MOMENTS INSOLITES - Un métier peu ordinaire Jimmy, 30 ans, profession : strip-teaseur (et fier de l’être) Carla HENOUD

Jimmy fait un métier dangereux, probablement sans le savoir. Comme un acrobate sur le fil tendu de la pudeur, il doit trouver les gestes précis, la chorégraphie exacte, pour ne pas tomber dans le précipice de la vulgarité. Strip-teaseur depuis huit ans, il semble bien connaître ses limites, et… toutes ses possibilités. Les lignes rouges, c’est lui qui se les pose et les impose à des clients parfois trop demandeurs. Jimmy, de son vrai nom Jamil Daher, est un rebelle qui défend bien sa cause. Un corps sculptural, qu’il soigne à coups d’entraînements sportifs et autre body building, le mot construction est très juste, 1 mètre quatre-vingts et beaucoup de centimètres très musclés, une vraie « gueule » qui fait craquer son fan-club, lorsqu’il sourit. Bref, Jimmy est un homme bien nanti. Si la nature lui a offert ces quelques atouts qu’il ne cesse de développer et d’exploiter, la vie n’a pas toujours été une complice idéale. Car pour arriver à pratiquer ce métier dans les meilleures conditions, pour savourer et faire partager ce plaisir dont il est fier, pour, enfin, réussir à vivre en toute liberté, les choses n’ont pas toujours été faciles. À 12 ans déjà, il volait la voiture de son père bien trop sévère, « pour lui montrer que je n’accepte pas que l’on m’impose les choses dans la violence… ». Plus tard, à l’école, il sera l’élève rebelle. Encore plus tard, dans sa vie d’adulte, il décide de choisir sa voie et de l’imposer à une famille, une société, voire des amis trop réticents. « J’ai tout essayé, tout vécu. Mais les excès ne m’intéressent pas. Je suis mort trois fois. » En effet, son corps, que l’on paye pour voir en plein show, a subi trois accidents. Un camion qui lui roule dessus, une voiture qui le renverse en traversant la rue, et une électrocution plus tard. Sa vie ressemble de plus en plus à un roman dont il tient à écrire la conclusion de chaque chapitre. « Mon corps a subi de nombreuses fractures. Je boxe, je cours, mais c’est à chaque fois beaucoup de souffrances. » Aujourd’hui, pourtant, Jimmy est un homme heureux. Le regard des femmes, comme un baume, semble le consoler de toutes ces douleurs passées… Un métier dangereux Tout a commencé par hasard, comme souvent dans ce genre de situation. Un jeune homme qui danse bien, une plastique parfaite. Une soirée entre amis, d’abord à Londres puis au Liban, que l’on redemande, et l’improvisation devient un métier. Jimmy s’occupe, depuis, de ses costumes, de la musique et parfois « de tout l’évènement : location des lieux, musique, programmation entière de la soirée ». Font appel à lui des femmes qui veulent enterrer leur vie de célibataire de la plus belle façon, des copines qui ont juste envie de s’amuser ou encore des jeunes adolescentes à la veille de leur 18e année. Le strip-tease n’est jamais intégral. « Je respecte mon boulot autant que ma personne, tient-il à préciser, et je l’aime, sinon je ne l’aurais pas fait. Je refuse l’argent facile, les soirées où l’on me demande plus qu’un strip-tease et les milieux gays. Je ne veux pas me vendre… » Ses personnages les plus demandés, au gré du fantasme de ces dames : le policier, le plombier, le serveur, le motard, le cow-boy, le pilote et même Batman ! Ses tarifs sont « peut-être un peu chers ». C’est un choix délibéré car, souligne-t-il, « je me considère comme un artiste qui accomplit une performance devant un public. C’est également une façon de maintenir un certain niveau et de donner à ce métier son importance », conclut-il, en lançant un dernier regard acéré qui semble bien dire : « Ni qu’on me force ni qu’on m’empêche… »