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Témoignage - Les Libanais de la diaspora au Canada se penchent sur la situation au pays du Cèdre Donald Eddé : Notre jeunesse, un réservoir de vie, notre espoir

« La meilleure résistance passe par l’éducation », souligne le médecin radiologue établi à Montréal depuis 1982 «J’avais quitté sur un bateau français comme médecin à bord avec ma femme et ma fille Dina (4 ans). J’ai jeté un coup d’œil sur la ville qui s’éloignait. Aucune lumière sur Beyrouth. Black-out sur tout un pays. C’était en 1982. Depuis ce temps-là, j’appelle à la résistance. » C’est en ces termes que Donald Eddé raconte son départ pour le Canada afin de compléter sa spécialisation à McGill. Aujourd’hui, Donald Eddé est chef du département de radiologie de l’hôpital Jean Talon, cofondateur et directeur de trois cliniques de radiologie à Montréal. Il a de nombreuses activités humanistes et bénévoles. En 1992, il a reçu le prix du gouverneur général du Canada pour services rendus à ses compatriotes, la communauté en général et enfin le Canada. Il se veut un résistant que la guerre a forcé à émigrer et qui n’aura de cesse que lorsque son pays sera sorti « de l’ornière ». Prônant l’éducation comme stratégie de défense, il frappe aux portes ; sa force de frappe étant la persuasion, il insiste, explique. À l’instar du métier qu’il pratique, il diagnostique la pathologie pour mieux l’éradiquer. Éloigné, pas du tout exilé, mais demeuré un fils à part entière. Rencontre avec Dr Donald Eddé. « Il y a quelque temps, à travers la tribune de L’Orient- Le Jour, j’ai demandé aux jeunes Libanais de résister, de résister encore, toujours, jusqu’à la libération, souligne-t-il. La meilleure résistance passe par l’éducation. En décrochant des diplômes universitaires, nos jeunes s’équipent pour remporter une victoire qui sera certainement à leur avantage. Qu’ils commencent leur carrière au Liban ou à l’étranger, ils pourront toujours revenir pour rebâtir le Liban. Le meilleur exemple est la période entre 1975 et 1990. Beaucoup ont quitté pour revenir à la première accalmie. Notre capital humain et plus particulièrement notre jeunesse sont le symbole de notre pérennité. Elle constitue l’équivalent d’une banque de sang, d’une source de vie, à laquelle on s’adressera le moment opportun. Ceux qui n’aiment pas le Liban doivent comprendre une fois pour toutes que la diaspora est un réservoir profond et dense qui servira à alimenter la mère patrie. » À la question de savoir qui, à son avis, n’aimait pas le Liban, s’il ne valait pas mieux faire une introspection véritable, mettre le doigt sur la plaie plutôt que d’accuser de vagues « forces occultes » de s’acharner sur le pays, Donald Eddé répond : « Je n’ai pas de pronostic là-dessus ou de diagnostic sans faille, je ne suis pas non plus dans le secret des grandes puissances. Il suffit de jeter un coup d’œil sur ce qui se passe, sur cette agonie ou descente aux enfers du pays pour constater qu’un Liban en bonne santé constitue soit un sujet de convoitise, soit un modèle à détruire. » Discuter sans intermédiaire « Bien entendu, ajoute-t-il les responsables politiques libanais ont une grande part de responsabilité dans la dérive actuelle. Au nom d’une partie des Libanais d’outre-mer dont je suis le représentant et de tous les Libanais de la diaspora, j’en suis sûr, je demande aux dirigeants de cesser le dialogue de sourds ou le manque de dialogue tout court, et d’entamer un dialogue constructif sans intermédiaire ni médiateur. Partout dans le monde, on fait appel à nos talents de négociateurs, pourquoi devrait-on laisser aux autres le soin de négocier notre destin à notre place ? Il y va de notre crédibilité. À partir du moment où il y aura un consensus national, toutes les difficultés pourront être aplanies. Je m’adresse à la majorité silencieuse, celle qui serre les dents, celle qui se serre les coudes, et je lui demande de persévérer sur la même voie. C’est une question de survie. » Donald Eddé précise ensuite que la diaspora faisait son possible et de son mieux pour aider, que ce soit sur le plan financier ou sur le plan de l’information. « La diaspora libanaise établie à l’étranger, souligne-t-il, envoie chaque année un total de 4 milliards de dollars vers le pays. Le Regroupement des professionnels Canada Liban (RPCL), dont je suis le fondateur et président, ainsi que sa branche locale, le RPQL, pour le Québec, sont des regroupements apolitiques et non confessionnels de professionnels vivant au Canada en général et au Québec en particulier, œuvrant sur les plans culturel, éducatif et social pour un Liban souverain, occupant pleinement sa place parmi les nations. De plus, le RPCL fait ce qu’il peut pour convoyer au Liban des aides plus ponctuelles revêtant le caractère de l’urgence ou de l’aide humanitaire. » « Récemment, en collaboration avec Cemede (Belgique), Green Force (Belgique) et la Fondation Raymond Debbané, le RPCL a envoyé du matériel médical et des médicaments, souligne Donald Eddé. Le bateau est arrivé à Beyrouth le 6 juillet. D’autre part, à travers d’autres ONG que je préside, nous consacrons chaque année des sommes destinées à couvrir des bourses d’études. Nous croyons fortement qu’un esprit éduqué ne peut être ni conquis ni vaincu. » Influencer par l’information « Par ailleurs, ajoute Donald Eddé, on essaie d’informer, d’influencer non par la pression, mais par l’information. C’est dans cet esprit que le RPCL a organisé un symposium suivi d’un gala le 12 mai 2007 pour honorer M. Riad Salamé, gouverneur de la Banque centrale, pour son travail exceptionnel lors de la guerre des 33 jours. Étaient présents le ministre Tarek Mitri et le Dr James Zoghby. De par cet événement, nous voulions envoyer un message clair au monde, selon lequel la vraie résistance du peuple libanais est une résistance à travers l’éducation, le développement humain et économique, ainsi que le maintien d’une économie solide. » À l’occasion du premier anniversaire de la guerre de juillet 2006, Donald Eddé a participé à une tribune à Radio-Canada en vue de sensibiliser les Canadiens au problème libanais et rappeler les pertes énormes subies par le Liban suite à la guerre des 33 jours : 1 200 morts, 4 400 blessés dont 15 % de handicapés, 91 ponts et 120 000 maisons détruits. « Trois réalités doivent être acceptées par la communauté internationale, souligne-t-il. Le Liban ne peut être occupé, le Liban ne peut être divisé. Le problème du peuple palestinien doit être réglé sans plus tarder, mais pas au détriment du peuple libanais. Il faudrait sortir le Liban de la politique des axes. La guerre qui est livrée au Liban est principalement économique. Une économie saine et prospère amènera santé et stabilité pour tous les Libanais, toutes confessions confondues. Que chaque citoyen devienne le protecteur de chaque pouce des 10 400 km2 qui lui reviennent de droit. Quelques arpents de terre... Et tellement convoités. » Et Donald Eddé d’ajouter : « Ces 10 400 km2 appartiennent à tous les Libanais, dans toutes leurs composantes, celles restées sur place et celles qui ont quitté. Certains souhaiteraient revenir, c’est normal, c’est leur droit. C’est une priorité. Permettez-moi de souligner à cet égard que le Liban n’appartient pas seulement aux maronites, tout en rappelant le rôle décisif joué par Émile Eddé dans la création de l’État libanais. Être maronite, c’est une façon de vivre en tenant compte de sa mémoire. » Et si la mémoire vacille ? Que faire lorsque le cœur balance entre deux identités ? « Être maronite est un mode de vie, répond Donald Eddé. C’est une appartenance profonde à notre patrie, un amour de la liberté et une résistance farouche au déracinement C’est pourquoi les Hobeiche, tribu chrétienne convertie par saint Paul, ont quitté le Yémen, en l’an 50 ap. J.-C. pour ne plus avoir à supporter les vexations d’un roitelet local. Cent jours à dos de chameau pour s’établir dans le Akoura au cœur de la montagne libanaise, bastion imprenable de notre entité nationale. Par la suite, les membres de cette même tribu s’installèrent définitivement dans le village de Eddé dont ils devaient prendre le nom. Roitelets ou tyranneaux, ils font légion, ils sont toujours à l’œuvre. Personnellement, je ne suis jamais vraiment parti. Je n’ai jamais tourné le dos. Je ne suis ni plus loin ni plus proche, aucunement exilé. Avec la facilité des communications, je prends l’avion le soir, je suis le lendemain à Kartaba au Liban. Le Liban est ma patrie d’origine, il aura toujours une connotation spéciale dans mon cœur. Le Canada est le pays de l’accueil. Ce sont deux parties devenues intégrantes de moi. Je suis prêt à servir aussi bien l’une que l’autre », conclut Donald Eddé. Propos recueillis par Amal Khoury Prochain article, le témoignage de Mgr Joseph Khoury, évêque éparchial des maronites du Canada
« La meilleure résistance passe par l’éducation »,
souligne le médecin radiologue établi à Montréal depuis 1982

«J’avais quitté sur un bateau français comme médecin à bord avec ma femme et ma fille Dina (4 ans). J’ai jeté un coup d’œil sur la ville qui s’éloignait. Aucune lumière sur Beyrouth. Black-out sur tout un pays. C’était en 1982. Depuis ce temps-là,...