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ART CONTEMPORAIN - Un pavillon libanais pour la première fois à la biennale Cinq artistes racontent leurs histoires à Venise Maya GHANDOUR HERT

Jamais représenté en tant que tel à la Biennale d’art contemporain de Venise, le Liban a inauguré pour la 52e édition son tout premier pavillon au sein de la plus ancienne et la plus prestigieuse exposition consacrée aux arts visuels. Fouad el-Khoury, Lamia Joreige, Walid Sadek, Mounira el-Solh et Akram Zaatari sont les artistes qui ont raconté une petite part de leur pays, une petite part d’eux-mêmes, à travers des œuvres photographiques, des installations et des vidéos sous le thème de « Foreword ». Les curateurs, Sandra Dagher et Saleh Barakat, précisent que ces travaux tournent autour de « l’idée de raconter l’histoire, dans un pays où l’on ne s’entend pas sur une histoire commune ». «Pense avec tes sens - Ressens avec ton esprit » est le thème choisi pour cette grand-messe de l’art contemporain qui se tient dans la cité lacustre et qui réunit, jusqu’au 21 novembre, quelque 76 pays, de la Chine à la Turquie, du Mali à l’Amérique… et le Liban, présent pour la première fois de manière officielle. En dépit et contre tout, Sandra Dagher et Saleh Barakat ont réussi l’irréalisable : représenter le pays du Cèdre de manière civilisée et fédératrice, en ces temps de divisions et dissensions tous azimuts. Une initiative plus que louable donc et qui regroupe – est-ce un hasard ? – des artistes de différents backgrounds. Mais avant de passer en revue les heureux ambassadeurs et leurs œuvres, remontons avec les curateurs vers la genèse de l’événement. Après la guerre de juillet 2006, alors que la situation du pays était au plus bas, Vittorio Urbani, un curateur et mécène italien, se met en contact avec Dagher et Barakat pour leur proposer une participation libanaise à la Biennale de Venise 2007. Les deux galeristes libanais ont tout de suite accepté. « Nous étions impatients de réaliser quelque chose de positif pour notre pays », indique Barakat. Et de poursuivre : « Après l’inscription administrative de routine, il nous fallait trouver un local adéquat. Il s’est présenté sous la forme d’une ancienne brasserie, la Brewery Dreher, sur l’île de Giudecca. » Trois cents mètres carrés, un plafond haut de quatre mètres, une mezzanine, un espace vierge qui pouvait se prêter à toutes les modulations… L’aventure pouvait commencer. Le défi était relevé. Mais comment trouver un financement dans un pays au bord de la banqueroute ? Comment choisir un thème au milieu de polémiques diverses, ou encore comment sélectionner un nombre limité d’artistes parmi une multitude de talents prometteurs ? Autant d’obstacles auxquels se sont heurtés les deux galeristes qui avouent a posteriori que la plus grande question de toutes était de savoir quelle histoire raconter à propos du Liban d’aujourd’hui ? « Faut-il diffuser la vision d’un pays déchiré par la guerre ou donner à voir une autre image du pays ? demande Dagher. Il y existe tant de versions et d’interprétations qu’il est impossible de se mettre d’accord sur quoique ce soit. » C’est alors qu’il nous est apparu évident que le thème incontournable était « la narration ». Après avoir fixé ce thème, ils ont sélectionné cinq artistes dont le travail épouse l’idée de la narration. Le lieu de l’exposition a été conçu de manière à ce qu’il reflète la situation au Liban. Un local délabré, qui contraste avec les travaux exposés. Pour illustrer un pays en état de délabrement et de désolation aux antipodes de sa population, qui fait preuve d’un zèle incroyable pour rester dans la contemporanéité. Une exposition qui a été rendue possible grâce non pas à des fonds publics, mais à travers de généreux mécènes. Cela illustre parfaitement la vie culturelle du pays où l’improvisation tient une place prépondérante. En réalité, l’absence d’aide de l’État dans ce secteur garantit la non-politisation des œuvres, comme c’est le cas pour ce pavillon libanais à Venise. Le thème de l’exposition, « Foreword », qui signifie « aller de l’avant », est à prendre ici au sens large. Il englobe des pratiques artistiques diverses : des narrations personnelles, des témoignages, des photographies. On y parle d’amour, de mort, du statut d’artiste ou encore de l’incontournable guerre. « L’exposition ne cherche pas à mettre en avant un seul artiste pour représenter le Liban. Il s’agit plutôt d’une tentative d’explorer différentes expériences vécues par cinq artistes libanais. » Du côté des artistes Verdict unanime des visiteurs du pavillon : ce cru est bon. Le pavillon libanais présente autant d’objets, autant de mémoires et d’histoires qui, par bribes, émergent, s’élaborent, s’entrecroisent, singulières. – Fouad el-Khoury donne à voir 33 clichés pris durant la guerre de juillet-août 2006, sous le thème de « On War and Love ». Né à Paris en 1952, de parents libanais, ce diplômé en architecture en 1979 s’est orienté vers la photographie avec un premier reportage sur la vie quotidienne au Liban. En 1982, il a couvert le siège de Beyrouth et ses images paraissent dans Libération. Il publie en 1984 Beyrouth aller-retour et réalise l’année suivante un reportage sur le cinéma égyptien. En 1989, il entre à l’agence Rapho et part sur les traces de Flaubert et de Maxime du Camp en Égypte. En 1992, il participe à l’ouvrage, aujourd’hui devenu mythique, Beyrouth centre-ville, rassemblant les photographies de Gabriele Basilico, Raymond Depardon, René Burri, Josef Koudelka et Robert Frank. Une grande exposition lui a été consacrée par la Maison européenne de la photographie en 2001. – Lamia Joreige présente une installation vidéo interactive intitulée Je d’Histoires qui mêle documents d’archives et éléments de fiction. Née à Beyrouth, Joreige a suivi une formation conjointe en arts graphiques, cinéma et peinture. Partant de témoignages visuels liés à ses origines géographiques, Beyrouth, le Liban, la guerre et l’après-guerre, l’artiste crée des œuvres travaillées dans leur texture, leur esthétisme. Résidente en France depuis 1983, elle étudie les arts graphiques à Paris puis poursuit une formation en cinéma et peinture aux États-Unis. Elle a présenté ses peintures et vidéo dans divers festivals, expositions personnelles et collectives à travers le monde. Parmi ses réalisations, Objets de guerre n°2 (vidéo documentaire et installation, 2003 – Ici et peut-être ailleurs (documentaire), 2003 – Replay (bis) (fiction), 2002. – Walid Sadek expose, pour sa part, une installation intitulée Mourning in the Presence of the Corpse, des textes et des traces d’un passé-présent. Ou comment, à travers un roman d’Élias Khoury, al-Woujouh al-Bayda (1981), un individu fait le deuil en présence du corps. L’artiste et écrivain qui vit à Beyrouth a publié plusieurs ouvrages et des essais. Il enseigne actuellement au département d’architecture et de design à l’Université américaine de Beyrouth. – L’artiste-peintre et photographe Mounira el-Solh a conçu une installation vidéo, As if I Don’t Fit There, où elle traite de « la vie de quatre artistes fictifs qui ont décidé d’arrêter de l’être ». Son approche n’est pas réaliste, mais plutôt fictionnelle ou encore complètement fantaisiste. Elle maquille les situations dramatiques avec beaucoup d’ironie. – Le vidéaste Akram Zaatari présente Vidéo in Five Mouvements, où il part sur les traces du photographe Hachem el-Madani, immortalisant, par la même occasion, des sites libanais tels que Beiteddine, Dahr-el Ramleh, Kfarhonah et Jezzine. El-Madani, du studio Shéhérazade, tirait des portraits instantanés de gens sur la plage, au sport, immortalisant des moments fugaces et heureux avec l’esprit d’un Doisneau. L’histoire contemporaine de ces pays donne un intérêt supplémentaire à ce panorama. Zaatari, diplômé en architecture de l’Université américaine de Beyrouth, a suivi une maîtrise en arts médiatiques à New York. Réalisateur, il a produit et réalisé de nombreux courts-métrages et vidéos. Cofondateur de la Fondation arabe pour l’image, il poursuit un travail de recherche sur l’histoire de la photo au Moyen-Orient. Comment, à partir de quoi raconter, témoigner ? Comment reconstituer la mémoire individuelle, collective, sinon en réinscrivant et en exposant les traces déposées par les événements. Quelles mémoires constituer ? Pour quel avenir, pour quelles identités ? Telles sont quelques-unes des interrogations qui motivent l’expérimentation et la démarche de ces cinq artistes-ambassadeurs du Liban. www.lebanonvenicebiennale.com www.labiennale.org
Jamais représenté en tant que tel à la Biennale d’art contemporain de Venise, le Liban a inauguré pour la 52e édition son tout premier pavillon au sein de la plus ancienne et la plus prestigieuse exposition consacrée aux arts visuels. Fouad el-Khoury, Lamia Joreige, Walid Sadek, Mounira el-Solh et Akram Zaatari sont les artistes qui ont raconté une petite part de leur pays, une petite...