ghorayeb a péri dans l’attentat ainsi qu’un de ses deux gardes du corps, Tony Daou, assis sur le siège arrière du véhicule. Khalil Fayad a été le seul survivant de la Chevrolet. Il a fallu plus d’une heure pour que les secouristes puissent extraire les corps sans vie des deux hommes qui accompagnaient le député de la carcasse du véhicule. En une fraction de seconde, le secteur de Sin el-Fil où l’explosion a eu lieu, et qui est une zone mixte commerçante et résidentielle, s’est transformé en champ de ruines. Au milieu de la chaussée, une vingtaine de voitures ont été endommagées, certaines entièrement calcinées ; l’asphalte est devenu glissant à cause de l’essence se déversant des véhicules touchés. L’explosion a causé des dégâts matériels dans quatre rues adjacentes au lieu de l’attentat. Les vitres des immeubles ont volé en éclats et les cadres des portes et des fenêtres ont été défoncés. Les façades des bâtiments très proches de l’explosion ont été soufflées, laissant entrevoir les salons ou les chambres à coucher des appartements. Bris de verre et sang À l’intérieur d’un immeuble proche de l’attentat, il fallait marcher sur les bris de verre pour arriver dans les appartements désertés par leurs habitants. À divers niveaux du bâtiment, des traînées de sang maculaient le carrelage clair des escaliers. Ici les portes d’entrée sont complètement défoncées et les meubles éparpillés par le souffle de l’explosion. Un homme pâle entre dans un appartement ravagé. Il voit des gouttes de sang à l’entrée. Il pénètre dans chaque pièce, cherche, ne trouve pas les habitants de la maison. « Je cherche mon frère et sa femme, ils ont deux jumelles âgées d’un an », explique-t-il livide. Il tente de fermer la porte de la maison avec les moyens du bord, voulant probablement partir à la recherche de son frère dans les hôpitaux. Une femme en larmes monte les escaliers. Ses bras sont chargés de sacs. Elle était partie faire ses courses avant l’explosion. Randa serre sa fille d’un an dans les bras. « J’ai garé ma Jeep à côté de la voiture piégée. C’était une Mercedes blanche. Je rentrais du boulot. Je suis arrivée sur le palier, j’ai ouvert la porte et j’ai entendu l’explosion », raconte-t-elle, sachant qu’elle a échappé à la mort. « J’ai vu Antoine Ghanem ensanglanté, les yeux gonflés », affirme Toufic, propriétaire de Terra Flora, un magasin de fleurs à Sin el-Fil. « Il avait une chemise rayée bleu et blanc et une veste noire, tous ses habits étaient tachés de sang, dit-il. Que Dieu nous aide, je ne veux plus rester dans ce pays. » « Je me trouvais dans l’ascenseur, la cabine a tremblé sous le souffle de l’explosion. J’ai cru qu’il y avait un séisme, que la cabine allait s’écraser au sol », précise Camille qui rendait visite à sa belle-mère. « Puis je suis sorti, la scène était apocalyptique. Il y avait de la fumée, des voitures qui brûlaient, des flaques de sang par terre, des gens qui couraient dans tous les sens et qui criaient », indique-t-il. Camille regarde une ambulance qui vient de démarrer en toute vitesse. Elle transporte un mort, l’un des deux hommes qui étaient dans la Chevrolet du député assassiné. Il lance d’un air mi-révolté, mi-las : « Qu’il se calme, le type qu’il transporte est mort, c’est trop tard. » L’ambulance démarre vers l’Hôpital libano-canadien, alors que, sur les lieux de l’attentat, des personnes cherchent toujours leurs proches. Une femme s’effondre devant un véhicule vide et endommagé au milieu de la chaussée. Soutenue par un parent, elle se dirige ensuite vers les secouristes. On ne sait pas qui elle cherche mais on l’entend balbutier, répétant comme une automate : « C’est sa voiture, c’est sa voiture. » À quelques centaines de mètres du lieu de l’attentat se trouve l’Hôpital libano-canadien. C’est ici que les corps d’Antoine Ghanem, de son chauffeur et de son garde du corps ainsi que la dépouille mortelle d’une quatrième personne ont été transportés. Le hall de l’hôpital Une femme brune et maigre demande à chaque soldat, à chaque infirmier, à chaque personne qu’elle croise dans le hall de l’établissement : « Avez-vous vu mon fils ? Il s’appelle Tony Daou. C’est le garde du corps du député. Dites-moi qu’il est là. J’ai fait trois hôpitaux, personne ne l’a retrouvé… Dites-moi qu’il est là, qu’il est vivant. » Jeanne d’Arc ne sait pas encore qu’elle ne reverra plus jamais son fils. Elle s’assoit sur un banc, à côté de l’épouse de Khalil Fayad qui a échappé à la mort, espère que Tony aussi sera épargné. « Vous savez, mon fils est jeune. Il est grand et blond. Il est toujours à l’université », raconte-t-elle. Puis, elle se lève, marche et repose les mêmes questions aux gens qu’elle croise. Les personnes présentes ne lui répondent pas ; elles savent quand même que Tony Daou se trouve dans ce même hôpital. Pas aux urgences mais à la morgue. Alors que l’épouse d’Antoine Ghanem et son fils Toufic commencent à recevoir les condoléances dans un salon de l’établissement, la fille du député de Aley, Mounia Ghanem Tabet, arrive à l’hôpital. Elle embrasse la mère de Tony Daou et l’épouse de Khalil Fayad. Mounia s’assoit sur un banc du hall. Elle s’excuse auprès des gens qui viennent lui présenter leurs condoléances parce qu’elle ne parvient pas à se lever pour les saluer. Elle explique comment, en descendant de Bhamdoun, elle a vu une colonne de fumée noire s’élever dans le ciel de Beyrouth. « J’ai eu le pressentiment que la cible était mon père. Je devais amener ma fille à l’anniversaire de l’une de ses amies. Je l’ai gardée chez les voisins et j’ai accouru », dit-elle. « Papa venait de passer deux mois hors du pays et m’avait appelée dimanche pour me dire qu’il était rentré. Je ne l’ai vu qu’une demi-heure ce matin, je lui ai dit de faire attention, de prendre des mesures de sécurité. Mais il n’avait pas les moyens de s’offrir une protection très importante », ajoute-t-elle, entre deux sanglots. « Depuis deux mois, il se savait personnellement menacé. Il était fataliste, mais je lui disais : “ tu ne peux pas avoir cette attitude, tu as affaire à des terroristes ” », se souvient-elle, ajoutant que « depuis la mort de Walid Eido (député de Beyrouth, assassiné le 13 juin dernier), papa a vraiment pris les menaces au sérieux et il a voyagé. Mais il avait tout le temps la nostalgie du pays. Il ne pouvait pas vivre loin du Liban ». « Il était très attaché à mes enfants, Romy 4 ans et Peter 1 an. Je n’ai pas baptisé mon fils parce qu’il n’était pas là, je me suis dit que le baptême sera organisé après l’élection présidentielle », dit-elle encore. La jeune femme, qui a deux sœurs et un frère, dit qu’elle aurait aimé mourir à la place de son père. « Vous savez, j’ai toujours pensé aux familles des martyrs des forces du 14 Mars, en souhaitant que Dieu leur vienne en aide qu’Il leur donne patience et réconfort. » La jeune femme résume son père en quelques phrases : « Papa disait que la vie est une question de dignité, que l’argent et le pouvoir ne valent rien, que l’important est d’avoir la conscience tranquille. Il disait que l’on peut mentir au monde entier mais pas à soi-même ou au Seigneur. » Dans le salon de l’hôpital, les personnalités commencent à affluer, notamment plusieurs membres de la famille Gemayel, très éprouvés par la nouvelle. Dans une autre aile de l’hôpital, des blessés ayant été traités aux urgences ont été transportés dans leurs chambres. Parmi eux Samir et Joe Massaad. Samir, âgé de 50 ans, était derrière le volant de sa Peugeot et rentrait chez lui à Sabtiyé accompagné de son fils Joe, 17 ans. Les deux sont blessés et brûlés. Sur son lit d’hôpital, Samir raconte : « Notre voiture a pris feu. Nous avons essayé d’ouvrir les portes du véhicule, elles étaient bloquées. Mon fils est sorti par la fenêtre de la voiture ; j’ai voulu faire de même, mais je n’ai pas pu, alors une fois à terre, c’est lui qui m’a aidé à sortir. » Samir et Joe survivront. D’autres n’ont pas eu cette chance. Patricia KHODER
Antoine Ghanem, député Kataëb de Aley, a été assassiné hier. Une voiture piégée a explosé au passage de sa Chevrolet à Sin el-Fil. L’attentat perpétré à une semaine du scrutin présidentiel porte à 68 les députés de la majorité sur un total ramené à 127. L’explosion a fait six morts et 75 blessés transportés dans dix hôpitaux de Beyrouth et sa banlieue est. Antoine...