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Liban - Union pour la Méditerranée

Dialogue et métissage en Méditerranée : des personnalités libanaises de premier plan ont marqué le colloque

Le colloque sur le dialogue et le métissage culturel pour la Méditerranée s'est ouvert hier sous la neige à l'Assemblée nationale à Paris. Au programme, six tables rondes animées par des intervenants spécialistes de l'histoire, de la culture et des religions de la Méditerranée.
À l'initiative du Cercle amical pour la Méditerranée (Camed) et sous le patronage du président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, et du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, le Colloque sur le dialogue et le métissage culturel pour la Méditerranée s'est ouvert hier à l'Assemblée nationale sur une allocution du secrétaire d'État chargé de la Coopération et de la Francophonie, Alain Joyandet, en présence du président d'honneur du colloque, Bernard Debré. « La génétique, les invasions, le passé... Autant de points communs au bassin méditerranéen ». Mais il n'y a pas que l'histoire qui doit être commune, « nous avons aussi le présent à élaborer par le biais notamment de propositions concrètes qui engagent l'avenir de cette région marquée par les guerres, les conquêtes, les victoires des uns ou des autres. Ce que nous voudrions, c'est construire un pôle de stabilité et de paix », a ainsi souligné M. Joyandet. Le ministre a ensuite énuméré les différents projets auxquels l'Union pour la Méditerranée compte s'atteler, notamment « les autoroutes de la mer, l'énergie solaire, l'Université de la Méditerranée, l'initiative méditerranéenne de développement des entreprises ».
De son côté, Christophe Chaghoury, au nom de son père Gilbert Chaghoury qui parraine également ce colloque, a souligné que « Babel vaut mieux qu'une langue unique. C'est au sein de l'UPM que ces mots révèlent tout leur sens » car l'UPM signifie un « avenir de paix de démocratie, de prospérité, et de coopération humaine et sociale », une « unité des cultures qu'il faut réaliser ».
Les six tables rondes se sont articulées autour des thèmes suivants : l'UPM, enjeux et perspectives, existe-t-il une identité méditerranéenne ?, dialogue entre les rives de la Méditerranée, christianisme, islam, judaïsme, bouillon culturel et religieux dans le bassin méditerranéen, économie et UPM, apports de la diversité culturelle méditerranéenne. Un large panel de personnalités libanaises de premier plan ont marqué ce colloque : l'historien Hareth Boustany, l'écrivain Alexandre Najjar, l'ambassadeur de la Ligue arabe à Paris, l'ancien ministre Georges Corm, l'ancien ministre Ibrahim Daher, l'ingénieur Boutros Labaki, le professeur Joseph Maïla, l'architecte Myra Prince, le cardiologue François Boustani, le rédacteur en chef du magazine Qantara, François Zabbal, le responsable des relations diplomatiques au Courant patriotique libre, Michel de Chadarévian et l'écrivaine Vénus Khoury-Ghata.
Lors de la première table ronde, le ministre Georges Corm a souligné que « la Méditerranée est un monde traumatisé, sinon traumatique, et c'est un monde dépossédé de lui-même. Il y a aujourd'hui une tentative de faire reculer les traumatismes ». « Nous sommes les couloirs extrêmes de l'Asie extrême, moyenne ou proche. La Méditerranée est un espace qui a toujours été disputé, et curieusement, dans le sud de la Méditerranée, nous n'arrivons pas à avoir la mémoire un peu moins chaude en ce qui concerne notre passé », a-t-il également relevé. « Aucune invasion n'a été durable, et l'histoire en Méditerranée est très sélective, dans cet espace presque modèle de la guerre des civilisations ». Cet espace est déchiré par deux blocs dont l'un, européen, s'enracine désormais dans une influence dite « judéo-chrétienne » et qui renie totalement son passé gréco-romain. L'autre bloc, la rive sud, est aujourd'hui défini comme le monde « arabo-musulman », un espace traumatisé, malmené par le conflit israélo-palestinien. « Il faut intensifier les contacts et les laisser faire », a-t-il insisté, et poser les questions qui sont sur toutes les lèvres comme « Pourquoi les États-Unis se trouvent-ils en Irak ou pourquoi Israël ne se voit-il pas contraint d'appliquer et de respecter le droit humanitaire international ? » Certes, il y a une cassure entre les deux rives, mais celle-ci ne doit pas être imputée à l'émergence de l'islam, mais bien à une césure qui a sévi au sein même du christianisme, a également soutenu M. Corm.

Vertige et traumatismes
Prenant la parole, Nassif Hitti a d'emblée prévenu : « Il y a un vertige » lorsqu'il est question de la Méditerranée car les initiatives s'y sont succédé sans avoir encore abouti et surtout, en empiétant les unes sur les autres. « Il y a une série de frustrations, et Jacques Attali nous a toujours dit de faire attention et de ne pas mélanger l'utopie avec la réalité ». Pour lui, le Sud vit aujourd'hui tiraillé dans un sentiment « parfois de lâchage ». « Il y a une dialectique transméditerranéenne, comment faire de celle-ci une passerelle, un pont ? » s'est-il également interrogé. M. Hitti a ensuite fait cinq propositions qui, selon lui, permettront au projet de l'UPM d'évoluer positivement, « mettre l'accent sur la verticalité, adopter une approche flexible, et accepter une coopération a géométrie variable et à plusieurs vitesses. Un cheminement qu'il faut désormais admettre ». Pour le diplomate, il faut aussi « démocratiser et rendre visible la coopération, ce n'est pas un club anglais... Il faut une politique de proximité, tout le monde doit y trouver un certain intérêt ». Le problème, c'est qu' « on a toujours voulu éviter le politique, or cela est impossible. On ne peut pas faire abstraction de la réalité des choses. Il est nécessaire de créer une tradition de forums, « auxquels participeraient un officiel et un membre du secteur privé, des acteurs de la société civile ainsi que des intellectuels, car il faut une certaine légitimité populaire » pour mener à bien ce type de projets.
Un scepticisme partagé par l'ambassadeur marocain Hassan Abouyoub, qui a souligné à propos de l'institutionnalisation de l'UPM que « nous avons produit un monstre, avec une double présidence (Espagne et Égypte), pas de secrétaire général et cinq secrétaires adjoints qui ne peuvent pas aujourd'hui décemment s'asseoir et discuter ensemble », depuis que la situation à Gaza a dégénéré. Il faut « revisiter l'UPM d'urgence pour reconstruire avec les États-Unis et d'autres partenaires encore la nouvelle gouvernance de l'Union pour la méditerranée ».

Identité méditerranéenne et démocratie
La seconde table ronde a été axée sur la notion d'identité méditerranéenne. L'historien Hareth Boustany a souligné que « les Phéniciens ont été les premiers globalisateurs du monde, ils ont semé leurs gènes sur le pourtour méditerranéen de manière positive, mais parfois aussi négativement, puisqu'ils ont laissé en héritage la thalassémie, connue aussi sous le nom de "Phoenician Disease" ». Il a également mis en relief le passé commun de la région, et pour lui, il existe bel et bien une identité méditerranéenne commune.
La journaliste Claudine Rulleau a quant à elle axé son intervention sur les avancées et reculs de la femme dans cet espace. « Il n'y a aucune tentative de rapprochement entre les codes civils et les statuts personnels de certains pays. Les droits des femmes varient énormément » entre le Sud et le Nord et dans de nombreux pays, la société civile continue de réclamer l'instauration d'un code civil « pour régler toutes les questions matrimoniales et patrimoniales ».
La député européenne Béatrice Patrie a de son côté mis en exergue la question de l'islam politique. « Existe-t-il un islam politique, existe-t-il un modèle islamique du pouvoir, un modèle spécifique de gouvernement ? Cette idée de l'islam politique est récurrente. Il y a une période de nostalgie mythique d'une période d'or du califat durant laquelle les gouvernants ont été vertueux, soucieux du bien-être de leurs sujets. » Cette période reste encore très ancrée aujourd'hui dans l'inconscient d'une partie de la Méditerranée, a ajouté Mme Patrie. S'arrêtant sur la notion de démocratie, elle a relevé que ce terme devenait de plus en plus « dévalorisé », et cette dévalorisation profonde de la démocratie est un grand problème auquel il faut remédier, car il n'est pas sûr que ce système soit universel. « La démocratie soulève deux questions : celle de l'alternance politique et des droits de l'homme. Il faut ici s'interroger sur l'instrumentalisation du religieux par le politique (...) Bien entendu, le tout est de savoir si l'islam politique est capable ou non de s'inscrire dans le jeu démocratique. Et enfin, il y a la question des droits de l'homme, une question essentielle dans la construction de l'UPM. » Or ces droits ne sont pas uniquement une valeur occidentale, c'est une valeur « que nous devons construire ensemble, partager ensemble ». « Le préambule de la charte de la conférence islamique a reconnu la compatibilité des droits de l'homme avec le système islamique », a-t-elle aussi rappelé.
Dans le cadre de la table ronde consacrée au dialogue entre les rives de la Méditerranée, Alexandre Najjar a ardemment défendu la cause de la francophonie, vecteur de dialogue et de compréhension dans cet océan de diversité qu'est la rive méditerranéenne. Il a ainsi exhorté la France à ne pas abandonner le rôle qui est le sien dans cette région du monde car si « la francophonie n'appartient pas seulement à la France, elle a néanmoins besoin de son soutien. Il n'y a pas d'UPM sans francophonie et il n'y a pas de francophonie si la France perd conscience de la responsabilité qui pèse sur ses épaules ».
Pour Joseph Maïla, l'Europe a eu à travers l'histoire et jusqu'à ce jour un rôle paradoxal, « à la fois prédateur de civilisation méditerranéenne et pourvoyeur de culture ». Pour lui, cette zone est « une réplique du dialogue dit des civilisations » et le tout est de réussir à savoir « comment faire pour que la diversité soit une chance pour la paix ».
À l'initiative du Cercle amical pour la Méditerranée (Camed) et sous le patronage du président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, et du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, le Colloque sur le dialogue et le métissage culturel pour la Méditerranée s'est ouvert hier à l'Assemblée nationale sur...
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