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Actualités - OPINION

Amuse-gueule et double dichotomie

« Se moquer de la philosophie c’est vraiment philosopher. » Pascal Le fameux bêtiser de Flaubert, Dictionnaire des idées reçues, fourmille de vérités premières, de tournures toutes faites, chères aux braves Bouvard et Pécuchet que nous sommes tous, à un moment ou à un autre. Mais il est également de flamboyants, de célébrissimes aphorismes qui, à l’examen, ne tiennent pas tellement debout. Bien qu’ils paraissent droits dans leurs bottes, au garde-à-vous, singui tak. – Eppur, si muove, de Galileo. Et pourtant, elle tourne. Mais pourquoi faire, grands dieux, si elle ne tourne pas rond ? – Chi va piano, va sano. Ma dove, in inferno, con Dante Allighieri ? – To be or not to be, that is the question, marmonne Shakespeare. For whom the bell tolls, here or there ? Only for Freud, Sartre, Heidegger and partners, those happy few. C’est assez peu, on en conviendra. Pour un bûcheron de nos amis, la vraie question ce serait plutôt hêtre ou ne pas hêtre. À la tronçonneuse. – Du même acabit, mais alors là au top sommet, le Cogito ergo sum, de Descartes. Et quand on ne pense à rien, qu’on est heureux quoi, on n’est pas ? On n’existe pas ? Et puis, penser, c’est quoi au juste ? C’est quoi, la pensée ? On sait à peine, et mal, comment ça fonctionne. Mais sa nature, sa substance, son origine, son esprit, qu’en sait-on ? Nihil, nada, niente, rien de rien. Lacan, Barthes, Arendt, Hegel y ont-ils seulement pensé ? À quoi ils nous servent, ces hurluberlus de la berlue berlinoise, selon le mot prêté à un connaisseur, saint Jacques Tati, alias Monsieur Hulot. Le Mon Oncle du Petit Nicolas. Le surhomme schizophrène – La flèche à suivre, sur cette piste aux étoiles, c’est encore Nietzsche (trop de lettres inutiles dans ce nom, persiflait Jules Renard) qui nous la décoche. Ce qui ne te tue pas, te rend plus fort, claironne le walkyrien. Ya wohl, mein führer, c’est vrai pour certaines peuplades incomplètement génocidées. Mais pas toujours. Il en est qui s’en remettent bien mal, qui s’en trouvent dégradées pour longtemps. Voir l’Afrique, l’Amérique, l’Antarctique, l’Asie profonde. Ou les espèces animales en voie de disparition. En tout cas, au niveau ordinairement collectif, c’est-à-dire pour les sociétés dites civiles en crise, ainsi qu’au niveau individuel, si tu as la chance de réchapper à ce qui serait assez fort pour te tuer, tu en sors neuf fois sur dix rudement affaibli. Peut-être même agonisant. Nous en sommes la parfaite illustration. Les guerres, les divisions, et même la soudaine faiblesse en 005 de cet autrui hostile qu’est la Syrie, ne nous ont guère endurcis. Ni épurés. Épurés ? On est dans quoi, là, dans la morale, dans l’esthétique ? Non, dans la notion Starwars « Que la force soit avec toi », te protège. Être fort, pour se défendre, pour vivre, pour garder son pays, pas pour attaquer et spolier. Or, pour être fort, il faut être net, tranchant. Sur les fondamentaux qui n’admettent, comme le proclame Antoine Messara, aucune concession, aucun compromis, aucun bazar, aucune équivoque. L’État, l’État de droit, l’État de plein droit. De plein droit du monopole des armes. De la souveraineté, de la libre décision, de l’indépendance. En suivant le professeur cité, on comprend vite que le pays se débat dans un problème de double dichotomie. D’abord, côté orientation, il perd ses repères, son chemin et se trouve déboussolé, du moment que les deux camps en présence choisissent des destinations opposées. Du reste confuses, du moment qu’au sein de chaque formation l’on dénote des variantes de cap démultipliées : nord-nord, nord-est, nord-ouest, sud-sud etc. Ainsi, il est notoire que, dans l’opposition, il y a des libanistes pur jus, des prosyriens, des prosyriens-proiraniens, des proiraniens, des proreligieux, des athées progressistes… Dont il y en a aussi en face où se côtoient des libanistes de la première heure, des repentis, des amis de Ryad, d’autres de Washington ou de Paris, etc. Tout ce monde pinaille, ergote. Tant pour polémiquer avec l’adversaire que pour se démarquer de ses partenaires, en contester les tendances. Sur des sujets parfois secondaires transmués en essentiels. Comme, par exemple, le passé des uns ou des autres. Ou la gestion administrative du gouvernement. Cette cacophonie est en elle-même gravissime, potentiellement mortelle. On en oublie non seulement les fondamentaux, dont fait partie la signification pratique du principe de coexistence, mais encore plus les urgences vitales de l’heure. La crise socio-économique d’une part. Et, sur le plan de la lecture du tableau de bord, cette question à laquelle il faut, impérativement, une réponse commune : le Liban est-il, oui ou non, attaqué sur son flanc syrien ? L’évidence saute aux yeux. Mais, aussi incroyable et malheureux que cela soit, l’opposition radicale, Hezb et Amal, apporte à cette interrogation une réponse négative. Voire même inversée. Puisque, selon les députés du Hezb, ce serait le gouvernement de l’indépendance qui s’en prendrait éhontément à une pauvre Syrie qui n’en peut mais. Quant au CPL, il apporte à la question en question une réponse tristement, inexplicablement, évasive. Dans le même sens, dans le même esprit, on déplore, en vrac, qu’il y ait controverse sur la contribution syrienne dans l’affaire de Nahr el-Bared, sur le rôle de l’armée passé-présent-futur, sur le sens du label président de consensus, sur le quorum, sur les législatives, sur la participation au pouvoir, sur le pacte de Taëf même. Ou sur le leadership au sein de la communauté chrétienne. Bref dans ce magma baignant dans une mentalité généralisée d’équivoques et de faux-fuyants, le Liban ne sait pas trop où il va. Une fois la présidentielle franchie, il y aurait quoi après ? Probablement, et au mieux, un montage bancal de compromis. Et après, et après après ? Un avenir embrumé, une incertitude entière. Assez loin du cèdre tutélaire, à l’ombre du cyprès. Arbre de cimetière. Jean ISSA
« Se moquer de la philosophie c’est vraiment philosopher. »
Pascal

Le fameux bêtiser de Flaubert, Dictionnaire des idées reçues, fourmille de vérités premières, de tournures toutes faites, chères aux braves Bouvard et Pécuchet que nous sommes tous, à un moment ou à un autre. Mais il est également de flamboyants, de célébrissimes aphorismes qui, à l’examen, ne tiennent pas...