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Actualités - OPINION

Liban d’hier, Liban de demain Fouad J. TABET

Le Liban est un territoire habité par des groupes relevant de 18 communautés qui se côtoient et qui, en vertu de leur statut religieux, ne croient malheureusement pas en leur appartenance à une nation. Leur sens de la nation se réduit à élire à la Chambre des députés des représentants communautaires, censés leur rendre service le jour où ils en auraient besoin. Cette situation sociopolitique a engendré, dès la naissance du Liban moderne (1943), un net clivage entre les diverses communautés, essentiellement entre deux grandes civilisations : l’une occidentale, de laquelle émane la chrétienté ; l’autre, orientale, de laquelle émane l’islam dans toutes ses composantes : sunnite, chiite, druze. Pourtant, en 1943, deux grandes figures politiques du moment, le président de la République Béchara el-Khoury (chrétien maronite) et le président du Conseil Riad el-Solh  (musulman sunnite), avaient déjà perçu ce conflit probable au Liban et, d’un commun accord, selon un pacte national non écrit, avaient déclaré : «  Le Liban sera un pays qui n’appartiendra ni à l’Occident ni à l’Orient. » Cette formule, qui devait se développer au sein des diverses communautés, serait à mettre en application pour éviter au pays toute ingérence étrangère et lui conférer un caractère de neutralité, au sein d’un Moyen-Orient dont on percevait déjà l’effervescence et les conflits à venir. Depuis l’assassinat, en 1952, de Riad el-Solh, le Liban politique se trouve aux soins intensifs. Puisque l’on parle d’État libre et indépendant que réclament toutes les voix politiques du Liban d’aujourd’hui, il nous faudrait définir ce que cette formule signifie pour un pays comme le Liban. En fait, l’aspect politique sur lequel se penchent les forces qui s’affrontent se résume à résoudre les problèmes du moment, ce qui est loin de constituer la solution aux problèmes. En effet, les données de la politique libanaise actuelle sont telles que nul ne peut dire si dans six mois, un an ou deux ans les crises latentes ne resurgiront pas. Le malheur de ce pays provient de son manque de nationalisme, adapté à la mosaïque libanaise. Or il n’y a pas plusieurs issues ou solutions. La seule solution pour sortir de cet imbroglio, c’est l’éducation politique, civique et nationale. Vivre en commun, proclame-t-on de toute part. Encore faut-il s’appliquer à mettre en œuvre cette profession de foi. Comment ? Par une éducation basée sur un programme de formation, dans toutes les écoles, depuis le primaire jusqu’à l’universitaire, suivi et surveillé par un département directement rattaché au ministère de l’Éducation nationale, avec capacité d’intervention, en cas de non-application du programme, assortie de la possibilité de sanctions exemplaires. Il est un fait que, dans cet amalgame de communautés, il faut arriver à déterminer le dénominateur commun qui leur permettra de vivre en harmonie et devenir des nationaux sans aucune hypothèque étrangère, quelle qu’en soit la source. Or ce dénominateur commun ne peut être que l’appartenance à la nation, une notion qui signifie l’acceptation de l’autre, dans le respect de ses habitudes et coutumes. C’est savoir que chaque citoyen a non seulement des droits, mais aussi des devoirs envers la nation et envers ses concitoyens. Être souverain, libre et indépendant ne veut nullement dire rejeter toute aide ou tout apport que pourrait procurer une nation étrangère, à condition qu’en aucune manière, directement ou indirectement, elle ne s’immisce dans la politique nationale et ne l’hypothèque. Partis politiques ? Au Liban, il existe des partis politiques qui, en fait, sont des partis religieux. Leurs leaders proclament à cor et à cri qu’ils veulent l’entente nationale, la vie en commun. En fait, nul n’est conséquent avec ce qu’il proclame. Il vaudrait mieux avoir deux grands partis, formés, l’un de loyalistes, l’autre d’opposants. En effet, la meilleure solution, face aux courants religieux et communautaires, consisterait à grouper au sein des deux partis les porte-parole, représentants, dirigeants et même dignitaires religieux, et obtenir ainsi un consensus, ou au moins une majorité, qui permettra à l’un ou l’autre parti de s’exprimer au nom des groupes qui le composent. Pour autant, cela ne devrait pas empêcher la formation d’autres partis ou mouvements moins importants. Toutefois, cette option voudrait dire à plus ou moins brève échéance la déliquescence de chaque grand parti et l’effacement à terme des leaderships. C’est alors qu’au sein de chacun de ces deux grands partis, les éventuels conflits de communautés, privilèges, avantages, restrictions et autres problèmes économiques et sociaux seraient résolus sans nécessairement un recours à la rue. Pour en arriver là, il y a une période de transition marquée par l’éducation des nouvelles générations. Nouvelle indépendance Depuis 2005, le Liban vit sa seconde indépendance, mais il est toujours à la recherche de son identité. Certes, ce ne sont pas les critères qui sont développés par les tenants de la politique actuelle qui permettront de fixer cette identité. En effet, les acteurs politiques d’aujourd’hui cherchent à régler l’héritage pourri des politiques passées. Vaine mission. Ce qu’il faut aujourd’hui, une fois formé un gouvernement d’union nationale et élu un nouveau président, c’est s’attacher à résoudre les maux du pays en imposant, comme première résolution révolutionnaire, une méthode de vie et d’éducation civique et nationale, qui donnera naissance aux citoyens libanais de demain. Les événements de Nahr el-Bared et la fermeté de l’armée face aux terroristes de Fateh el-Islam augurent d’une nouvelle ère dans l’attitude des forces armées face à des incidents graves pouvant porter atteinte à l’État. C’est la première fois, en effet, depuis 1943, que l’armée prend part de façon aussi étendue et aussi étudiée à une guerre, mis à part son engagement lors de la guerre de 1948 contre l’État hébreu. C’est aussi la première fois qu’elle paye un tribut aussi lourd en sang. Les forces politiques qui s’affrontent aujourd’hui devront accepter cette force déployée pour la sauvegarde de l’État. Si l’institution militaire a réussi là où les institutions civiles ont échoué depuis 1943, c’est uniquement dû à l’éducation que ses soldats ont suivie durant leur formation. Au plan régional, il ne faut pas oublier que le nombre de juifs dans le monde et en Israël est d’environ 15 000 000, mais qu’il existe plus de 15 millions d’émigrés libanais. D’où l’idée d’instituer l’année de la nouvelle émigration, pour créer un flux et un reflux de Libanais d’élite dans le monde, toutes communautés confondues. On aurait ainsi l’opportunité de les revoir au Liban tous les quatre ans et de comprendre le poids de leur union. Un ambassadeur extraordinaire visiterait les principaux pays où se trouve cette nouvelle diaspora. Il serait muni d’un programme de conférences étalé sur 40 à 45 semaines, chaque semaine étant consacrée à un thème de la science et de l’économie. C’est ainsi qu’il y aurait par exemple des cardiologues libanais de plusieurs continents qui seraient invités à visiter le Liban à l’occasion de la semaine qui concerne leur spécialité. Ils donneraient à cette occasion des conférences aux résidents pour les informer des dernières technologies de pointe. De ce flux et reflux d’émigrés naîtrait un nouveau rapprochement entre citoyens de même origine. Avoir une diaspora de qualité, et maintenir le contact entre résidents et émigrés devraient être la vocation du Liban de demain et constituer une force naturelle, hors frontière, qui maintiendrait un lien sans cesse renouvelé. Conclusion Le Liban d’aujourd’hui est le Liban d’hier. Ce qu’il faut, c’est imaginer le Liban de demain. Ce Liban-là sera le produit de la formation d’un citoyen libanais libre de toute hypothèque étrangère, éduqué selon un programme bien préparé, sponsorisé par les hommes politiques et religieux d’aujourd’hui, riches de leurs échecs passés et de leur expérience. C’est réussir à sortir du concept « citoyens de religions » pour devenir citoyens d’un État libre, souverain et indépendant. Sinon, nous devrons nous contenter de ce que nous avons depuis plus de 50 ans. Article paru le mardi 28 août 2007
Le Liban est un territoire habité par des groupes relevant de 18 communautés qui se côtoient et qui, en vertu de leur statut religieux, ne croient malheureusement pas en leur appartenance à une nation. Leur sens de la nation se réduit à élire à la Chambre des députés des représentants communautaires, censés leur rendre service le jour où ils en auraient besoin. Cette situation...