Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

PORTRAIT D’ARTISTE - Avec un demi-siècle de succès et de triomphes Claudio Abbado, vous connaissez sûrement… Edgar DAVIDIAN

Avec lui, la musique connaît un de ses chefs d’orchestre les plus prestigieux, les plus légendaires. De Milan à Berlin, en passant par Vienne, Londres et Lucerne, Claudio Abbado, puisque c’est de lui qu’il s’agit, règne en monarque absolu sur la musique. Ce n’est guère un hasard si  Arte, la chaîne télévisuelle franco-allemande, vient de lui consacrer une série de reportages et de concerts, notamment celui où il dirige une symphonie de Gustave Mahler (son premier triomphe dans les années 1970 fut justement la Résurrection de Mahler !) à Lucerne pour le festival de cet été. Pour le commun des mortels, même pour ceux qui ne sont pas mordus par la grande musique, le nom de Claudio Abbado suscite une magie et une aura particulières. Comme cette dame qui s’occupe davantage du choix de ses toilettes et de ses accessoires de mode que du dernier concert en ville et qui n’hésite pas à répondre, entre deux conversations mondaines : « Mais oui, bien sûr je connais Claudio Abbado, ce chef d’orchestre qui fait parler, paraît-il, le silence… » Elle ne pensait pas si bien dire, même en se fourvoyant dans sa citation, cette charmante dame pour qui la musique est sans nul doute un engouement bien futile et frivole… Redoutable et belle réputation qui précède, à très juste titre d’ailleurs, le célèbre maestro qui vole de continent en continent, de ville en ville, de succès en succès, de compositeurs confirmés en compositeurs à découvrir… Lumière donc sur un homme pour qui la musique est la grande affaire d’une vie. Tout a commencé à Milan, où il est né le 26 juin 1933. Premier concert à la Scala, temple sacré de la musique, à l’âge de sept ans ! Éblouissant coup de foudre, coup d’épée tranchant, regard pétrifiant de la Méduse pour les Nocturnes de Debussy et promesse solennelle d’un enfant de se vouer au monde des sons. Promesse tenue, et voilà que le jeune Abbado suit des cours au Conservatoire de Milan et se fait une formation académique chez Carlo Zecchi à Sienne. Plus loin encore dans son parcours initiatique musical avec un séjour à Vienne, où il se familiarise avec les chœurs de l’Orchestre philharmonique de la ville et se lie d’amitié professionnelle avec Hans Swarowsky, Joseph Krips, Bruno Walter et Herbert von Karajan. Et les grandes portes s’ouvrent brusquement en 1958 avec le prix du concours Koussevitzky à Tanglewood. Et l’enfant ébloui à la Scala en devient, en 1960, de facto son maestro. Dès lors, tout se précipite à une vitesse vertigineuse. Consécration internationale après le prix Dimitri Mitropoulos de l’Orchestre philharmonique de New York (en 1963) et la rencontre, toujours à New York, avec Leonard Bernstein. Voilà Claudio Abbado, la coqueluche du jet-set musical et de la Scala, salle au public le plus chatouilleux, contestant les contre-ut même des superstars : Callas en fit malheureusement les frais et plus récemment encore Roberto Alagna dont la sortie spectaculaire n’est pas encore prête d’être oubliée ! Abbado sera d’ailleurs le chef d’orchestre de cette salle à la fois turbulente et exigeante jusqu’au snobisme, véritable baromètre de l’art lyrique, qui sacre les artistes ou destitue les monstres sacrés, de 1968 à 1986. Et puis viennent les glorieuses étapes de Vienne, Berlin, Londres, où il sera le chef principal de l’Orchestre symphonique de 1979 à 1987, tout en n’oubliant pas l’exceptionnelle Carmen de Bizet qu’il donnera avec Teresa Berganza et Placido Domingo à Lucerne où, en 2003, il groupe tous les instrumentistes chers à son cœur. Le maître, passé comme une suprême référence dans l’art mozartien et rossinien, n’en est pas moins intéressé par d’autres partitions, d’autres inspirations, d’autres écritures et formulations musicales… Mais tout d’abord, notons ses prises de position politiques (contre la guerre au Vietnam, contre l’intervention russe en Tchécoslovaquie) qui le rendent plus sympathique au grand public et révèlent son généreux engagement pour les grandes causes humaines. Par ailleurs, il collabore avec des artistes et des metteurs en scène géniaux et innovateurs : Paolo Grassi, Georgio Strehler, Youri Lioubimov, Andrei Tarkovski. Ses concerts, ses innombrables performances et sa discographie grignotent, en toute tranquille assurance et art souverain, avec cet impeccable sens du détail et de la nuance la plus fine, tous les domaines, toutes les tendances, toutes les frontières, toutes les inspirations, tous les siècles… Du classique au moderne, en passant par le baroque et le romantisme, la férule d’Abbado est d’une intrépidité inouïe. Liste longue certes, mais sans nul doute guère exhaustive pour tenter de cerner les limites où a passé la baguette du maestro. De Verdi (Macbeth, Simon Boccanegra, Un bal masqué et Don Carlos sous sa houlette ont eu une vie nouvelle) à Wagner, en passant par Bach, Monteverdi, Beethoven, Berlioz, Bruckner, Mozart, Schubert, Schumann, Moussorgski, Stravinsky, Brahms, la musique, sous sa direction, a tous les éclats du monde et un souffle régénéré. Et cela ne s’arrête guère aux musiciens qui hantent la mémoire des temps passés. Claudio Abbado sait donner aussi voix aux partitions des musiciens contemporains en faisant ressortir toutes les beautés, toutes les contradictions, toutes les nervosités, toutes les stridences et toutes les amplitudes de leur modernité. Parmi cette avant-garde qui a audacieusement renversé des barrières qu’on croyait infranchissables, on cite volontiers les noms de Ligeti, Janacek, Boulez, Schoenberg, Rihm, Berg et Nono… Quoi écouter chez ce musicien aux goûts à la fois prolifiques et éclectiques, à la culture musicale immense ? Embarras de choix bien entendu devant tant de trésors à (re)découvrir…Même si l’on fouille méthodiquement dans les enregistrements de Deutsche Gramaphon, on ne saura toujours pas quoi mettre sur la platine. Pour un moment en dehors du temps, pour un moment entre ciel et terre, pour un moment de passion et de générosité, il y a bien sûr Verdi, mais pour les plus curieux, les plus téméraires, ceux qui foncent dans un univers intemporel et immatériel, il y a ce joyau qu’on désigne par la Deuxième symphonie, dite Résurrection de Mahler interprétée avec les chœurs Schonberg et l’Orchestre philharmonique de Vienne. Comment définir cet enregistrement ? Chacun saura trouver les termes adéquats et, à défaut de mots, le silence est bienvenu comme pour le plaisir d’écouter dans une bienheureuse solitude en tout recueillement…
Avec lui, la musique connaît un de ses chefs d’orchestre les plus prestigieux, les plus légendaires. De Milan à Berlin, en passant par Vienne, Londres et Lucerne, Claudio Abbado, puisque c’est de lui qu’il s’agit, règne en monarque absolu sur la musique. Ce n’est guère un hasard si  Arte, la chaîne télévisuelle franco-allemande, vient de lui consacrer une série de reportages...