Success Story - Le « premier as des jets de combat » est originaire de Marjeyoun Au cimetière d’Arlington, James Jabara, un héros libano-américain de la guerre de Corée WASHINGTON-Irène MOSALLI

« Ci-gît le lieutenant-colonel James Jabara, premier as américain des jets de combat, décédé en 1962 à l’âge de 43 ans. » Cette épitaphe est gravée sur une tombe du cimetière d’Arlington où sont enterrés les héros du pays de l’Oncle Sam. Issu d’une famille d’émigrés de Marjeyoun, d’une taille de 1,65 mètre, étant obligé de porter des lunettes de myopie, James Jabara n’avait aucune aptitude à devenir un pilote de guerre. Et pourtant, il l’est devenu, battant de plus de multiples records. Les archives du département américain de l’aviation militaire abondent en documents rendant compte de ses exploits. Cet illustre personnage fait partie de la première génération d’Américains d’origine libanaise. Élevé dans l’État du Kansas, il a d’abord travaillé dans l’épicerie familiale. Durant la Seconde Guerre mondiale, il s’inscrit à l’école de l’aviation militaire et obtient son diplôme en 1943. Il entre de suite dans l’action et accomplit plus de cent missions de combat en Europe. L’été 1944, il est décoré de la Croix d’honneur et d’une autre l’été suivant. À la fin de la guerre, il entre à la Tactical Air School d’une base militaire de Floride où il réussit brillamment. Il est alors qualifié pour piloter le dernier modèle d’avion de combat à réaction. On le nomme dans l’escadron d’interception qui commence à opérer en décembre 1950 en Corée. Là, il accomplit une grande performance en abattant quatre Mig. Ce n’est pas tout. L’année suivante, James Jabara mène un combat digne d’un film hollywoodien. Son escadron reçoit l’ordre d’attirer au combat les avions de chasse russes, les Mig. À cet effet, les pilotes devaient vider graduellement leurs réservoirs d’essence pour améliorer leur marge de manœuvre. L’un des réservoirs de Jabara accuse une défaillance, mais il continue quand même et, à 7 000 mètres d’altitude, il engage un spectaculaire duel avec un chasseur russe et lui défonce le fuselage. L’avion ennemi prend feu et plonge dans le vide. Voulant confirmer sa victoire, Jabara plonge derrière lui et le photographie avec son fusil caméra. En reprenant de l’altitude, il tombe sur six autres Mig avec lesquels il mène une lutte féroce. À un moment donné, l’arrière de son appareil se retrouve accroché à l’avant d’un appareil adverse. Après s’en être dégagé, avec l’aide d’un avion de son escadron, il réussit à mettre en déroute tous les pilotes russes. Ce qui lui vaut d’être promu « Premier as de jets de combat ». Mieux que James Bond Même dans la vie de tous les jours, il avait tout de l’agent 007. Audacieux, flamboyant, fantaisiste et faisant fi de tous les dangers, il était devenu une légende. Témoin cet épisode : se faisant un jour transporter par un jeune pilote, il s’installe sans vergogne sur le siège éjectable et allume tranquillement un cigare, ignorant les mesures de sécurité. Il est ainsi décrit dans l’un des ouvrages ayant trait à la guerre de Corée : « Chez lui, c’était “le vol et l’attitude”, une confiance en soi et une fierté qui frôlaient l’arrogance. Son avion préféré était celui de la haute performance avec un seul siège de combat. Et il passait plus de temps en tenue de vol qu’en uniforme d’officier. Dans son univers, le statut social relevait de la performance aérienne, et non des grades et des étoiles ». James Jabara, qui ne pouvait se passer du grand frisson, est retourné en Corée en 1955 où il s’illustre de plus belle. Promu lieutenant-colonel plus tard, il s’apprêtait à se rendre au Vietnam, en 1966, lorsqu’il a trouvé la mort dans un accident de voiture, en compagnie de sa fille qui conduisait sa Volkswagen. Il avait 43 ans.